Paroles d’artiste

Adam Adach

« J’aime observer le mouvement du temps »

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 15 janvier 2008 - 719 mots

À Noisy-le-Sec (Seine-Saint-Denis), le centre d’art La Galerie expose un concentré du travail d’Adam Adach (né en 1962 à Varsovie). Ce peintre d’origine polonaise installé à Paris a été nominé pour le prix Marcel-Duchamp 2007. Entre abstraction et figuration, son travail mêle des préoccupations relatives à la construction et à la mémoire.

Votre exposition est composée de onze œuvres, datant de 1997 à 2006. Peut-on parler de rétrospective ?
Je ne me sens pas assez vieux pour que la notion de rétrospective me paraisse naturelle. Mais j’apprécie beaucoup la situation où la directrice du centre d’art peut – à l’instar d’un collectionneur – choisir parmi mes peintures afin de composer un ensemble en fonction de sa propre sensibilité, pour construire une sorte de « miroir » de l’artiste. J’aime voir ce mode de fonctionnement et constater que la peinture s’émancipe de mon ego.

L’idée de construction est omniprésente dans votre travail : construction personnelle, fondation, bâti...
Le symbolisme de l’édification ou d’un système de fabrication m’intéresse dans la mesure où il parle de la motivation qui anime les constructeurs. Tout bâtisseur se doit de posséder une certaine utopie. C’est d’autant plus touchant que cette utopie est souvent contredite par l’utilisation et le devenir des espaces, jusqu’à la déconstruction, voire la destruction. Nous entrons du coup dans le domaine idéologique,  repérable dans les plus grands ensembles de ma peinture.

L’exposition montre que vous êtes passé d’une peinture abstraite à la figuration. Comment et pourquoi cette évolution a-t-elle eu lieu ?
L’évolution en soi m’intéresse déjà beaucoup. J’aime le changement qui l’accompagne, aussi bien du point de vue formel que de celui des contenus. C’est en quelque sorte une révolution dans le temps à travers l’art que je fais. J’aime observer le mouvement du temps et m’octroyer la liberté d’y participer moi-même. La figuration apporte de nouvelles données qui me stimulent et m’attirent, notamment les références au quotidien et à la politique, qui nomment et déjouent les choses, et introduisent aussi une possible narration intime.

À propos de votre tableau État naturel (2004), vous avez déclaré : « Certains éléments reprennent le langage de l’histoire de la peinture pour atteindre ce moment imprécis où j’estime qu’il y a une sorte de cohésion possible entre plusieurs éléments contradictoires. » Pouvez-vous développer un peu cette idée de contradiction ?
Une société démocratique ne peut pas supprimer les contradictions visibles sans devenir totalitaire. Le caractère figuratif de la peinture exige une pensée critique et une réception nouvelle plus ouverte, même si à l’origine existent différents vocabulaires formels.

La peinture ne peut-elle s’élaborer, selon vous, que dans un processus de confrontation ?
Tout à fait, sinon il n’y a pas de dialogue sincère. Une certaine violence s’impose dans le processus créatif. Parfois je peux paraître doux et tendre dans le choix des motifs, mais je ne suis pas naïf.

Est-ce pour cela que vos paysages, tel Ministry of Communication (2006), sont souvent conçus comme des associations de divers éléments ?
Cette peinture est fondée sur la citation d’une architecture composite stalinienne qui existe réellement, pas très loin de chez moi à Varsovie. J’y ai ajouté un élément qui semble surréaliste mais qui provient d’un débat actuel, assez vif, portant sur les projets d’amélioration des communications actuelles. Ce n’est donc jamais une simple méthode ou une pure répétition.

L’évocation de l’histoire est aussi un élément récurrent dans votre œuvre. Est-ce dû à vos origines polonaises et à l’histoire politique du XXe siècle ?
En effet. C’est aussi un voyage dans le temps, dans les deux sens. J’ai eu la « bonne malchance » de vivre les changements de système. Il y a aussi une responsabilité de génération après la Shoah. C’est comme une grande Histoire qui est tombée sur la tête des petites gens.

En abordant aussi bien l’actualité que l’histoire, votre travail a-t-il pour ambition de proposer un projet de société ?
Je ne suis pas un activiste, mais je crois que la démocratie à venir dépend de ce que nous faisons maintenant. La peinture se doit d’apporter une conscience critique à la fragilité des êtres, et aussi une sensibilité qui peut faire la différence.

À Paris, Adam Adach est représenté par la galerie Jean Brolly.

ADAM ADACH, jusqu’au 2 février, La Galerie, 1, rue Jean-Jaurès, 93130 Noisy-le-Sec, tél. 01 49 42 67 17, tlj sauf dimanche et lundi 14h-18h, samedi 14h-19h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°273 du 18 janvier 2008, avec le titre suivant : Adam Adach

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