Entretien avec Anri Sala

Le Journal des Arts

Le 12 octobre 2001 - 501 mots

Présent à la Fiac dans l’espace Vidéo cube, Anri Sala bénéficie également d’une exposition personnelle à la galerie Chantal Crousel. Il a accepté de répondre à nos questions.

La majorité de vos vidéos sont tournées en Albanie, alors que vous habitez la France depuis environ quatre ans. Pourquoi ce choix ?
J’ai réalisé une vidéo à Milan et un film à Roubaix, mais c’est vrai que la plupart de mon travail est ancré dans mon pays d’origine. Ce n’est pas tant l’endroit qui m’intéresse – même si j’aime particulièrement la lumière albanaise –, mais le rapport qui s’est instauré avec la distance et le temps. Au début de mon installation en France, j’ai souhaité approfondir les questions qui naissaient de ce recul, or, maintenant, quand je retourne en Albanie, cela fait émerger des interrogations qui sont plus dirigées vers la France. Mes points de référence ont changé. Il y a eu un retournement, en quelque sorte.

Arena, une de vos récentes vidéos, dégage une atmosphère étrange. La personne humaine y est, à la différence de vos travaux antérieurs, pratiquement absente. Pouvez-vous nous parler de cette pièce ?
Le cadre de cette vidéo est le zoo de Tirana. J’ai fréquenté ce lieu pendant mon enfance, et j’ai été très impressionné en voyant la façon dont il avait évolué. Le parc n’est plus entretenu, et il ne reste plus aujourd’hui qu’une dizaine d’animaux. Aucune transformation n’a eu lieu jusqu’au début des années 1990.
Ensuite, avec les changements politiques, le zoo a commencé à s’ouvrir en accueillant une faune plus exotique alors que par le passé, seules les espèces du paysage “local” étaient représentées. L’établissement ressemble désormais à une ville fantôme : les animaux sont morts faute de soins, de nourriture ou ont été volés. Je vois dans ce zoo une métaphore de la situation albanaise, qui après une période d’euphorie a dû finalement faire face à une dure réalité. L’architecture du zoo, cet immense cercle ouvert qui s’apparente à un aquarium, m’a intéressé car elle laisse transparaître une immense tristesse. Les hommes ont déserté les lieux, il ne reste plus que leurs traces.

Vous montrez également dans cette exposition une série de photographies qui ont été prises dans ce zoo. Comment intégrez-vous ces photographies dans votre démarche globale ?
Je considère ce travail comme étant indépendant de la vidéo. Il ne s’agit pas de photographies d’arrêts sur image mais de véritables prises de vue réalisées sur place. Le “décor” est le même que celui d’Arena, mais les images étant fixes, les cadrages et les lumières étant également différents, on pénètre de façon autre dans l’image. Je souhaitais attirer l’attention sur des choses que l’on ne perçoit pas dans la vidéo et inversement.

Vous employez apparemment peu d’effets dans vos vidéos. Retravaillez-vous les images ?
Non, je préfère faire mes choix avant qu’après. Je m’arrange pour obtenir un résultat qui soit conforme à ce que je désirais au départ.

Galerie Chantal Crousel, 40 rue de Quincampoix, 75004 Paris, tél. 01 42 77 38 87, jusqu’au 24 novembre.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°134 du 12 octobre 2001, avec le titre suivant : Entretien avec Anri Sala

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