Digne fils de son père, Fernand Colomb fut lui aussi un découvreur...

Par Martin Bailey · Le Journal des Arts

Le 5 avril 2002 - 731 mots

Explorateur, historien mais aussi collectionneur, Fernand Colomb, fils du navigateur génois, a réuni en son temps un ensemble de livres et de gravures du XVe siècle. Dispersée après sa mort mais connue par un inventaire, la collection fait actuellement l’objet d’une reconstitution au British Museum de Londres, qui aboutira à la publication d’un catalogue.

LONDRES (de notre correspondant) - Fils de Christophe Colomb, Fernand Colomb (1488-1539) est connu pour être l’auteur du premier récit de voyage consacré au Nouveau Monde – Histoire de la vie et des découvertes de Christophe Colomb. Toutefois, cet historien, fondateur à Séville de la bibliothèque, dite Colombine, a également été à l’origine d’une des premières collections de gravures, riche de plus de 3 200 œuvres. Dispersé à sa mort, l’ensemble est resté connu des chercheurs – sans pourtant faire l’objet d’études spécifiques – par le biais d’un inventaire incroyablement détaillé. Grâce à un financement du Getty Museum, la collection est actuellement en phase de “reconstruction”, sous la direction de Mark McDonald, au département des dessins et des estampes du British Museum. La moitié des œuvres a déjà été identifiée, et Mark McDonald espère retrouver des centaines d’autres pièces avant la fin des recherches, programmée pour l’année prochaine. Car les gravures encore non identifiées au sein de l’inventaire de Fernand sont des œuvres aujourd’hui disparues, telle “une carte du monde sur six feuilles (...) gravée à Venise le 29 avril 1527”. On déplore également la perte d’une autre carte, celle d’Italie, qui comprenait un portrait de Christophe Colomb, gravé en 1514 (“quatre feuillets de large sur quatre de long... dans la partie est, Colomb est représenté...”). Dès l’âge de six ans, l’enfant illégitime fait son entré à la cour d’Espagne des Habsbourg en tant que jeune page privilégié – position qui lui est offerte en récompense du voyage que Christophe a entrepris avec succès dans le Nouveau Monde deux ans plus tôt. À quatorze ans, Fernand accompagne son père dans son quatrième et dernier voyage jusqu’à La Española (actuelle Cuba). Héritant de la passion de son géniteur pour le voyage, il se rend à Rome en 1512 avant de parcourir le reste de l’Europe au service des Habsbourg – voyages pendant lesquels il réunit près de 18 000 volumes, soit l’une des plus riches bibliothèques de la Renaissance.

Un héritage encombrant
En raison des frais que la succession engage, Luís, neveu de Fernand, refuse le legs des ouvrages et gravures, qui deviennent ainsi propriété de la cathédrale de Séville. Si quelque trois mille livres sont toujours conservés à la bibliothèque Colombine, la plupart des gravures et des ouvrages de Fernand furent perdus dès 1700. L’inventaire – unique pièce de la collection de gravures qui ait subsisté – est un manuscrit relié de 300 000 mots, écrits en lettres espagnoles de la Renaissance. Bien que médiocre, une copie transcrite par Don Antonio Rodriguez Villa vers 1880 et conservée au British Museum permet de lire le texte original qui depuis a été endommagé par des rongeurs ou des insectes. Trois critères principaux servaient au classement des dessins et gravures de Fernand : le format (avec sept catégories), le sujet (saints masculins, animaux...) et la quantité de personnages ou d’objets. Figurent également une description détaillée de l’image et les noms d’artistes ou monogrammes lorsqu’ils sont indiqués. “Chaque entrée met en exergue une caractéristique unique d’une gravure, ce qui permet de ne jamais la confondre avec une autre traitant du même sujet”, explique Mark McDonald. En établissant une base de données de toutes les gravures virtuellement connues et publiées avant la mort de Fernand en 1539, le chercheur britannique s’est essentiellement inspiré de l’ouvrage en 21 volumes de Bartsch, Le Peintre graveur publié entre 1803 et 1821. Majoritairement allemands, les graveurs représentés sont Dürer, Cranach, Ugo da Carpi, Nicoletto da Modena et Francesco de Nanto. Nombre d’estampes identifiées sont des pièces très rares, et quatre cents d’entre elles n’existent plus aujourd’hui qu’à un seul exemplaire. Parmi les œuvres perdues, des travaux de Sebald Beham, Urs Graf, Hans Burgkmair ou Lucantonio degli Uberti sont parfois de très grand format, telles les 24 feuilles de La Destruction de Jérusalem mesurant huit mètres sur un. “Nos recherches indiquent que les gravures perdues pourraient être beaucoup plus nombreuses que ne l’avaient estimé les chercheurs”, poursuit Mark McDonald. À l’issue des recherches, le British Museum projette de publier un catalogue en deux volumes ainsi qu’un cédérom.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°146 du 5 avril 2002, avec le titre suivant : Digne fils de son père

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