De l’école au musée, il n’y a qu’un pas...

Un panorama des actions éducatives qui s’adressent aux enfants mais aussi à leurs enseignants et à leurs parents

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 12 octobre 2001 - 1362 mots

Apparues dans les musées depuis une vingtaine d’années afin d’initier le jeune public au domaine de l’art, les actions éducatives, gérées par des services spécifiques, sont actuellement au cœur des préoccupations de l’État. Le plan proposé à la rentrée par Jack Lang, ministre de l’Éducation nationale (lire l’entretien ci-contre), prévoit ainsi de développer des partenariats avec les musées, tandis que le ministère de la Culture met l’accent sur le rôle pédagogique des institutions, notamment au travers de la loi musée, actuellement en discussion au Sénat. Des ateliers pour enfants à la formation des enseignants, en passant par les visites-conférences ou des activités plus originales, un panorama des divers programmes \"éducatifs\"? de nos musées français.

PARIS - “Chaque musée de France dispose d’un service ayant en charge les actions d’accueil des publics, de diffusion, d’animation et de médiation”, rappelle l’article 6 de la loi musée. Si ces notions “d’accueil des publics”, et plus précisément de “service pédagogique” ou “éducatif”, sonnent aujourd’hui comme une évidence, elles ne concernent les musées que depuis peu. “Les musées ont été créés il y a environ deux siècles en France avec une intention pédagogique intrinsèque : à l’époque, exposer suffisait et il n’y avait pas d’action éducative à proprement parler”, rappelle Jean Galard, chef du service culturel du Musée du Louvre. Il a fallu attendre l’ouverture du Centre Pompidou en 1977 pour voir apparaître les premiers services éducatifs. Le Musée d’Orsay a ensuite ouvert en 1986 avec d’importants projets pédagogiques, suivi du Louvre qui, bénéficiant de l’expérience de ces deux institutions, a créé en 1987 un service culturel étoffé, dont le budget se situe actuellement entre 20 et 25 millions de francs par an. Un chiffre à rapprocher du taux de fréquentation du musée, dont 25 % sont liés aux activités culturelles. “Les conservateurs sont doublement sensibles aux fonctions pédagogiques : il s’agit d’une part d’une mission éducative du musée et, d’autres part, de nécessités économiques, précise Jean Galard. Le rôle du service culturel est à la fois de développer la connaissance des collections et la fréquentation du musée. L’un ne va pas sans l’autre.”

Imaginés par le Centre Pompidou et développés par de nombreux musées, les ateliers pour enfants marquent le point de départ des animations destinées au jeune public. “Les enfants sont sans préjugés. Pour eux, le Rhinocéros de Xavier Veilhan est autant une œuvre d’art qu’un Bruegel ou qu’un Matisse ! Les activités que proposait le centre ont donc été adoptées très naturellement”, explique Anne-Michèle Ulrich, directrice de l’action éducative et des publics du Centre Pompidou. “Lors de son ouverture, le Centre présentait des installations conçues par les artistes pour les enfants. Notre service est né pour trouver le biais par lequel l’univers des artistes rejoindrait celui des enfants”, ajoute Élisabeth Amzallag-Angé, en charge de l’action éducative. Actuellement, le Centre a mis en place deux types d’animation : “de l’atelier au musée”, qui permet aux enfants de se familiariser avec une œuvre avant d’aller la voir – pour la rétrospective Dubuffet, par exemple, ils prolongent aux pinceaux un dessin de l’artiste reproduit à même le sol – et “les visites actives”, pendants lesquelles ils découvrent les différents matériaux de l’art contemporain : du bois rugueux, du bronze poli, du marbre lisse, une éponge rêche... Ce genre d’exercices est commun à de nombreux établissements tels que le Musée d’art moderne de la Ville de Paris qui, à l’occasion de l’exposition “Giorgio Morandi”, fait participer les enfants à la construction d’une nature morte “mobile” à partir d’objets préalablement peints, ou encore le Musée d’archéologie méditerranéenne de Marseille, qui propose aux collégiens et lycéens des “Ateliers transversaux” pour reproduire l’écriture cunéiforme ou réaliser des poteries selon les techniques antiques. Ces activités sont aussi développées par le Musée de l’Arles antique, ouvert en 1995. Pour son exposition “D’un monde à l’autre” (lire p. 9), celui-ci a obtenu du ministère de la Culture le label d’intérêt national et un budget lui permettant d’organiser des animations plus audacieuses : “Danse dans les sarcophages”, une chorégraphie de hip hop prévue pour la Toussaint, se déroulera au milieu des sarcophages du musée ! Le service des publics du Musée de l’Arles antique développe aussi des opérations avec les autres musées de la ville, comme “les classes du patrimoine”, au cours desquelles il accueille une classe – environ une dizaine par an –, durant une semaine, pour visiter les différents sites arlésiens, un séjour qui s’achève par l’élaboration d’un cédérom.

