Entre deux mondes

La Hongrie celtique et romaine sur les rives du Rhône

Le Journal des Arts

Le 11 janvier 2002 - 749 mots

L’occasion est rare de découvrir plus de mille ans de l’histoire d’un pays comme la Hongrie, du Ier millénaire avant J.-C. à la chute de l’Empire romain. Les deux expositions organisées par le Musée
de Saint-Romain-en-Gal et le Musée de la civilisation gallo-romaine, à Lyon, montrent combien la culture celtique s’est enracinée dans les terres hongroises, au point de survivre longtemps à la romanisation.

LYON/SAINT-ROMAIN-EN-GAL - La Hongrie est un espace géographique particulier, au cœur duquel le Danube constitue une frontière naturelle entre la grande plaine, à l’est, et la Transdanubie, à l’ouest. Au cours de la période qui s’étend entre le Ier millénaire avant J.-C. et la fin de l’Empire romain, le pays va être soumis à l’arrivée de populations diverses, des Scythes aux Romains, en passant par les Celtes, qui laissent tous l’empreinte de leur culture.
À Saint-Romain-en-Gal, première étape du parcours rhodanien, “Celtes de Hongrie” dépasse le champ induit par le titre. L’exposition commence en effet au bronze final, c’est-à-dire au début du Ier millénaire av. J.-C., une époque qui correspond à un apogée dans le travail du métal, comme le suggère une fibule monumentale à motifs géométriques. Au plus haut âge du fer, le pays voit se développer à l’ouest une civilisation de type halstattien, tandis que l’est est occupé par les Scythes. La reconstitution d’un tumulus donne à voir les pratiques funéraires dans l’espace occidental, les cendres des défunts étant déposées dans des céramiques noires de type bucchero.
Arrivés au Ve siècle, les Celtes seront les initiateurs de l’unité culturelle de la Hongrie, achevée à la fin du IIIe siècle av. J.-C., mais la civilisation celtique de cette région apparaît sensiblement différente de la nôtre, et témoigne d’une ouverture aux influences balkaniques et hellénistiques, tant dans le travail du métal que dans celui de la céramique. Inventée par les Illyriens, la ceinture à astragales, inconnue dans nos contrées, a ainsi été adaptée par les Celtes danubiens. Un personnage faisant le pont en guise d’anse sur une cruche trahit, lui, une source gréco-étrusque. Provenant en partie des fouilles de l’oppidum du mont Gellert, qui domine l’actuelle Budapest, la céramique s’orne d’un décor géométrique, loin des motifs curvilignes, animaliers ou végétaux, utilisés par les Celtes occidentaux. En revanche, les Celtes de Hongrie partagent avec eux les modes de construction des oppida, ces places fortes qui fleurissent sur les collines au Ier siècle avant J.-C. Un fragment de rempart d’un oppidum barre le fond de la galerie d’exposition. Marqué d’un même souci pédagogique, un atelier de frappe monétaire est proposé aux visiteurs.
D’une certaine manière, les Celtes restent présents dans “Romains de Hongrie”, au Musée de la civilisation gallo-romaine à Lyon. En effet, cette culture imprègne si profondément la société que, deux siècles après la romanisation, les traditions celtiques restent solidement implantées. Alors que les hommes adoptent le costume romain, les femmes continuent de se vêtir à la mode celtique, ainsi que le montre la statue funéraire d’une femme celte de la seconde moitié du IIe siècle, ou encore les nombreux bijoux retrouvés dans les tombes. L’inhumation dans des tombes à chars apparaît plus caractéristique encore de cette survivance. Découvert fortuitement en 1999, à Budakeszi, un char funéraire a été spécialement reconstitué pour l’exposition.
Il est vrai que la romanisation s’accomplit lentement dans ce qui s’appelle alors la Pannonie. Province-frontière, puisque le limes – la frontière – épouse le cours du Danube, elle reçoit en effet la
culture romaine par l’intermédiaire de l’armée. Avant de devenir la principale cité pannonienne, Aquincum, aujourd’hui aux portes de Budapest, était un camp militaire. Mais, contrairement à ce que suggère la confrontation préliminaire entre deux portraits de Marc Aurèle, l’un fidèle aux canons de Rome, l’autre plus grossier, la Pannonie n’est pas une province de second ordre. Située sur la route commerciale reliant l’Italie à la Baltique, elle est l’une des plus riches de l’empire. Les témoignages présentés à Lyon le rappellent, notamment des éléments de décor architectural, telle cette peinture de plafond, récemment exhumée, représentant sous une forme allégorique les constellations d’Andromède et d’Hippos. De petites maquettes viennent opportunément évoquer différents édifices d’Aquincum.
En 433, la province est cédée aux Huns d’Attila. Une autre histoire commence.

- CELTES DE HONGRIE, jusqu’au 31 mai, Musée de Saint-Romain-en-Gal, 2 chemin de la Plaine, 69560 Saint-Romain-en-Gal, tél. 04 74 53 74 01, tlj sauf lundi 10h-17h.
- ROMAINS DE HONGRIE, jusqu’au 31 mai, Musée de la civilisation gallo-romaine, 17 rue Cléberg, 69005 Lyon, tél. 04 72 38 81 90, tlj sauf lundi 10h-17h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°140 du 11 janvier 2002, avec le titre suivant : Entre deux mondes

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