Musée

La loi du milieu

Députés et sénateurs s’accordent sur la loi musée

Par Olivier Michelon · Le Journal des Arts

Le 23 novembre 2001 - 994 mots

Dernière étape avant l’adoption définitive par l’Assemblé nationale de la loi portant sur les Musées de France, la commission mixte paritaire a permis aux parlementaires d’apporter quelques modifications au projet de loi. Parmi les points les plus discutés, la possibilité pour un musée de se séparer de ses collections s’inscrit désormais dans un cadre législatif précis. Symboliques et incitatives, les mesures fiscales engageant les entreprises à contribuer à l’achat de trésors nationaux devraient s’accompagner d’un effort du ministère de la Culture sur ce point.

PARIS - Dans le cadre de la procédure d’urgence, l’examen du projet de loi relatif aux Musées de France en commission mixte paritaire a été pour les députés et les sénateurs réunis l’occasion de revenir sur un “texte qui émane véritablement du Parlement”, selon les termes du sénateur Jacques Valade. Entre le projet de loi adopté par le Sénat (lire le JdA n° 136, 9 novembre 2001) et le texte qui sera soumis à un dernier vote à l’Assemblée nationale, vraisemblablement avant la fin de l’année, les modifications ont été minces. Parmi celles-ci, l’article 7, qui prescrivait que les services de l’État donnent leur avis sur toute acquisition, y compris celles effectuées par des établissements ne relevant pas de sa tutelle. Un temps supprimé par les sénateurs, il impose désormais que “toute acquisition, à titre onéreux ou gratuit, d’un bien destiné à enrichir les collections d’un Musée de France est soumise à l’avis d’instances scientifiques dont la composition et les modalités de fonctionnement sont fixées par décret”. Une large partie du fonctionnement futur des musées sera donc définie par la voie réglementaire. Il reviendra ainsi au Conseil d’État de préciser les qualifications requises pour mener à bien les activités scientifiques au sein d’un musée.

Reste également à savoir quels seront les membres de la commission amenée à se prononcer sur les déclassements éventuels de biens appartenant à un musée, un sujet plus que sensible (lire le parti pris ci-contre). En effet, regroupées dans l’article 8, les dispositions relatives au statut des collections ont, elles, été largement étoffés et offrent un cadre législatif à la vente de collections que le gouvernement dans son projet souhaitait strictement “inaliénables”. Si le texte original entendait renforcer le régime de la domanialité publique auquel sont soumises les collections, les députés avaient exclu de ce champ l’art contemporain avant que les sénateurs ne jugent suffisant le régime jusque-là en vigueur. Au final, les Musées nationaux devront demander un avis conforme de la commission citée précédemment, ceux des collectivités territoriales devront avertir l’autorité administrative de toute vente en vue d’une éventuelle acquisition par l’État. Quant aux biens légués, donnés ou acquis avec l’aide de l’État, ils ne pourront, eux, être déclassés. Ceux acquis dans des conditions semblables des musées appartenant à des personnes morales de droit privé ne pourront être cédés que dans l’optique de leur affectation à un autre musée.

Une fiscalité incitative
Hasard du calendrier, des tergiversations gouvernementales et parlementaires, la discussion s’achève au moment de l’ouverture effective du marché des ventes publiques en France. Cette coïncidence semble avoir une influence indirecte sur le texte, qui marque un tournant dans l’appréhension du rôle du secteur privé au sein de la politique patrimoniale. Commandé par Laurent Fabius et Florence Parly, le rapport établi par Guillaume Cerutti, inspecteur des finances et ancien administrateur du Centre Georges-Pompidou, ne cache pas qu’“une fois passées les urgences du débat public, il conviendra de reconsidérer plus fondamentalement un système, qui, en laissant l’État supporter seul la charge de la protection du patrimoine artistique, repose sur la pointe de la pyramide”. Conclue sur la nécessité de “l’activation du secteur privé pour favoriser le maintien d’œuvres sur le territoire français ou la constitution de collection par les entreprises [...]”, le document est à la base du volet fiscal de la loi, visant à la mise en œuvre de moyens supplémentaires pour l’acquisition de trésors nationaux. Les mesures en direction des entreprises prônées par les sénateurs ont en effet été préférées à un prélèvement sur les casinos, solution choisie par les députés. Si une entreprise contribue à l’achat d’un trésor national, elle pourra déduire 90 % de cette somme de l’impôt sur les sociétés (le rapport préconisait 100 %). Toutefois, cette réduction ne peut être supérieure à la moitié de la somme due. La loi prévoit également la possibilité pour les entreprises d’acheter elles-mêmes un trésor national, elles obtiendraient alors une déduction de 40 % mais le nombre de conditions (classement du bien au titre des Monuments historiques, interdiction de vente pendant dix ans et dépôt dans un musée pendant la même période) peut s’avérer dissuasive. Ces dispositifs, proches de ceux de la dation, sont pour le ministère des Finances préférable à une hausse du budget, et constituent un geste symbolique en faveur du mécénat. Ce cadeau ne sera toutefois pas à sens unique, si l’on en croit les conclusions du rapport de l’inspection générale des finances qui souligne que cet effort ne saurait être unilatéral.

Première visée, la Réunion des Musées nationaux (RMN), “dont la contribution apportée aux crédits d’acquisitions (environ 50 millions de francs) [...] n’a pas progressé depuis dix ans, alors que dans le même temps cet établissement bénéficiait du contexte favorable né de l’accroissement rapide des recettes de billetterie...” Par une série de mesures (prélèvement direct sur les billets d’entrée, réduction du déficit des expositions), l’auteur du rapport préconise à l’horizon 2004 de relever cette somme à hauteur de 75 millions de francs et de replacer l’enrichissement des collections aux centres de ces missions, virage que la RMN assure avoir déjà amorcé. Le ministère de la Culture devra lui aussi contribuer à l’effort et accroître le montant du Fonds du patrimoine (une augmentation de 10 millions de francs par an à partir de 2002), une façon “de rattraper la stagnation des crédits d’acquisition observée depuis dix ans”. Enfin, d’une manière générale, les commissions d’acquisitions devront, elles, subir une réforme. Là aussi, la loi musée n’est encore qu’une base de travail.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°137 du 23 novembre 2001, avec le titre suivant : La loi du milieu

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