L’autre pays de la ville

L’architecture hollandaise s’expose à Paris

Par Olivier Michelon · Le Journal des Arts

Le 7 décembre 2001 - 608 mots

Sous le titre d’« Expériences d’urbanisme, visions des Pays-bas », l’Institut néerlandais de Paris présente six projets réalisés ou conçus par des architectes hollandais. Du Ciné-dancing de Theo van Doesburg aux recherches expérimentales de Lars Spuybroeck, en passant par Rem Koolhaas et Aldo van Eyck, l’exposition propose un panorama historique d’un pays remarqué pour sa densité architecturale.

PARIS - Récemment présenté, le projet de Rem Koolhaas pour la Fondation Pinault sur l’île Seguin tenait de la provocation. Assemblage de géométries hétéroclites, son rendu plus que sommaire montrait pourtant sous la forme d’une maquette un curieux rapprochement : au côté du bâtiment du musée, l’ensemble de l’île était couvert de petites constructions légères composées en fils d’aciers, des éléments qui n’étaient pas sans rappeler les structures nomades de la New Babylon de Constant (lire le JdA n° 131, 31 août 2001), projet d’une ville basé sur les théories situationnistes de la dérive et du jeu. Présentée par l’Institut néerlandais, l’exposition “Expériences d’urbanisme, vision des Pays-Bas” rétablit le lien entre les deux hommes en exposant leurs travaux aux côtés de ceux de quatre de leurs compatriotes (Theo van Doesburg, Aldo van Eyck, Piet Blom, Lars Spuybroeck). Une carte de New Babylon Paris dessinée en 1972 prouve pourtant que le vaisseau urbain de Constant ne passait pas par l’île Seguin, mais juste à côté, à Sèvres, après s’être développé de Sartrouville au centre de Paris en passant par Bécon-les-Bruyères. Les amateurs de Constant trouveront aussi dans l’exposition une impressionnante maquette, Fragment d’un secteur (1967), absente de la rétrospective de l’artiste organisée l’été dernier par le Musée Picasso d’Antibes.

L’Urban Design Forum, étude réalisée en 1992 par l’agence Oma pour la ville japonaise de Yokohama, expose les thèses maintenant fameuses de Rem Koolhaas. Elles sont tout aussi flexibles et libérales mais beaucoup moins libertaires. Le programme, basé sur des constructions légères, imaginait un quartier en constante évolution, où chaque activité faisait place à une autre tout au long de la journée. À l’image de ces extrêmes, d’utopie ou de pragmatisme, l’ensemble des propositions retenues dans cette exposition oscille entre les rêves de l’urbanisme et leurs concrétisations parfois ardues. Ainsi, les fresques géométriques de l’Aubette-Cinédancing, construit par Theo van Doesburg (1883-1931) entre 1926 et 1928 à Strasbourg, ont été totalement recouvertes, avant de faire l’objet de restaurations depuis 1994. La Kasbah Hengelo construite entre 1969 et 1974 par Piet Blom (1934-1999) s’attache elle uniquement à des fonctions résidentielles. Obéissant à la devise de “l’habitat comme toit urbain”, le lotissement est divisé en trois types d’habitations surélevées. Autre réalisation largement documentée par des plans et un diaporama, l’orphelinat d’Aldo van Eyck (1918-1999). Édifié à Amsterdam au milieu des années 1950, il est la première grande commande de l’architecte qui y a déployé ses coupoles et instauré à de nombreux endroits une “cinquième façade” par des ouvertures sur le toit.

Dernière expérience d’urbanisme proposée par l’exposition, celles décidément très “fondamentale” de Lars Spuybroek (né en 1959) pour l’agence Nox. Celui-ci s’était fait remarquer pour sa scénographie de l’exposition “Vision-machine” à Nantes l’an passé et à Archilab, plus récemment, pour ses édifices numériques. Il offre aujourd’hui dans une installation vidéo nommée ParisBRAIN une étude commandée pour la beauté du geste. Dans celle-ci, l’architecte, persuadé que “nous vivons dans un Situationnisme a priori”, compose un plan directeur pour l’ouest de la Défense en nouant des fils de laine entre eux. Plongés dans l’eau, ils se resserrent, réinventent les schémas existants et remplacent avantageusement les logiciels d’infographie, qui obsèdent habituellement Spuybroek.

- EXPÉRIENCES D’URBANISME, VISIONS DES PAYS-BAS, jusqu’au 30 décembre, Institut néerlandais, 121 rue de Lille, 75007 Paris, tlj sauf lundi, 13h-19h, tél. 01 53 59 12 40.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°138 du 7 décembre 2001, avec le titre suivant : L’autre pays de la ville

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