Non-lieu surprise

L’affaire des châteaux japonais est close

Le Journal des Arts

Le 8 mars 2002 - 622 mots

Contre toute attente, l’affaire dite des « châteaux japonais » s’est soldée par un non-lieu pour les propriétaires de plusieurs demeures historiques, à Rosny-sur-Seine et Louveciennes notamment. Ils étaient poursuivis pour « faux et usage de faux » et « escroquerie en bande organisée », et non pour le pillage des châteaux, perpétré en toute légalité.

VERSAILLES - Un juge d’instruction de Versailles a rendu une ordonnance de non-lieu général, le 11 février, dans l’affaire dite des “châteaux japonais” où six personnes, dont deux avocats, étaient mises en examen. Selon une source proche du dossier, c’est “la faiblesse des éléments” contenus dans le dossier qui aurait conduit, en décembre dernier, le parquet à requérir l’abandon des poursuites. L’affaire avait éclaté en juillet 1995, après les plaintes de plusieurs municipalités, dont celles de Rosny-sur-Seine et de Louveciennes, dans les Yvelines, et de plusieurs associations, pour “pillage” et “dégradations” de châteaux. Non seulement une partie du mobilier, conservé dans ces demeures et quelques autres (Millemont, Sourches...), a été vendue, mais l’absence de surveillance a rendu possible des actes de pillages (des boiseries ont été arrachées à Louveciennes notamment). Quant à l’incendie qui a touché le château de Sully, à Rosny, son origine reste indéterminée.
Les poursuites visaient Jean-Paul-Renoir, de son vrai nom Jean-Claude Perez-Vanneste, et son épouse Kiko Nakahara, fille du PDG de la Nippon Sangyoo Kabushiki Kaisha, société japonaise spécialisée dans le BTP, les transports, les bars et les salles de jeu. De son côté, cette société, qui avait acheté les huit châteaux français en 1984, avait déposé une plainte pour “falsification” contre le couple qui était son représentant en Europe ; il aurait falsifié un pouvoir pour revendre à son compte les demeures. Mme Nakahara avait été mise en examen, le 21 janvier 1996, pour “faux et usage de faux” et “escroquerie en bande organisée” et avait été incarcérée un an. Son mari, poursuivi pour les mêmes motifs, avait été arrêté le 21 novembre 1997 à Washington, à l’issue d’une cavale de dix-huit mois, et extradé vers la France en mars 2000 pour y être mis en examen. Si, selon le juge de Versailles, les délits ne sont pas constitués, les atteintes au patrimoine sont bien réelles, à défaut d’être illégales.
Comme nous l’avait rappelé Pierre Lequiller, ancien maire de Louveciennes, ce pillage avait été perpétré “en toute légalité” (lire le JdA n° 126, 27 avril 2001). Après des années de tergiversation, une proposition de loi avait été déposée à son initiative pour remédier aux lacunes de la loi de 1913 et mieux protéger les décors attachés aux monuments historiques. Elle avait été adoptée par les députés le 3 avril 2001. L’une des avancées les plus significatives concernait la possibilité de classer un ensemble mixte composé à la fois d’un immeuble par nature mais aussi d’immeubles par destination (cheminées, boiseries...) et d’objets mobiliers qui présentent une cohérence exceptionnelle en raison de liens historiques, artistiques, techniques ou scientifiques qui les unissent. La notion d’ensemble mobilier favorise le maintien in situ ou à tout le moins empêche la vente par lots.
Contestant l’introduction par le ministère de la Culture de dispositions sans rapport avec le régime des décors et objets mobiliers, les sénateurs ont reporté sine die l’examen de ce texte (lire le JdA n° 130, 29 juin 2001). Aujourd’hui, la procédure n’a pas avancé. Néanmoins, cette nouvelle loi n’est peut-être plus indispensable, depuis que la jurisprudence a précisé l’interprétation de la loi. Dans un arrêt du 24 février 1999, le Conseil d’État a en effet estimé, à propos du château de la Roche-Guyon, que les décors qui “formaient avec l’ensemble du grand salon, auquel ils ont été, dès l’origine, incorporés, un tout indivisible, bénéficiaient en conséquence du classement comme monument historique du château”.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°144 du 8 mars 2002, avec le titre suivant : Non-lieu surprise

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