Giacometti en son pays

L’artiste et les Sainsbury en toute intimité à Lausanne

Le Journal des Arts

Le 8 mars 2002 - 647 mots

L’éternelle quête de Giacometti, saisir la réalité fugace et la reproduire exactement, est une fois de plus mise en évidence à Lausanne. L’artiste n’a cessé tout au long de son œuvre de multiplier
les couches de peintures sur
les visages, de remodeler ses bustes, de gommer ses traits
de crayon, pour préciser au mieux toute l’intensité qui émanait de ses modèles. S’il considère qu’il n’y est jamais parvenu, les œuvres présentées à la Fondation de l’Hermitage témoignent en tout cas
d’un grand perfectionnisme.

LAUSANNE - Sous la charpente, au deuxième étage de l’Hermitage, s’ouvre une exposition célébrant – comme d’autres – le centenaire de la naissance d’Alberto Giacometti. Elle se distingue cependant par son organisation autour de la collection de Robert et Lisa Sainsbury, qui, pour la première fois, quitte l’Angleterre. Les Sainsbury, jeunes collectionneurs, ont su, malgré l’atmosphère sombre de l’après-guerre, avoir assez de courage et d’intuition pour réunir une collection du plus grand intérêt pour la connaissance du travail d’Alberto Giacometti.
Les trois techniques utilisées simultanément par l’artiste sont réunies. Sculptures et peintures renvoient à la source fondamentale de l’art de Giacometti, le dessin. Juliane Cosandier, directrice de la fondation, et Sylvie Wuhrmann, adjointe scientifique, ont réuni une centaine d’œuvres dont trente-deux proviennent de la collection Sainsbury. Les autres sont issues de prêts dont ceux du Detroit Institute of Arts, de la collection Maeght, ou encore d’autres collectionneurs privés.
La fondation, lieu convivial et chaleureux, rappelle la relation particulièrement proche développée entre la famille Sainsbury et l’artiste. Leur amitié, scellée en 1949, par l’achat de Diego assis, œuvre signée par l’artiste à la demande des collectionneurs, est célébrée dans une salle au cœur de la maison. Au-
dessus de la cheminée trône le portrait de Robert Sainsbury – œuvre inédite –, longtemps resté dans l’atelier de Giacometti, tandis que les sept portraits des enfants Sainsbury ornent les murs. Au rez-de-chaussée, des photographies ainsi qu’un film sur Giacometti en plein travail dans son atelier participent à la proximité entre le visiteur et l’artiste.
Le parcours est chronologique, couvrant la période des années 1930 à l’après-guerre. La première œuvre présentée date cependant de 1923, il s’agit du célèbre Crâne. Ce dessin, sur lequel Giacometti a travaillé pendant des années, enfermé dans une petite pièce, est emblématique de sa manière de dessiner et de sa façon d’observer ses modèles, “J’arrivais, si j’insistais un peu, à voir à peu près le crâne à travers”, dit-il lors d’un entretien avec Georges Charbonnier en 1951. Cette œuvre donne le ton à l’exposition.
En 1935, après son incursion dans le Surréalisme, Giacometti éprouve le besoin de travailler de nouveau d’après modèle. En témoignent les nombreux bustes de Diego, son frère et modèle le plus constant, les portraits de ses amis Henri Matisse et Aimé Maeght ou bien ceux de modèles professionnels comme Rita. Pendant la guerre, il sculpte des figures de plus en plus petites, justifiant que le vrai se trouve dans le minuscule. Mais dès l’après-guerre, il cherche à lutter contre cette petitesse, ses sculptures et les figures de ses dessins ne cessent de s’allonger, telle la Femme debout II, qui triomphe dans un des grands salons, atteignant presque trois mètres de haut.
Deux salles se détachent de cet ensemble cohérent. L’une est consacrée à un portfolio, intitulé Paris sans fin, de 1950, comptant cent cinquante lithographies. Une quarantaine d’entre elles sont présentées. Le visiteur découvre Paris selon Giacometti : le Panthéon, les cafés, les ateliers d’artistes... La capitale l’inspire et le rassure. La seconde salle présente d’autres préoccupations de l’artiste comme la représentation animale, avec notamment le Cheval, un bronze unique, les paysages ou encore les vues de son atelier.

- ALBERTO GIACOMETTI. ŒUVRES DE LA MATURITÉ, jusqu’au 12 mai 2002, Fondation de l’Hermitage, 2 route du Signal, 1000 Lausanne, tél. 41 21 320 50 01, tlj sauf lundi 10h-18h, jusqu’à 21h le jeudi, ouvert le lundi de Pâques. Catalogue.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°144 du 8 mars 2002, avec le titre suivant : Giacometti en son pays

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