Conciliation ?

L’affaire des Klimt se poursuit

Le Journal des Arts

Le 19 avril 2002 - 672 mots

Irrecevable en Autriche, l’affaire de la restitution des tableaux de Klimt avait été portée devant les tribunaux californiens par Maria Altmann, l’une des héritières des Bloch-Bauer (lire le JdA n° 144, 8 mars 2002). À l’issue d’un premier jugement, une cour d’appel fédérale américaine a sommé le pays d’accepter une procédure de conciliation, avant même que la question de son immunité souveraine, soulevée lors du procès, n’ait été réglée.

LOS ANGELES (de notre correspondante) - Prenant une décision inattendue, une cour d’appel fédérale américaine a assigné l’Autriche à engager une procédure de conciliation en Californie, dans le cadre d’une plainte déposée par Maria Altmann, l’une des héritières des Bloch-Bauer, une famille de juifs viennois. En effet, six œuvres de Klimt, qui auraient été volées à leur propriétaire par les nazis, occupent désormais les salles de la Galerie nationale autrichienne (Österreichische Galerie, OG) à Vienne. Les tableaux “retenus à tort” selon la plaignante, mais estampillés trésors nationaux par l’OG, ont fait l’objet d’une réclamation de la part de Maria Altmann. Mettant en avant son argument principal, la défense de l’Autriche s’appuie sur l’immunité dont jouit une nation étrangère impliquée dans un procès américain. En outre, l’Autriche considère que ces événements, antérieurs à 1952 et produits sur son territoire national, devraient être jugés sur place.

Cependant, les arguments autrichiens ont été écartés, conduisant l’Autriche à interjeter appel. Le 20 mars, les trois juges de la cour d’appel ont déclaré qu’une “conciliation pourrait aboutir à une meilleure solution pour les parties impliquées qu’un procès”. La cour a ainsi confié l’affaire à son service de conciliation – qui  interviendra à la fin du mois d’avril – en indiquant que le médiateur devrait faire un rapport “tous les trente jours pour l’informer de la progression”. Toutefois, on ne sait pas encore précisément si la conciliation concernera le litige sur le fond, à savoir la propriété des Klimt, ou sur la question de l’immunité. De plus, un médiateur n’a pas autorité pour forcer les parties à régler les différends d’une affaire ni même pour décider quelles seront les questions discutées. Comme l’appel concernait exclusivement la légalité de poursuivre l’Autriche en justice aux États-Unis, le rendu de la cour semble concerner la possibilité de soumettre l’Autriche à la juridiction des tribunaux américains.

Dans le cadre légal, cependant, la conciliation ne prive aucune des parties de ses arguments, au cas où ces tentatives échoueraient ; le litige retournera alors devant la cour d’appel afin qu’une décision ou un jugement soient rendus. L’Autriche a indiqué qu’elle se plierait à la décision de la cour et prendrait part à l’affaire de bonne foi. “Cette affaire pourrait être résolue hors des tribunaux d’un million de façons différentes, mais il faut deux parties conciliantes pour cela. J’ai toujours été prêt à discuter d’un règlement avec eux. Mais ma cliente a quatre-vingt-six ans. Nous ne pouvons pas laisser traîner cette affaire indéfiniment”, a expliqué Randol Schoenberg, avocat de Maria Altmann aux États-Unis. En effet, la plaignante souhaite que le procès en appel ait lieu le plus rapidement possible en raison de son âge avancé. Pendant ce temps, Rudolf Welser, avocat autrichien de Maria Altmann, également président de la faculté de droit civil à l’université de Vienne, a rendu public un avis relatif à la propriété des Klimt. Selon lui, l’Autriche n’a jamais obtenu la jouissance des œuvres litigieuses, en exécution du testament d’Adèle Bloch-Bauer, la veuve de Ferdinand, comme le pays l’avait déclaré. Rudolf Welser explique au contraire que la seule chose qui puisse permettre à la République autrichienne de revendiquer les tableaux est une donation que les héritiers de Ferdinand Bloch-Bauer ont été forcés d’effectuer après-guerre. Cette donation constituait une “condition préalable” imposée par l’Autriche en échange de la délivrance de permis d’exportation qui autorisaient  la famille à faire sortir du pays d’autres œuvres. La moitié des œuvres de Klimt, si ce n’est davantage, pourrait ainsi être restituée à Maria Altmann, conformément à une loi autrichienne de 1998 autorisant la restitution de “dons” d’œuvres d’art réalisés après-guerre et n’ayant pas fait l’objet d’un dédommagement.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°147 du 19 avril 2002, avec le titre suivant : Conciliation ?

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