Arts décoratifs en donation

Le patrimoine italien s’enrichit de la demeure de Luigi Anton Laura

Le Journal des Arts

Le 28 juin 2002 - 807 mots

Le collectionneur et marchand d’art Luigi Anton Laura a récemment légué sa villa d’Ospedaletti,près de San Remo, au Fondo per l’ambiente italiano (Fai). Cette fondation privée est déjà à la tête d’un patrimoine réparti dans toute l’Italie. Outre la demeure, près
de 4 800 objets et meubles ont rejoint les biens gérés par la Fai qui pourra à terme ouvrir l’un des musées d’arts décoratifs les plus importants d’Italie.

SAN REMO (de notre correspondante) - Sur la suggestion d’un membre du comité directeur du Fondo per l’ambiente italiano (Fai), les collectionneurs Luigi et Nera Laura ont fait don de leur demeure d’Ospedaletti, près de San Remo, à cette fondation privée italienne créée en 1975 qui gère déjà une trentaine de sites. La totalité des 4 800 objets qui constituent le mobilier de la villa sera conservée in situ. L’ouverture permanente au public, gérée par la Fai, ne sera possible qu’à la mort des deux propriétaires, qui, en outre, ont cédé au même organisme leurs autres biens immobiliers : un appartement à Monte-Carlo (siège de l’activité professionnelle de Luigi Laura dès 1967), un autre à Paris et une partie du Palazzo Mocenigo, sur le Grand Canal, à Venise. Dans le cadre idyllique de la villa d’Ospedaletti, désormais accessible sur rendez-vous, Luigi Laura évoque l’atmosphère exotique et internationale qui règne sur cette demeure aménagée dans les années 1950 : “Ma famille, les Laura de Borello, a des origines très anciennes. Dans cette petite localité d’Ospedaletti, située sur les hauteurs de San Remo, des documents la font remonter à 1260. Ils avaient des terres, desquelles ils ont toujours tiré le nécessaire pour mener une vie aisée. Dans la famille de mon père, la tradition était d’être enseignant et on s’attendait à ce que je le devienne aussi. Mais ce n’était pas ma vocation. J’étais attiré par les antiquités.” Puis d’ajouter : “Ce qui a beaucoup contribué à cette passion, c’est le fait qu’il y avait des objets de prix à la maison, transmis de génération en génération. Il ne s’agissait pas des fruits de l’activité de collectionneur d’un aïeul, mais d’objets d’usage qui avaient vieilli dans les murs de notre maison, et qui étaient devenus des antiquités avec le passage des siècles. À la maison, on percevait visuellement le sens du temps qui passe, de l’histoire. Mais pour moi, ce n’était pas assez. La vie sur la Riviera ne me suffisait pas et je me suis tout bonnement enrôlé dans le régiment d’infanterie 90 de San Remo. J’avais entendu dire que ce détachement devait partir en Russie. Ma famille n’était pas au courant et tout le monde a été très choqué d’apprendre en 1942 que je partais pour la Russie en pleine guerre. L’idée d’un voyage en terre lointaine me fascinait, je croyais y voir des choses splendides. Malheureusement, j’ai été forcé de constater que la guerre avait déjà tout détruit. La Cracovie que je rêvais de voir n’existait plus, de même que toutes les villes où m’a conduit ma brève expérience de soldat.”

Après la guerre, place à l’art
Aussitôt après la guerre, Luigi Laura est devenu antiquaire et collectionneur. Il pouvait ainsi mener la vie aisée dont il ne voulait pas se priver et sélectionner quelques pièces pour lui-même. À Londres, sa carrière prend de l’ampleur : “J’ai eu la chance d’arriver avant les autres, comme antiquaire, j’entends. C’était une vraie chance, car dans l’immédiat après-guerre, les maisons de ventes n’étaient pas encore organisées et il était facile d’acheter directement aux particuliers. La livre sterling était basse, Londres était en pleine période d’austérité et j’ai pu faire d’excellentes affaires.” Dans l’heureuse conjoncture de l’Angleterre d’après-guerre, Luigi Laura a ainsi développé à grande échelle l’activité qui le fascinait depuis l’enfance. Après avoir terminé sa formation classique à San Remo, où il était compagnon de classe d’Italo Calvino – devenu plus tard son client –, il entreprend des études artistiques à Gênes où il entre en contact avec les futurs protagonistes du marché des antiquités de la ville. Dans les années 1950, l’antiquaire découvre l’église de la communauté anglaise du village d’Ospedaletti édifiée à la fin du XIXe siècle, et terriblement endommagée par la guerre. Luigi Laura l’achète puis la réaménage dès 1954. La nef unique s’élevant à trente mètres a alors été transformée en une villa à trois étages que l’antiquaire a destinée en partie à ses clients en y présentant toutes sortes de meubles et d’objets. “J’ai éprouvé une grande satisfaction lorsque Sotheby’s est venue mettre en fiches les 4 800 pièces qui, avec la villa d’Ospedaletti, sont destinées à la Fai. Ces experts ont constaté, à leur grande surprise, que, malgré le nombre et la diversité des objets, il n’y avait aucune pièce fausse. Voilà qui prouve que j’ai su faire une sélection.” Un ensemble qui va constituer l’un des musées d’arts décoratifs les plus importants d’Italie.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°152 du 28 juin 2002, avec le titre suivant : Arts décoratifs en donation

Tous les articles dans Patrimoine

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque