Sainte famille

Ingres, créateur de vitraux au Louvre

Le Journal des Arts

Le 14 juin 2002 - 580 mots

Aspect peu connu de la carrière d’Ingres, les cartons de vitraux réalisés pour deux chapelles liées
à la famille d’Orléans sont présentés au Louvre, dans une exposition qui offre
un éclairage inédit sur les sources du peintre.

PARIS - La salle de la Chapelle n’a jamais si bien mérité son nom. Un aréopage de saintes figures peintes par Ingres occupe les cimaises de cet espace d’exposition et lui confère par leur auguste sévérité un caractère incontestablement funéraire. Cette impression n’est pas incongrue puisque les vitraux conçus d’après ces cartons étaient destinés à la chapelle Saint-Ferdinand à Paris et à la chapelle royale Saint-Louis de Dreux, deux lieux commémoratifs liés à la famille d’Orléans.

La première, située près de la porte Maillot, est édifiée en 1842 à l’endroit même où Ferdinand, le fils de Louis-Philippe, meurt brutalement dans un accident le 13 juillet. Ingres, qui avait fait son portrait l’hiver précédent, est manifestement affecté par la disparition de son modèle. Aussi accède-t-il à la requête du roi qui lui demande de réaliser des cartons pour les dix-sept vitraux de la chapelle. Et, fait rare pour être souligné, l’artiste s’exécute avec célérité. Trois mois lui suffisent pour peindre, dans cette manière sublimement stylisée, les saints patrons des membres de la famille royale. Satisfait de son travail, le souverain lui commande ensuite douze cartons pour Dreux, la chapelle familiale de la dynastie. À côté des saints Philippe, Ferdinand, Louis et Amélie, repris de l’ensemble précédent, Ingres peint des saints illustrant les origines chrétiennes et parisiennes de la royauté, comme Denis ou Geneviève. Et apparaît en phase avec le “médiévalisme” ambiant.

Outre l’intérêt de découvrir ces œuvres conservées pour l’essentiel en réserve, l’exposition nous montre la méthode du peintre, étudiant d’abord l’attitude de sa figure sous la forme d’un nu académique. Mais surtout, elle attire notre attention sur ses sources aussi éloignées de l’antique que de Raphaël. Tandis que saint Charles Borromée est inspiré d’un tableau florentin du XVIIe siècle qu’Ingres conservait dans sa collection, Saint Louis se réfère à un modèle familier aux visiteurs du Louvre, puisqu’il s’agit de la statue de Charles V, qu’à l’époque on identifiait à tort à Saint Louis. Plus surprenante est l’origine de son saint Antoine, dont l’artiste a trouvé le modèle dans une gravure populaire italienne du début du XIXe siècle. Mais, pour la plupart des visages, il a tout simplement reproduit les traits du roi, de son épouse, de ses fils... Comme si le portraitiste de toujours reprenait l’ascendant sur le peintre religieux occasionnel. Toutefois, sur le carton, saint Philippe n’a pas encore pris les traits du royal commanditaire.

Certes, ces commandes constituent un épisode très intéressant de la carrière d’Ingres, qui a étroitement collaboré avec les maîtres verriers de la Manufacture de Sèvres, et méritaient sans aucun doute une publication. Mais, pour la dernière exposition du musée avant l’an prochain – restrictions budgétaires obligent –, le thème apparaît bien limité. Comme nous le déclarait Henri Loyrette, président-directeur du Louvre, en juin 2001, “les expositions ne devaient pas seulement refléter l’activité de tel ou tel département mais favoriser des projets tranversaux et un travail en commun” (lire le JdA n° 130, 29 juin 2001). Autant dire que ce genre d’exposition a fait son temps.

- INGRES, LES CARTONS DE VITRAUX DES COLLECTIONS DU LOUVRE, jusqu’au 23 septembre, Musée du Louvre, aile Sully, salle de la Chapelle, 75001 Paris, tél. 01 40 20 50 50, tlj sauf mardi 9h-17h30, www.louvre.fr. Catalogue, éd. RMN, 120 p., 25 euros.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°151 du 14 juin 2002, avec le titre suivant : Sainte famille

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