Marion Lachaise

Le Journal des Arts

Le 22 novembre 2002 - 607 mots

À l’occasion de son exposition à la galerie Anton Weller, à Paris, Marion Lachaise a répondu à nos questions.

À l’origine de votre travail, se trouve Jolly Psykrine, un personnage que vous avez inventé. Pouvez-vous nous la présenter ?
J’avais écrit, en 1994, un texte sur le thème de la première fois et je me suis rendu compte que ce texte n’était pas destiné à être lu, mais à être dit. Je me suis demandée qui pouvait le dire. Cela ne pouvait être moi et, en même temps, cela ne pouvait pas être quelqu’un d’autre. Sans tomber dans le travestissement, j’ai posé des prothèses en pâte à modeler sur mes lèvres et sur mes sourcils. C’était moi avec un décalage par rapport à la réalité. Ainsi est née Jolly Psykrine. C’est une créature publique, qui se montre. Lors de ses premières apparitions, elle était habillée et douée de parole. J’ai développé par la suite l’aspect intérieur de la créature en partant d’avant sa naissance. Jolly Psykrine n’est pas un vrai personnage, c’est une femme-tronc, qui se morcelle pour mieux se constituer. L’aspect abstrait est fondamental. Je ne souhaite pas faire d’elle un personnage récurrent, comme dans une série. Je me suis intéressée à la constitution de sa genèse : qu’a-t-elle en dessous du bassin ? Comment se déplace-t-elle ? Et d’où vient-elle ?

Est-ce à partir de là qu’intervient Lokust, l’autre créature que vous présentez actuellement dans une vidéo à la galerie Anton Weller ?
Oui, j’ai créé Lokust en 1996. Elle m’a apporté une manière plus mentale d’aborder le corps, le visage et le regard. Elle est moins sexuée, presque androgyne. D’une manière générale, je ne vais jamais vers un personnage, c’est le “personnage” qui vient vers moi, qui s’impose. Ce qui me plaît le plus, c’est de considérer ces morceaux de personnes, Jolly Psykrine, Lokust, L’Arène, comme des créatures, et que chacune soit l’une des facettes de l’autre. Mais je ne vais jamais du côté de la fiction.

Pourquoi exposez-vous à nouveau cette pièce ?
C’est une vidéo que je montre depuis 1997 dans différents endroits. Cette fois-ci, je voudrais lui “régler son compte”, montrer ce qu’est réellement cette créature. Au début, Lokust était une bande vidéo
de neuf minutes, mais, petit à petit, j’ai réduit le film, enlevé desplans – notamment tous ceux qui provoquaient des émotions –, pour ne conserver que le visage et le regard et m’éloigner de la narration. C’est une manière un peu expérimentale de travailler,mais cette nouvelle exposition chez Anton Weller me donne l’occasion d’affiner le caractère de Lokust, d’isoler le sentiment qui l’anime depuis sa conception.

Cela explique-t-il le fait que vous présentiez dans un premier temps Lokust en vidéo, et ensuite, en installation vidéo ?
Comme je bénéficie de deux mois d’exposition, je préfère, plutôt que de montrer deux pièces différentes, présenter deux volets du travail Lokust. La première partie en dévoile seulement le film et met en avant le face-à-face avec le visage. La deuxième partie comprendra un film légèrement différent, et l’installation sera adaptée à la mise en espace. L’installation donne au visage un lieu, un moyen d’accès, un chemin, que ce soit en grand ou en miniature. Ces deux moments du travail révèlent deux éclairages distincts bien que communs à la constitution charnelle de Lokust. Ce qui m’intéresse dans ce moment précis de l’exposition, ce n’est pas de dévoiler l’intégralité du corps de Lokust, mais de montrer ce sur quoi elle repose.

Lokust est visible en version vidéo jusqu’au 10 décembre et sous sa forme d’installation jusqu’au 8 janvier, galerie Anton Weller, 57 rue de Bretagne, 75003 Paris, tél. 01 42 72 05 62.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°159 du 22 novembre 2002, avec le titre suivant : Marion Lachaise

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