Commissaire-priseur

François de Ricqlès

Par Olivier Michelon · Le Journal des Arts

Le 14 septembre 2001 - 903 mots

Né en 1958, François de Ricqlès, commissaire-priseur à Paris, a dispersé en juillet dernier la collection Hubert Goldet, établissant ainsi un nouveau record pour une vente d’art primitif. Il comment l’actualité.

Les décrets d’application de la loi du 10 juillet ont mis un terme au monopole des commissaires-priseurs. Que faut-il désormais pour que la France retrouve sa place ? L’ouverture signifie aussi la concurrence. La craignez-vous ?
L’ouverture du marché va permettre à Paris de retrouver des ventes qui étaient exportées à Londres et à New York. Mais les dispersions de grands tableaux modernes continueront à ne pas se tenir ici, à cause du droit de suite. En dehors de cela, l’arrivée de Christie’s, Sotheby’s et Phillips permettra à des ventes de plus grande qualité d’avoir lieu à Paris – si l’on considère que la vente Laura est une grande vente. J’ignore si Christie’s aurait organisé la vente Riahi à Paris si elle avait pu le faire. L’ouverture du marché est une chose que nous attendions tous. Cela aurait dû se faire depuis plus de vingt ans pour permettre à la profession de s’adapter vraiment à la concurrence. Cette réforme était inéluctable. Je ne connais pas exactement les chiffres de Christie’s, Sotheby’s ou Phillips, mais il y a un vrai déséquilibre en matière de chiffre d’affaires avec les études françaises, qui ont sans doute une rentabilité plus importante. Mais je fais aussi ce métier pour présenter des œuvres intéressantes et malheureusement les neuf dixièmes des grandes collections sont vendus par les maisons de vente étrangères. Je ne crains pas particulièrement la concurrence, mais les choses seront toutefois difficiles. Le haut de gamme du marché est déjà entre les mains de Sotheby’s et Christie’s. Avec le temps, ils obtiendront peut-être le reste. Les commissaires-priseurs ont tant de mal à se regrouper que j’ai du mal à percevoir ce qu’il restera de tout cela dans une dizaine d’années. Des concentrations se feront peut-être sous la pression de la libéralisation, mais elles seront bien tardives. À plus ou moins long terme, la profession de commissaire-priseur va connaître un changement radical.

Comme l’a montré la vente Goldet que vous avez dirigée, le marché des arts primitifs semble en pleine expansion. Quelle est votre réaction sur cette évolution ? Paris est-elle vraiment une place majeure dans ce secteur ?
Je suis à la fois bien et mal placé pour parler de la vente Goldet. Elle a eu un tel succès que cela a effectivement autorisé la presse internationale à considérer Paris comme la place mondiale pour l’art primitif. Mais je tiens à souligner que les places mondiales se créent. À Londres, à New York, à Amsterdam ou à Paris, si les conditions d’une réussite sont réunies, vous l’obtenez. Prenons l’exemple de l’Art déco avec des personnalités comme Camard ou Marcilhac, qui, associés à des commissaires-priseurs, ont su faire de Paris une place incontournable dans cette spécialité. Paris a en effet une tradition de collections et de ventes d’art primitif. Psychologiquement, c’était un “plus” de vendre ici ainsi que l’avait souhaité Hubert Goldet. Mais de très grandes ventes de ce type, comme celle de la collection Helena Rubinstein, ont également eu lieu à New York. Le marché des arts primitifs s’est toujours bien tenu. À la fin des années 1980, il était aussi très fort. Avec l’ouverture du pavillon des Sessions, le public s’est peut-être plus largement intéressé à ce domaine et les gens se sont montrés plus sensibles. Mais sont-ils pour autant des acheteurs ? Je n’en sais rien.

Vous parliez du pavillon des Sessions. Son instigateur, Jacques Kerchache, vient de décéder. Pensez-vous que la présence des arts primitifs au Louvre lui survivra ?
Je connaissais très peu Jacques Kerchache, mais son décès est une chose très triste, d’autant qu’il n’était pas âgé. Dans son combat pour l’ouverture du pavillon des Sessions, s’il était la personnalité la plus apparente, il a été très soutenu par d’autres collectionneurs comme Hubert Goldet et André Fourquet. Je trouve l’architecture de Jean-Michel Wilmotte magnifique, et je ne vois pas pourquoi ces objets partiraient du Louvre après l’inauguration du Musée du quai Branly. Ces œuvres seraient-elles choquantes dans “le plus grand musée du monde” ?

Quelle est votre opinion sur la ratification d’Unidroit ?
S’il peut préserver et conserver des objets in situ dans leurs pays d’origine, ce texte est formidable, mais, s’il s’agit d’ajouter des contraintes à la liberté de circulation de pièces appartenant à des collectionneurs occidentaux, je le regrette. Les choses sont suffisamment compliquées dans ce domaine. L’application d’Unidroit peut être complexe. À l’exemple du droit de suite, cela risque d’aboutir à l’exportation d’une partie du marché, ou à ce que les transactions se fassent de façon plus discrète. L’État n’a alors plus ni contrôle, ni ressource fiscale. Mais la défense du marché de l’art n’est pas en fait le but de ce texte.

Quelles expositions ont attiré votre attention récemment ?
J’attends avec impatience la rétrospective “Jean Dubuffet” au Centre Pompidou. J’apprécie moins la dernière partie de son travail, mais une rétrospective va me permettre de pouvoir rejuger l’œuvre dans sa globalité, de comprendre son cheminement. À Beaubourg, également, j’ai aimé l’exposition “Denise René”. J’apprécie ce type de manifestation qui suit l’itinéraire d’une personnalité sur plus de cinquante ans. On pouvait assister à la fois à l’évolution de l’intérêt de la galeriste, ainsi qu’à la progression du marché avec, par exemple, l’ouverture puis la fermeture de ses galeries aux États-Unis ou en Allemagne.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°132 du 14 septembre 2001, avec le titre suivant : François de Ricqlès

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