Après l’eau, le béton

Le Journal des Arts

Le 3 mai 2002 - 446 mots

Découvert il y a deux ans, le site protohistorique de Poggiomarino, non loin de Pompéi, a fait l’objet d’études récemment présentées au ministère italien de la Culture. Une partie de la multitude d’objets découverts devrait
à terme être présentée au public, tandis que le site risque d’être recouvert de béton.

POGGIOMARINO (de notre correspondant) - À quelques kilomètres au nord de Pompéi, entre les flancs du Vésuve et le fleuve Sarno, se dressait la Venise de la Campanie. Il y a deux ans, au cours de la construction d’une station d’épuration sur les bords du fleuve, un village antique, datant de 1300 av. J.-C., avait été découvert. Dernièrement, le résultat des fouilles qui y ont été réalisées a été présenté au ministère de la Culture par le surintendant de Pompéi, Pietro Giovanni Guzzo et par Renato Peroni, professeur de protohistoire européenne à l’université de la Sapienza à Rome. Coordonnée par Claude Livadie, du CNRS, la campagne s’est étendue sur une superficie de près de 1 600 m2. Les fouilles ont révélé une extraordinaire série de découvertes, que les spécialistes ont qualifiées d’exceptionnelles : un canoë, plusieurs chaumières, des îlots artificiels, des canaux de communication entre les divers “quartiers”, des ouvrages de canalisation et d’assainissement, des installations de drainage des eaux – des structures qui n’ont d’équivalent ni dans la plaine du Pô ni en Vénétie.

Sur place ont également été mis au jour des céramiques faites à la main (environ 500 000 pièces), des squelettes d’animaux ainsi que des centaines d’éléments en bois et de nombreuses pièces en bronze, en ambre, en pâte de verre, en fer, en plomb, en os et en corne d’animal travaillée. À la lumière de ces découvertes – qui ont éclairé l’histoire de l’habitat dans la région sur près de huit cents ans, de 1500 à 700 av. J.-C., avec toutefois une interruption au VIe siècle due à une inondation –, les informations glanées dans les environs au cours d’un demi-siècle de fouilles peuvent désormais être interprétées. Les spécialistes ont ainsi pu donner une véritable signification aux milliers de tombes datant du XIVe au VIIe siècle av. J.-C., formant un immense cimetière situé sur un terrain épargné par les inondations. Son sens restait énigmatique puisque l’on n’avait pas retrouvé de traces d’habitat à proximité.

Les archéologues ont également avancé l’hypothèse que la ville voisine de Pompéi aurait pu être fondée par la migration de ces autochtones, contraints d’abandonner leur propre territoire que l’eau rendait inhabitable. En attendant que le résultat des fouilles de Poggiomarino soit présenté dans un musée, le site, dont la découverte a freiné l’avancée des travaux de la station d’épuration, risque d’être enseveli sous une coulée de béton.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°148 du 3 mai 2002, avec le titre suivant : Après l’eau, le béton

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