Boîte de lumière

À Douai, la chapelle s’ouvre à la sculpture

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 11 janvier 2002 - 743 mots

Construite au début du XVIIIe siècle dans le style classique, l’église du couvent des Chartreux – édifice qui accueille déjà depuis 1958 une collection de peinture – ouvre au public après cinq années de restauration. La nef et ses cinq chapelles latérales abritent désormais les collections de sculptures du XIXe siècle du musée, des œuvres de Bra, Carpeaux ou Rodin, et
une série d’objets d’art du Moyen Âge à nos jours.

DOUAI - Après la destruction de son musée en 1944, la ville de Douai fait l’acquisition de l’ancien couvent des Chartreux afin d’y installer les collections sauvées du bombardement. En 1958, la totalité des bâtiments du couvent ouvre au public, à l’exception de l’église, laissée à l’abandon et dans laquelle est entreposé le fonds de sculptures. Il aura fallu attendre cinquante ans pour qu’elle fasse l’objet de travaux de restauration. Dirigées par deux architectes en chef des Monuments historiques, Étienne Poncelet et Vincent Brunelle, les opérations – réfection des enduits, des fenêtres, blanchiment des murs de la nef à la chaux, conservation de la charpente en bois, puis réfection des chapelles latérales – ont débuté en 1994. Le cabinet d’architecture Habersetzer a, pour sa part, réalisé tout l’aménagement muséographique, en privilégiant les dispositions naturelles du lieu à recevoir et diffuser la lumière. “Je n’aime pas la reconstitution, mais la restitution, explique Jérôme Habersetzer, architecte scénographe responsable du projet. Ce qui m’intéressait avant tout, c’était le respect de l’architecture existante. Je suis arrivé dans des montagnes d’immondices. Mais, même si les murs étaient noirs, le lieu était très fort et la lumière devait y rentrer naturellement.” Plutôt que de reconstruire les voûtes démolies en 1944, il a été décidé de conserver la charpente en bois de châtaignier, car “les voûtes enlèvent un peu l’impression de lumière directe, tandis que la charpente augmente l’effet de verticalité, étant donné qu’elle est plus sombre”. De larges baies d’un verre parfaitement transparent ont été choisies pour les fenêtres, afin de laisser passer l’éclairage naturel sans le dénaturer. Le sol, en pierre blanche, sans nervures ni veines dessinées, mais légèrement “nuagé”, permet de déplacer facilement les sculptures. “Le lieu est unifié : sol, mur et socles ne font qu’un”, commente l’architecte. La scénographie à proprement parler confère au lieu un caractère sacré, qui n’est pas sans rappeler sa fonction originelle.
Longtemps délaissée, diminuée de moitié à la fin de la guerre, la collection de sculptures a peu à peu été recouverte par une épaisse couche de poussière noire et fiente de pigeons, à tel point que “le marbre n’était pas dissociable du bronze”, explique Françoise Baligand, conservateur en chef du musée. Quelque quarante-six sculptures ont dû bénéficier d’une restauration complète, notamment la Nymphe des eaux, de Cordier, réparation la plus spectaculaire puisqu’elle était scindée en cinquante-six fragments, et Samson massacrant les Philistins, de Giuseppe Brocetti, attribué à Jean Bologne avant sa restauration. Le fonds de sculptures couvre la majorité des mouvements du XIXe siècle, de l’esthétique néo-classique et romantique à l’apparition des thèmes réalistes. “Nous sommes dans une boîte de lumière, note Jérôme Habersetzer, les positions des sculptures ont été travaillées suivant l’avancée du soleil dans la chapelle.” La muséographie a donc été dictée par un travail sur l’éclairage – prise du soleil direct pour les petites sculptures comme pour les vitrines de reliefs, contre-jour pour les bustes et les médaillons. Pour les heures les plus matinales, les plus tardives ou les journées particulièrement sombres, de petits spots accrochés à la charpente imitent au mieux la lumière du jour. L’allégorie du Printemps d’Eugène-Ernest Chrétien, présentée au Salon de 1882, figure au centre d’une présentation orchestrée dans ses moindres détails. Les socles avec les imposants bustes accueillant le visiteur sont, par exemple, très légèrement inclinés, de manière à créer une dynamique. Les cinq chapelles voûtées d’ogives, dont les murs de briques ont été peints en blanc, abritent quant à elle les objets d’art selon un parcours chronologique. Riche en orfèvrerie, émaux, ivoires et albâtres, la première salle témoigne de la prospérité des abbayes à l’époque médiévale dans la région, tandis qu’une série de bronzes et de pièces en terre cuite de Jean Bologne évoquent la Renaissance italienne. La faïence française et la faïence fine importée d’Angleterre à Douai vers 1780, ainsi que l’orfèvrerie du XVIIIe siècle sont ensuite mises à l’honneur.

- Musée de la Chartreuse, 130 rue des Chartreux, 59500 Douai, tél. 03 27 71 38 80, tlj sauf lundi et mardi, 10h-12h et 14h-17h, 10h-18h le jeudi.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°140 du 11 janvier 2002, avec le titre suivant : Boîte de lumière

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