Inde, terre de pionniers

La photographie du sous-continent s’expose à Londres

Le Journal des Arts

Le 12 octobre 2001 - 691 mots

Symboles d’un temps révolu, les tirages que propose la Brunei Gallery de l’École des hautes études africaines et orientales de Londres mettent en scène l’Inde du XIXe siècle. Réalisée à partir des plus grandes collections de photographies indiennes, l’exposition dépeint un pays sous toutes ses facettes.

LONDRES (de notre correspondant) - Bien qu’elles soient nées dans un ancien protectorat de l’Empire britannique, les photographies de “India : Pioneering Photographers, 1850-1900” (Inde : les photographes pionniers, 1850-1900) sont présentées à Londres pour la première fois. S’appuyant sur deux des plus grandes collections d’art indien – celle de l’ancien ministère des Affaires étrangères riche de 250 000 photographies et celle de Howard et Jane Ricketts constituée à partir de 1972 –, l’exposition a été conçue par John Falconer, conservateur du département des photographies et des collections de la section indienne de la British Library. Présentée par l’Asia House sur les deux étages de la Brunei Gallery de l’École des hautes études africaines et orientales, l’exposition britannique a choisi de ne réunir que des œuvres de petit format. Documentant de manière exhaustive les cinquante premières années de la photographie en Inde, elle offre un accès fascinant et historique à différents aspects de la vie de cette époque, dont certains ont tellement changé qu’ils ne sont plus reconnaissables aujourd’hui. Elle associe également les bonheurs que procure une lumière naturelle parfaite aux gens, aux paysages et à l’architecture d’une grande civilisation, parfaitement préservée, qui existait depuis longtemps lorsqu’elle devint dépendante de la souveraineté britannique. Cette rétrospective couvre une période qui coïncide avec la naissance et l’évolution rapide de la photographie en Inde, moins de dix ans après l’invention du médium. “Entre le moment où les premières utilisations du dispositif ont été tentées en Inde et le développement d’un marché d’amateurs dynamique les photographes avaient créé un répertoire d’images, toujours fascinantes et souvent d’une beauté époustouflante, de cette terre plurielle à l’infini”, écrit John Falconer. Divisée en quatre sections, l’exposition est un reflet des grands sujets qui ont intéressé les photographes de l’Inde du XIXe siècle et inaugure son parcours par des œuvres d’amateurs éclairés. Si les réalisations photographiques indiennes datant des années 1840 sont rares, c’est seulement au cours de la décennie suivante que le support s’est imposé comme le premier vecteur de l’information visuelle concernant le sous-continent indien, reléguant la gravure et la lithographie au second plan.

Maharajas, nawabs et bégums
Examinée dans la deuxième section, la diversité architecturale et ethnique des différentes régions du pays fait l’objet d’une approche pragmatique et documentaire. La curiosité manifeste pour la variété infinie de types exotiques présents dans les communautés autochtones anciennes reflète le désir scientifique des expatriés de cartographier le monde. Ce désir se caractérise par l’idée de classifications des types et des sites, qui fut associée à tant de démarches photographiques du XIXe siècle. Plusieurs ensembles de tirages sur papier albuminé réalisés par Samuel Bourne – qui a produit plus de 2 000 images au cours de son séjour de sept ans en Inde – et par Lala Deen Dayal – photographe de studio indien très prisé – constituent la troisième section de cette exposition. Ils côtoient des tirages de photographes professionnels actifs à la même époque, et dont certains n’ont été que récemment identifiés, tel Donald Horne Macfarlane et sa série d’études de plantes et de paysages qui date du début des années 1860. Composée de portraits de cour officiels de princes, maharajas, nawabs et bégums indiens photographiés dans leurs plus beaux habits d’apparat, la quatrième et dernière section présente des images symboliques d’une ère disparue ayant fasciné les photographes, l’East India Company et le public britannique. L’avènement du XXe siècle annonce l’apparition de dispositifs plus simples et moins encombrants permettant aux amateurs d’accéder plus pleinement au médium photographique. Ainsi, les images du grand Durbar de Delhi des années 1902-1903, mises en scène par le vice-roi Lord Curzon avec le panache et la grandiloquence qui les caractérisent, sont un écho de cet inventaire photographique.

- Inde : LES PHOTOGRAPHES PIONNIERS, 1850-1900, jusqu’au 15 décembre, Brunei Gallery, School of African and Oriental Studies, Thornhaugh Street, Russell Square, Londres, tél. 44 20 7898 4046, tlj sauf dimanche 10h30-18h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°134 du 12 octobre 2001, avec le titre suivant : Inde, terre de pionniers

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