Ghez, les fruits d’une passion

Le Journal des Arts

Le 25 octobre 2002 - 674 mots

Riche d’environ 7 000 œuvres, la collection Oscar Ghez se distingue par ses ensembles d’œuvres néo-impressionnistes, nabis et de l’école de Paris. Quittant le temps d’une exposition les cimaises du Musée du Petit-Palais à Genève, 85 tableaux et quelques sculptures de cette collection d’art moderne sont présentés au Musée Jacquemart-André, à Paris.

PARIS - Fidèle à sa politique d’exposition de collections particulières prestigieuses – on se souvient notamment de la récente rétrospective consacrée aux dessins de la collection Krugier-Poniatowski –, le Musée Jacquemart-André présente quelque 85 peintures de l’industriel américain Oscar Ghez. Décédé en 1998, ce collectionneur compulsif acheta à partir des années 1940 plusieurs milliers d’œuvres allant de l’impressionnisme aux années 1960, aujourd’hui conservées au Musée du Petit-Palais, à Genève. “Ses achats étaient limités par deux considérations, explique son fils Claude Ghez dans le catalogue. Tout d’abord, il pensait que les prix des grands noms impressionnistes et des monstres déjà sacrés du XXe siècle, tels Matisse ou Picasso, étaient excessifs. [...] Ensuite, il avait horreur de l’art abstrait.” “Ghez achetait par coups de cœur les tableaux par dizaines, souvent a contrario du goût alors en vigueur”, précise pour sa part l’historien d’art Gilles Genty, co-commissaire de l’exposition et responsable du choix des œuvres. En témoigne notamment l’acquisition de nombreuses toiles de Caillebotte – dont l’un des chefs-d’œuvre, Le Pont de l’Europe (1876), ouvre le parcours de l’exposition –, ou la constitution d’un vaste ensemble néo-impressionniste. “Alors que les yeux des collectionneurs étaient exclusivement tournés vers Georges Seurat, [...] Oscar Ghez a rassemblé une collection presque unique en Europe montrant les différents aspects de ce courant”, explique Gilles Genty. Pas de Seurat donc, mais des toiles d’Henri-Edmond Cross, du Belge Théo van Rysselberghe, et surtout de peintres que l’on redécouvre depuis peu tels Charles Angrand, l’un des fondateurs de la Société des artistes indépendants, ou Louis Hayet dont La Fête foraine, la nuit (1888) témoigne de l’influence de Seurat et en particulier de sa grande Parade, peinte la même année (lire le JdA n° 155, 27 septembre 2002).

Deuxième point fort de la collection Ghez, l’école de Pont-Aven et les nabis avec, là encore, une juxtaposition d’œuvres majeures (comme Les Âges de la vie (Le Printemps), de Georges Lacombe, grande composition illustrant le talent pictural du “nabi sculpteur”) et de découvertes : citons en particulier La Faneuse, première œuvre d’Henri van de Velde, et un paysage breton de Tarkoff, artiste russe qui travailla au côté d’Henri Moret, à Pont-Aven, entre 1902 et 1905, et auprès de qui Ghez acquit plus de 400 toiles ! L’industriel s’orienta ensuite vers le fauvisme, représenté dans l’exposition par des œuvres de Manguin, Valtat et Van Dongen (dont le remarquable Vieux Clown), puis vers le cubisme. Mais c’est son goût pour l’école de Paris qui lui permit de donner une impulsion nouvelle à sa collection. Particulièrement sensible, en raison de son histoire personnelle, “aux peintres étrangers qui avaient dû fuir leur pays avant la guerre [...]”, il acheta de nombreuses œuvres aux artistes de Montparnasse, ainsi le Lupanar à Montparnasse et La Dompteuse et le Lion de Foujita, le Portrait de Jean Cocteau par Kisling, et Le Juif errant, de Marc Chagall. De plus, comme l’écrit son fils Claude, “il eut la chance de rencontrer [...] Van Dongen, Foujita, Mané Katz et Kisling, derniers survivants de l’école de Paris, auprès desquels il fit d’importantes acquisitions”.

L’exposition s’achève, de manière assez décevante, sur des œuvres sans lien apparent : L’Aubade, de Picasso, exécutée en 1965, côtoie un nu de Chirico de 1929, un très beau Picabia des années 1930 (Medina) et des toiles des années 1950. Il semble que le désir de présenter le plus grand nombre possible d’œuvres ait parfois pris le pas sur la cohérence de la sélection et la lisibilité de l’accrochage, qui apparaît excessivement dense dans certaines salles.

DE CAILLEBOTTE À PICASSO

CHEFS-D’ŒUVRE DE LA COLLECTION OSCAR GHEZ, jusqu’au 15 juin, Musée Jacquemart-André, 158 boulevard Haussmann, 75008 Paris, tél. 01 45 62 11 59, tlj 10h-18h. Catalogue, éditions du Musée du Petit-Palais, Genève, 200 p., 45 euros.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°157 du 25 octobre 2002, avec le titre suivant : Ghez, les fruits d’une passion

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