Dires et choses du Mali

Loin des préjugés, les cultures de ce pays d’Afrique à La Villette

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 25 janvier 2002 - 642 mots

Nation musulmane où l’animisme a conservé
sa place, mosaïque de différents peuples, État parmi les plus pauvres et, pourtant, troisième producteur d’or
au monde, le Mali est un pays complexe et paradoxal.
À travers une sélection
de masques, statuaires, étoffes, photographies,
œuvres contemporaines
et plusieurs témoignages filmés, l’exposition du Parc
de La Villette évoque la culture malienne selon un parcours didactique.

PARIS - En bambara – l’une des 23 langues du Mali –, kow signifie “les dires”, “les choses que l’on dit à propos de...” L’exposition du Parc de La Villette, “Mali Kow”, loin des clichés et préjugés que peut rencontrer la culture africaine, est une traversée du Mali le long du fleuve Niger, du Mandé, berceau mythique, jusqu’à la charnière du désert, en passant par la capitale Bamako, Ségou ou la zone Dogon. “Il ne s’agit pas de porter d’ici un regard sur les Maliens que l’on figerait à jamais dans une culture, précise Bernard Latarjet, président du Parc de La Villette. Au contraire. Avec l’humilité que requiert l’abord d’une société aussi ancienne et complexe, ‘Mali Kow’ dit les choses du Mali par la voix même des Maliens.” Disposés en arc de cercle, de grands écrans accueillent les visiteurs. Ils présentent les travaux de différents artistes, tels les photographes Malik Sidibé, Dahirou Traoré ou le cinéaste Souleymane Cissé, eux-mêmes amenés à s’exprimer sur leurs sources d’inspiration, leurs manières de procéder ou les difficultés qu’ils rencontrent. Élaborés à partir d’une multitude de racines, d’os, de griffes, de plumes, de crocs, de minerais de fer, d’outils miniatures, de fils de coton, de terre ou de bois, les objets de cultes exposés – les boliw – sont inscrits dans la réalité malienne : tandis que chaque masque est accompagné d’un texte explicatif sur ses fonctions et son ethnie d’origine, des vidéos montrent comment ils sont utilisés lors de cérémonies mettant en scène la venue d’une puissance, incarnée par un danseur masqué. “Le Malien est convaincu qu’il faut avoir un secret pour décoder les choses et maîtriser ses adversaires”, explique dans le catalogue Manthia Diawara, un des commissaires de l’exposition. Le boli dépend de celui qui en prend soin, en être le détenteur implique un savoir. D’imposants cimiers tyi wara, des masques Kanaga – Dogon –, Malinké, le walu représentant une antilope ou encore le masque singe noir se succèdent dans une scénographie qui semble préserver leur mystère et leur force. Exposées au regard de cette tradition culturelle qui les a inspirées, les œuvres contemporaines signées d’Abdoulaye Konaté, plasticien, David Coulibaly, peintre, Amahighere Dolo, sculpteur, Yaya Coulibaly, marionnettiste, ne se contentent pas de prolonger les coutumes du banama – pratique rituelle avec les boliw – mais inventent leur propre magie. Dans son Hommage aux chasseurs du Mandé, Abdoulaye Konaté explore ainsi l’attrait ambigu qu’exercent ces objets aux vertus surnaturelles, en les accumulant sur la toile. “Moi qui ne suis pas Bambara, je n’hésiterais pas à prendre un objet d’Abdoulaye Konaté pour me protéger contre les malédictions”, note Manthia Diawara. Évoquant la diaspora malienne, le parcours s’achève à Paris. “Nous, en France, nous avons ramassé de la merde, nous avons fait toutes sortes de boulots, mais si nos enfants arrivent à réussir, nous aurons accompli quelque chose”, commente Bintou Diawara, une étalagiste de quarante et un ans.
“Mali Kow” inaugure une série d’expositions intitulée “Un monde fait de tous les mondes”, une analyse de la rencontre entre les valeurs de la modernité et celles héritées de l’histoire, d’un système économique, social ou religieux. À la culture du Mali succéderont ainsi celles des Indiens du Mexique (22 mai-17 novembre) puis du monde musulman.

- MALI KOW, jusqu’au 24 février, pavillon Paul-Delouvrier, Parc de La Villette, 211 avenue Jean-Jaurès, 75019 Paris, tél. 01 40 03 75 00, tlj sauf lundi et mardi, 14h-18h et 19h le week-end. Internet : www.la-villette.com ; catalogue, Indigène éditions, 128 p., 22,90 euros.

L’empire du Manding

Après plus d’un siècle d’évolution, Soundiata Keita (1230-1255) impose son pouvoir sur le Manding – Mali –, qui devient un véritable État fédéral, tandis que sous le règne de Kankou Moussa (1307-1332), l’empire apparaît comme l’une des grandes puissances de l’Afrique de l’Ouest. Dans le cadre de l’opération “Amiens 2000, les Couleurs du monde”?, le Musée de Picardie consacre son dernier volet au Mali du XIIIe siècle, à travers des vestiges des cultures Djenné et Dogon, notamment des statuettes en terre cuite ou en bois. Parallèlement, le musée réunit quatre artistes de Bamako, le plasticien Abdoulaye Konaté et les photographes Alioune Bâ, Aboubacrine Diarra, Mamadou Konaté, pour montrer certains aspects de la création contemporaine au Mali (Musée de Picardie, tél. 03 22 91 66 00, du 22 mars au 1er septembre).

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°141 du 25 janvier 2002, avec le titre suivant : Dires et choses du Mali

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