Former les enseignants
Outre les traditionnelles visites-conférences mises à la disposition des scolaires, certains établissements s’adressent directement aux enseignants et organisent des stages de formation pour leur permettre de mener eux-mêmes les visites. Avec son programme, le Centre Pompidou souhaite aller plus loin et jouer un “rôle de laboratoire pour l’enseignement, explique Anne-Michèle Ulrich. L’art contemporain offre en effet la possibilité de pénétrer immédiatement dans ce qui est la composition même de l’œuvre d’art. On a tendance à sous-estimer les perspectives qu’il offre dans l’apprentissage de l’art aux enfants et aux jeunes.” Pour familiariser les enseignants à l’art contemporain, le Centre organise des stages, en partenariat avec les trois académies de Paris, qui rentrent dans le cadre de l’IUFM. Les professeurs du secondaire peuvent aussi suivre une formation d’initiation avec les cours du collège du Centre. Parce qu’il ne peut faire face aux nombreuses demandes des établissements scolaires, malgré un nombre important de conférenciers, le Louvre édite, quant à lui, des dossiers complets pour préparer les enseignants à des visites autonomes. Décliné selon différents thèmes de visite, chaque livret comprend des notices sur les œuvres du musée, une histoire de l’art plus globale et des travaux pratiques à réaliser avec les élèves. Le guide sur les Arts précieux du Moyen Âge propose ainsi de fabriquer un ciboire en aluminium peint à l’acrylique et au vernis à ongle pour imiter le Ciboire de Maître Alpais (vers 1200), tandis que le fascicule sur La Lumière dans la peinture du XVIIe siècle incite à réaliser un théâtre d’ombres. Le Musée des beaux-arts de Lyon, qui coopère régulièrement avec l’IUFM de la ville, suit de près les enseignants qu’il forme, puisque ses journées d’instruction sont suivies d’une évaluation de l’expérience.

Pour sensibiliser les enfants, il existe aussi des expositions conçues spécifiquement pour eux. C’est le cas du “Voyageur sans boussole”, au Centre Pompidou, qui met en images l’univers de Dubuffet, à travers différentes installations réalisées par des artistes contemporains. Fondé au jardin d’Acclimatation en 1975, le Musée en herbe de Boulogne-Billancourt est entièrement consacré aux enfants, avec des expositions sous forme de jeux et des ateliers durant les vacances scolaires pour initier les petits à plusieurs techniques – peintures, dessins, collage de papiers et tissus, modelage de masques africains –, selon différents niveaux (de deux à douze ans). Afin d’élargir leurs actions, les musées s’adressent aussi aux parents. Le Louvre a innové avec “Les Enfants emmènent leurs parents au musée”, en juin 2000, journée pendant laquelle les enfants ont guidé leurs parents dans les salles de peintures qu’ils avaient eux-mêmes découvertes lors de visites organisées. Le Centre Pompidou s’apprête de son côté à lancer très prochainement une opération similaire : offrir à chaque enfant ayant participé à une sortie avec sa classe, une invitation gratuite valable pour deux personnes de sa famille. “Nous avons un rôle évident à jouer entre l’école et la famille”, précise Anne-Michèle Ulrich. Aujourd’hui, même si, selon Jean Galard “dans de nombreux établissements, les moyens sont encore insuffisants” – c’est le cas du Musée Calvet à Avignon, par exemple, dépourvu de service culturel (lire le JdA n° 132, 14 septembre 2001) –, les musées semblent tous avoir intégré la nécessité de développer leurs activités pédagogiques et s’organisent afin de répondre aux multiples attentes “des publics” – et non plus d’un public uniforme – : enfants, adolescents, adultes, personnes âgées et handicapées. Le Centre Pompidou coordonne ainsi des parcours tactiles pour les non-voyants, des visites en langue des signes pour les sourds et des animations pour handicapés mentaux. Enfin, le Louvre a pris le parti de former sur trois ans des malentendants à l’histoire de l’art – plutôt que de former des guides-conférenciers au langage des signes – afin qu’ils puissent assumer eux-mêmes des visites guidées.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°134 du 12 octobre 2001, avec le titre suivant : De l’école au musée, il n’y a qu’un pas...

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