Rester à la surface des choses

L’artiste canadien Jack Goldstein réapparaît au Magasin de Grenoble

Par Olivier Michelon · Le Journal des Arts

Le 22 février 2002 - 668 mots

Peu connu en France, l’artiste canadien Jack Goldstein fait l’objet d’une importante rétrospective
au Magasin, Centre national d’art contemporain de Grenoble. Bâtie sur les débats engendrés par le formalisme américain et articulant appropriations et citations, son œuvre suit de près
les évolutions de l’art
aux États-Unis entre 1970
et 1990. Un peu datées,
ses peintures sont heureusement éclipsées
par son travail cinématographique et sonore.

GRENOBLE - Projeté en boucle, le lion rugissant de la Metro Goldwyn Mayer accueille les visiteurs de l’exposition Jack Goldstein. Ne faisant pas dans la demi-mesure, le film, réalisé en 1975, pourrait être une allégorie triomphante et autoréférentielle (cf. la devise Ars gratia artis qui entoure le lion) de l’art et de l’artiste. L’industrie des spectacles – voire “le spectacle” – est devenu rapidement l’un des axes principaux du travail entamé par Jack Goldstein (né à Montréal en 1945) à la fin des années 1970. Il s’inscrit alors dans les débats théoriques américains qui s’étendent du dépassement du minimalisme aux stratégies d’appropriation développées par un groupe constitué en 1977 lors de l’exposition “Pictures” organisée par le critique Douglas Crimp. Informelle, cette nébuleuse où se croisent Sherrie Levine, Robert Longo ou David Salle se maintiendra ensuite dans la sphère new-yorkaise de la Metro Picture Gallery. Si Jack Goldstein a occupé dans ces années une position forte, sa réputation n’a pas suivi celle de ses proches, d’autant que, depuis le début des années 1990, sa production s’est fortement réduite. Ainsi, l’exposition organisée par le Magasin s’apparente simultanément à une rétrospective et à un parcours pédagogique dans la scène nord-américaine des années 1970-1990.
Peu surprenante, la première salle reconstitue une exposition de 1971 où plusieurs constructions se rapprochent des recherches post-minimales développées par Robert Morris ou Tony Smith. À côté, une projection des films réalisés dans les années 1970-1973 montre Goldstein appliqué à de très courtes performances impliquant son corps, dans la lignée des actions d’atelier de Bruce Nauman. Sans placer Goldstein dans la position d’un “second couteau”, tant d’affinités laissent un peu circonspect sur l’intérêt de “redécouvrir” une œuvre si ancrée dans le mainstream. Dans le même registre, les peintures des années 1980 à 1990, larges formats représentant à l’aérosol des scènes de combats aériens, des paysages électrisés, voire des images fractales, fournissent par leur décadence une bonne excuse au travail de l’histoire.
Opérant de façon comparable par le biais de l’appropriation, de la citation, les films de cette période éclipsent heureusement les débordements picturaux de Goldstein. Là, tout est artifice (Shane (1975), court-métrage de 3 minutes montrant un chien dressé pour aboyer), ou citation aussi fragmentaire qu’allusive (The Knife (1975), simple couteau se teintant de rouge ou de bleu). The Jump (1978), réalisé à l’aide d’images de plongeurs olympiques s’apparente, lui, grâce à un trucage au rotoscope, à une image spectaculaire mais seulement effleurée. Parallèlement, le travail du son, diffusé lors de performances ou gravés sur des vinyles (The Six-Minutes Drown (1977) ou The Burning Forest (1976)) est dans ces années une activité majeure. Jack Goldstein s’empare alors du répertoire des sons et musiques génériques des productions hollywoodiennes et joue sur des souvenirs, impressions de “déjà- entendu” et de “déjà-vu”. À chacun de les écouter, et de les associer à sa mémoire de spectateur en puisant dans un catalogue pourtant formaté. “Dans le sens où il n’est pas nécessaire d’inventer les mots. Les mots sont déjà là. Personne non plus n’a besoin d’inventer les images. Les images sont déjà là. Donc les images, comme les mots n’appartiennent à personne”, expliquait en 1985 Jack Goldstein dans un entretien avec Chris Dercon. Encore “marginale” à cette époque, la position de l’artiste s’est depuis largement répandue. Démocratisé, l’usage de l’échantillonnage permet d’assembler des sons mis à la disposition de chacun à partir de la masse des enregistrements effectués jusqu’alors. Peut-être est-ce dans le domaine musical que se situe la fortune critique de Goldstein ?

- JACK GOLDSTEIN, jusqu’au 28 avril, Magasin/Centre national d’art contemporain, site Bouchayer-Viallet, 155 cours Berriat, 38028 Grenoble, tél. 04 76 21 95 84, www.magazin-cnac.org

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°143 du 22 février 2002, avec le titre suivant : Rester à la surface des choses

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