L’Armory Show, à tout prix

Des marchands français confiants à New York

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 11 octobre 2002 - 711 mots

La volatilité boursière, les troubles au Proche-Orient, l’éventuelle imminence d’une attaque contre l’Irak n’ont pas eu raison de l’optimisme des neufs exposants français de l’International Antique Dealers Show de New York. Malgré la défection de la galerie Blondeel-Deroyan et de Carolle Thibaut-Pomerantz, les fidèles de l’Armory Show sont prêts à séduire à nouveau la clientèle new-yorkaise du 18 au 24 octobre.

PARIS - À quelques semaines de la Biennale des antiquaires où se sont réunis les plus grands collectionneurs et décorateurs américains, quelles peuvent être les motivations des neufs professionnels français inscrits à l’Armory Show ? À l’exception de Maroun Salloum et d’Anthony Meyer, les exposants ont participé à la coûteuse manifestation parisienne et ne peuvent en toute logique proposer des nouveautés. Bernard Blondeel a ainsi préféré décliner l’invitation pour se concentrer sur la Foire de Maastricht de mars 2003. Qu’importe ! Les galeries parisiennes, qui réalisent 70 % à 80 % de leurs chiffres d’affaires aux États-Unis, comptent sur une clientèle fortunée plus vierge, moins mobile, bref différente de celle entrevue à la Biennale. Une nouvelle génération d’acheteurs, ignorante de la tradition très frenchy des objets de famille, souhaite souvent se meubler dans un style différent des aînés. Les musées, particulièrement actifs, compensent fréquemment l’éventuelle défection des particuliers. “L’Armory Show est une des rares expositions où vous créez à chaque fois une nouvelle clientèle. De nombreux clients, qui ont commencé par nous acheter des petits objets, sont devenus des collectionneurs sérieux”, conforte l’antiquaire Patrick Perrin.

Bien que les différences de goût tendent à s’estomper des deux côtés de l’Atlantique, certaines galeries proposent des pièces davantage “adaptées” au marché américain. “Je présente des choses plus petites car les appartements new-yorkais n’ont pas de hauteur sous plafond. Les Américains n’aiment pas trop la dorure et préfèrent des choses plus strictes, moins flamboyantes que ce qu’on voit à la Biennale des antiquaires”, explique Ariane Dandois. L’antiquaire de la place Beauvau présentera notamment un salon à l’éventail hongrois du début du XIXe siècle pour la somme de 480 000 euros. Faute de bénéficier d’un stand spacieux, Jacques et Patrick Perrin emmènent également des meubles plus modestes, bien loin des ors de la Biennale. “Les Américains apprécient les tapis anciens clairs, les chinoiseries. Ils n’aiment pas les sujets de chasse violents”, note de son côté Nicole de Pazzis-Chevalier, qui participe à ce Salon depuis sa création en 1989. Elle présentera un élément de la tenture des Grotesques à fond jaune, exposée à la Biennale des antiquaires, ainsi que deux portières des Gobelins. Cheska Vallois estime que, dans le domaine de l’Art déco, le goût américain épouse celui de l’Hexagone. “Je me suis rendu compte que les Américains ont parfaitement assimilé cette période, déclare-t-elle. Il y a vingt ans, on ressentait une véritable différence de goût, ce n’est plus le cas aujourd’hui.” Loin de l’inventivité témoignée à la Biennale, les pièces de l’Armory Show sont plus classiques. On verra donc des créations en laque argentée de Rateau inédites sur le marché français, ainsi que des meubles de Ruhlman et de Groult. Le marathonien des foires, Georges de Jonckheere, participe pour la quatrième fois à ce Salon. Il agrémentera son arsenal de tableaux flamands et hollandais de quelques inédits, notamment deux vues de Naples de Pietro Antoniani proposées pour 600 000 euros la paire.

Malgré une Biennale en dents de scie, les galeries affichent un optimisme déroutant. “J’y vais très confiant car les Américains en ont assez de la désolation. Ce sont des acheteurs qui n’aiment pas tergiverser, qui se décident vite avec enthousiasme et aussi avec une très grande connaissance”, déclare le spécialiste de l’art océanien Antony Meyer. Sans préjuger de l’emballement américain en temps de crise, Jacques de la Béraudière insiste sur la nécessaire fidélité : “Si vous dérogez à un calendrier où les Américains sont habitués à vous voir, ils vous le reprochent. Il faut garder le contact et la confiance, quelles que soient les appréhensions que l’actualité nous donnerait.” Le galeriste présentera notamment une toile de Picabia des années 1913-1914, une pièce pointue pour un public dont l’unique mot d’ordre est la qualité.

- THE INTERNATIONAL FINE ART & ANTIQUE DEALERS SHOW, du 18 au 24 octobre, The 7th Regiment Armory, Park Avenue at 67th Street, New York, tél. 1 212 874 5457.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°156 du 11 octobre 2002, avec le titre suivant : L’Armory Show, à tout prix

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