D’après l’antique

L’Énsb-a poursuit la présentation des Envois de Rome

Le Journal des Arts

Le 22 mars 2002 - 705 mots

Délaissant le Colisée ou le Palatin, les architectes lauréats du Prix de Rome partent depuis le XIXe siècle à la découverte des sites archéologiques dans toute l’Italie, et jusqu’en Orient. Chargés d’en établir des relevés et de proposer des restitutions, ils se livrent à un authentique exercice d’imagination, et envoient à Paris des dessins aquarellés monumentaux, dont une sélection est présentée aujourd’hui à l’École des beaux-arts.

PARIS - C’était le temps où l’archéologie ne s’était pas encore muée en une austère discipline scientifique ; c’était le temps où l’architecte en formation devait se frotter aux vestiges de l’Antiquité pour s’imprégner de la manière de bâtir des Anciens. Les élèves de l’École des beaux-arts, lauréats du Prix de Rome, étaient alors envoyés à la Ville éternelle, où ils partaient à la découverte de l’architecture antique. Et tous les ans, les Envois de Rome, plus particulièrement ceux de quatrième année, rendaient compte de leur activité, en même temps qu’ils offraient de nouveaux modèles à ceux qui étaient restés à Paris. Le principe était simple : sur un site de son choix, le pensionnaire réalisait une série de relevés topographiques et archéologiques, et devait proposer une restitution en élévation. Ces études prennent la forme de grands dessins rehaussés d’aquarelle, dans lesquels la rigueur du trait se pare des chatoiements de la couleur. L’architecture s’y impose comme mode possible de mise en ordre d’une nature chaotique.
Ce système, on le sait, s’est perpétué jusqu’à la réforme de l’enseignement de l’architecture, après 1968. On n’en découvre pas moins avec une relative surprise l’envoi de Guillaume Gillet (1912-1987) en 1950, où le futur apôtre du béton armé à Notre-Dame de Royan médite sur le temple de la Fortune à Préneste, site emblématique sur lequel des générations d’architectes ont travaillé, à l’instar de Jean-Nicolas Huyot (1780-1840) en 1811. Non sans raison, la nature de cet apprentissage, obsédé par l’Antiquité au détriment d’autres époques tout aussi fécondes, a été dénoncée pour son caractère stérilisant. L’exemple de Tony Garnier (1869-1948) relativise ces critiques. Ne s’est-il pas prêté comme ses congénères, avec peu d’empressement toutefois, aux relevés et autres élévations, à Tusculum précisément ? C’est à Rome d’ailleurs qu’il a conçu son projet de Cité industrielle. Bien des années auparavant, Théodore Labrouste (1799-1885), pionnier de l’architecture métallique, s’était, lui, intéressé aux antiquités de Cora. “Restituer ce qui n’est plus oblige souvent à mieux comprendre préalablement ce qui existe encore, ou du moins ce qu’on en peut restituer, et en ce sens la démarche, si elle est conduite au nom de principes correctement définis, peut être créatrice et ouvrir la voie à des connaissances dont on s’aperçoit vite qu’elle dépasse le cadre de la simple topographie”, note justement Pierre Gros dans le catalogue.
La proposition de “restauration” s’apparente parfois à un véritable exercice d’imagination. À Ostie, le contraste est saisissant entre la splendeur et la monumentalité de la restitution et la modestie des vestiges. À l’occasion, le dessinateur se fait visionnaire. Maurice Boutterin livre ainsi, en 1913, une restitution fantastique du palais de Tibère à Capri, juché au sommet d’une falaise plongeant dans les abysses. Les spéculations de l’architecte ne sont pas toujours vaines, et, parfois, il a des intuitions que l’archéologie viendra confirmer longtemps après.
Comme le montre bien cette exposition, le nombre de sites visités par les jeunes architectes s’élargit tout au long du XIXe siècle puis au XXe. Plutôt que d’étudier des ruines de Rome peut-être trop connues, ils s’en vont découvrir la province italienne, de Brescia à Naples, puis, dans leur élan, s’aventurent en Orient. Les Envois de Rome ont en effet constitué un facteur déterminant de la redécouverte de l’architecture romaine dans tout le bassin méditerranéen. De façon symptomatique, le parcours de l’exposition débute par l’évocation du site de Baalbek, au Liban. Suivront Palmyre ou encore le palais de Dioclétien à Split. Néanmoins, la villa Hadriana à Tivoli reste un lieu privilégié des étudiants. Ne constitue-t-elle pas en elle-même une anthologie de l’architecture antique ?

- ITALIA ANTIQUA, jusqu’au 21 avril, École nationale supérieure des beaux-arts, quai Malaquais, 75006 Paris, tél. 01 47 03 50 00, tlj sauf lundi 13h-19h. Catalogue, 420 p., 38 euros. L’exposition sera ensuite présentée à la villa Médicis, à Rome, du 5 juin au 9 septembre.

Baselitz collectionneur

En découvrant les gravures de Pontormo, de Rosso ou de l’École de Fontainebleau, l’artiste allemand Georg Baselitz avait senti des affinités avec sa vision et ses théories. Le désir de la collection est né de cette rencontre, qui allait nourrir son propre travail. Aujourd’hui, il possède un ensemble exceptionnel présenté en partie dans “La Bella Maniera”? (jusqu’au 5 mai à l’Énsb-a, dans la chapelle des Petits-Augustins). Dans les créations bellifontaines dominantes dans sa collection, Baselitz a décelé “une liberté révolutionnaire”?. L’art de la gravure qui s’y exprime “ne respectait pas cette stratification spatiale, les espaces du tableau”? mais “était plutôt ornementale, sur un mode très peu conventionnel – presque typographiquement ornemental”?. Quelques-unes des plus belles estampes de la donation Jean Masson complètent cette exposition.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°145 du 22 mars 2002, avec le titre suivant : D’après l’antique

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