Mouvement social

Dialogue de sourds à la Culture

Les grèves lient la réduction du temps de travail à la création d’emplois

Par Jean-François Lasnier · Le Journal des Arts

Le 26 octobre 2001 - 767 mots

Le 8 octobre, les personnels de la Culture ont relancé le mouvement de grève suspendu au printemps, paralysant les musées nationaux et les monuments historiques. Telle qu’elle est envisagée par le ministère, la réduction du temps de travail leur apparaît inacceptable, notamment en matière de création d’emplois. La situation de sous-effectif chronique qui affecte les services de l’État oblige le ministère à adopter une position rigide. Le dialogue n’en devait pas moins reprendre le 23 octobre.

PARIS - La ligne de front n’a pas bougé. Depuis le printemps, chacun est resté campé sur ses positions, dans un conflit de plus en plus radical. Depuis le 8 octobre, le Louvre, Orsay, Versailles, Beaubourg, Guimet, Cluny, Saint-Germain-en-Laye, le Grand Palais, mais aussi l’Arc de Triomphe, la Conciergerie, la Sainte-Chapelle, sont restés fermés au public, ou, à l’occasion, ont été ouverts gratuitement. Occupation des salons du ministère de la Culture, manifestations diverses, piquets de grève, les actions se multiplient, témoignant d’une détermination sans faille des personnels de la Culture. Sur les communiqués diffusés par l’intersyndicale CFDT-CGT-FO-FFSU-SUD-CGC-UNSA, les revendications sur l’aménagement et la réduction du temps de travail (ARTT) restent identiques à celles qu’elle avait formulées en avril, lorsque des mouvements de grève avaient déjà paralysé les musées (lire le JdA n° 126, 27 avril 2001). L’application des 35 heures dans la fonction publique doit entrer en vigueur le 1er janvier 2002 selon un cadre général qui a été fixé par un décret publié au mois d’août 2000, mais qui ne tient pas compte des acquis spécifiques.

“L’objectif est d’assurer une certaine équité entre les divers ministères”, souligne Laurent Rabaté, conseiller technique auprès de Catherine Tasca. Avec 1 600 heures par an pour tous.
Des rencontres ont eu lieu cet été entre les représentants du ministère de la Culture et les organisations syndicales, mais, selon Vincent Blouet de la CGT, cela n’a été qu’une “parodie de concertation”. “Lors du comité technique paritaire du 10 juillet, 80 amendements au texte ministériel ont été proposés par les syndicats. Pas un seul n’a été retenu.” Les syndicats refusent ce projet d’ARTT en vertu duquel près de 30 % des personnels devraient travailler plus, et notamment ceux qui travaillent la nuit ou le dimanche. Par ailleurs, le décompte du temps de travail apparaît nettement défavorable par rapport à d’autres ministères. “Nous sommes prêts à revoir le texte initial”, admet néanmoins Laurent Rabaté.

Tous les secteurs du ministère ne sont pas logés à la même enseigne. Ainsi, dans les monuments historiques, le projet ministériel prépare une flexibilité totale en vue d’adapter la durée du travail au flux d’activité. D’après les syndicats, les variations pourraient aller de 32 à 44 heures. Dans les écoles d’architecture, il est aussi question de moduler le temps de travail, en l’augmentant notamment lors des périodes de rentrée. Quant aux musées, une certaine flexibilité existe déjà, mais elle est strictement encadrée. En aucun cas, les personnels n’accepteraient qu’elle soit envisagée sur une base annuelle, et refusent notamment que la “semaine Malraux” (une sixième semaine de congés) soit intégrée dans le calcul de la RTT, car il s’agit d’un avantage acquis.

La situation des administrations déconcentrées est sensiblement différente. Dans les directions des affaires régionales des affaires culturelles (Drac) et les services départementaux de l’architecture et du patrimoine (Sdap), le sous-effectif chronique rend la création d’emplois prioritaire. Or, les propositions budgétaires n’apparaissent pas à la hauteur des besoins (lire le JdA n° 133, 28 septembre 2001). La RTT à effectifs plus ou moins constants équivaudrait à un recul supplémentaire du service public. Les personnels n’ont plus la possibilité d’assurer pleinement leurs missions. La grève traduit un incontestable ras-le-bol face à une politique inconséquente, qui continue d’ouvrir de grands établissements sans obtenir les moyens afférents. L’an prochain, le Musée du quai Branly, l’Institut national de recherche et d’archéologie préventive (Inrap) et l’Institut national d’histoire de l’art (Inha) vont ainsi monter en puissance, mobilisant des crédits importants. En revanche, hors des établissements publics, seules 115 créations nettes de postes (dont 85 d’agents de surveillance) sont prévues dans le projet de budget. Les nombreuses titularisations permettent toutefois de faire reculer la précarité. Plus profondément, la crise actuelle souligne la faiblesse du ministère de la
Culture, qui n’a plus le poids politique suffisant pour obtenir les moyens nécessaires à son action. De toute façon, note Vincent Blouet, “le problème culturel n’est plus une priorité du gouvernement”. Il devra pourtant se résoudre à ouvrir des négociations. Car, forte de l’exemple des archéologues dont la mobilisation avait eu raison des projets gouvernementaux sur les fouilles de sauvetage, l’intersyndicale annonce que “la bataille de la RTT ne fait que commencer”.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°135 du 26 octobre 2001, avec le titre suivant : Dialogue de sourds à la Culture

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