Italie - Fondation

Quelle fondation pour Zeri ?

Polémique en Italie autour des modalités de création de l’institution

Par Le Journal des Arts · Le Journal des Arts

Le 19 avril 2002 - 950 mots

Depuis le décès en 1998 de l’historien de l’art Federico Zeri (lire le JdA n° 69, 23 octobre 1998), la donation de son patrimoine à l’université de Bologne reste problématique. Récemment, la photothèque de l’historien a été transférée à Bologne, et, de fait, l’intégrité de l’institut d’histoire de l’art auquel Zeri voulait donner naissance est mise en péril. À cette occasion, certains membres du conseil scientifique de la Fondation Zeri ont exprimé leurs points de vue.

BOLOGNE - Federico Zeri, décédé en octobre 1998, avait légué à l’université de Bologne sa bibliothèque et sa photothèque ainsi que sa résidence de Mentana, dans le Latium, en vue de fonder un institut d’histoire de l’art. Alors que la Fondation Federico-Zeri n’avait pas encore été constituée, l’institution légataire avait transféré les photographies – un patrimoine riche de plusieurs milliers d’images – à Bologne, provoquant ainsi un tollé au sein de la communauté scientifique dont la presse italienne s’était fait l’écho. Pier Ugo Calzolari, recteur de l’université de Bologne, successeur de Fabio Roversi Monaco qui avait signé l’accord avec l’historien de l’art, avait répondu aux polémiques en expliquant que “la photothèque de Federico Zeri a été transférée de Mentana à Bologne à cause des conditions de conservation médiocres dans la villa qui nécessite des opérations radicales de mise aux normes. C’est pourquoi les photographies particulièrement sensibles ont été transportées à l’université. (...) Elles y seront cataloguées et, selon les décisions de la Fondation Zeri, pourront retourner dans leur villa d’origine.” Au cours de sa première réunion, qui s’est tenue le 24 septembre 2001, le conseil scientifique de la fondation – composé d’Enrico Castelnuovo, David Freedberg, Antonio Giuliano, Mina Gregori, Martin Kemp, Michel Laclotte, Mauro Natale, Fabio Panzieri, Antonio Paolucci, Simonetta Prosperi Valenti Rodinò, Pierre Rosenberg et Salvatore Settis – a dû aborder deux problèmes. Le premier, d’ordre éthique, concerne le respect de la volonté de Federico Zeri, à savoir la création d’un institut à Mentana (lire l’encadré ci-dessus). La seconde question, plus pratique, était relative aux modalités de fonctionnement de l’institut. Grâce au financement d’une banque, l’université a déjà investi quelque 775 000 euros pour le catalogue et la numérisation de la photothèque ; cependant, les travaux de mise aux normes de la villa de Mentana atteindraient un montant bien supérieur. “Minutieux et parfaitement clair”, le testament de Federico Zeri destine la villa de Mentana avec ses terrains, ses collections de livres et de photographies à l’université de Bologne “sans aucune modalité d’usage ni condition, précise Pier Ugo Calzolari. Quiconque de bonne foi ne peut penser qu’un texte aussi détaillé aurait pu omettre l’un des points principaux. Après avoir reçu de l’université de Bologne le plus important des honneurs académiques – le titre de docteur honoris causa –, Zeri, s’adressant aux étudiants et professeurs, a vivement critiqué, au cours d’une intervention, le monde universitaire italien, ses médiocrités et ses querelles de clocher. Cet acte de liberté consenti par une des universités italiennes les plus ‘laïques’ expliquerait la gratitude de Zeri et son geste”.

Malgré l’assurance du recteur, certains membres du conseil scientifique se sont insurgés contre ses décisions en lui adressant une lettre. Ainsi, en novembre 2001, Mina Gregori s’est étonnée de “certaines déclarations inexactes au sujet de l’état de la villa de Mentana et aux moyens d’y accéder”, autant d’éléments destinés à influencer l’avis du conseil scientifique pour le transfert à Bologne. “Il me semble que le sens de la Fondation Zeri dépendra du choix du lieu de l’institut qui existe juridiquement sous le nom de ‘Fondation Federico-Zeri à Mentana’”, a-t-elle ajouté. La solution optimale pour respecter la volonté de Zeri, exprimée dès 1965, serait donc de fonder un institut dans la résidence de Mentana dont le fonds, composé de la photothèque et la bibliothèque, resterait in situ. La villa pourrait devenir un haut lieu d’études et du patrimoine où, selon les propositions de Mina Gregori, pourraient être organisés des stages et des colloques internationaux.

En outre, la région du Latium qui, selon Salvatore Settis, aurait manifesté son intérêt pour l’institut, “pourrait contribuer financièrement à mettre en œuvre le projet du neveu de Zeri, à savoir la reconstitution de l’aménagement de la villa dès lors que ses collections y seront retournées”. Plus radical, l’avocat Fabrizio Lemme a déclaré en mars dernier : “si le testateur avait imaginé que la villa fût vidée de son contenu le plus signifiant, pourquoi aurait-il laissé le contenant ?” Jusqu’à une prochaine réunion du conseil scientifique, la question de l’institut et de ses fonds reste en suspens et la villa de Mentana délaissée.

« De grands sacrifices personnels »

Rédigée le 7 janvier 1965, une lettre de Federico Zeri adressée à Roberto Longhi fait cas de son souhait de donner naissance, au prix de « grands sacrifices personnels », à un institut d’histoire de l’art dans sa villa de Mentana : « (...) Je voudrais vous montrer le siège de l’institut d’histoire de l’art que je suis en train de construire à Mentana ; la bibliothèque est déjà finie (dans la charpente) et l’ensemble ressort bien et même en ‘grand style’ (...). Il faudra aussi que vous m’aidiez à trouver un nom à l’institut, que je voudrais dédier à un grand historien de l’art, mais je ne sais pas lequel. (...) Ne riez pas, cher professeur, de ce projet qui me coûte tant d’efforts ; notre métier et toute l’histoire de l’art italienne doivent sortir du bourbier dans lequel les précipitent les professeurs d’université. La situation est vraiment grave. J’ai déjà acquis une collection de catalogues à faire rougir d’envie Miss Frick. Quant aux photographies, elles sont déjà au nombre de 500 000 (sans compter les sculptures, miniatures, architectures et autres arts mineurs, eux aussi en grand nombre).»

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°147 du 19 avril 2002, avec le titre suivant : Quelle fondation pour Zeri ?

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