Art déco

Cartes sur table

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 3 janvier 2008 - 619 mots

Le milliardaire américain Ronald Perelman et l’antiquaire parisien Jacques De Vos se livrent une bataille juridique féroce.

NEW YORK-PARIS - Depuis deux ans, une bataille juridique fait rage entre le milliardaire américain Ronald Perelman, propriétaire de la société de cosmétique Revlon, et l’antiquaire parisien Jacques De Vos, spécialisé dans l’Art déco. Cette procédure, relevant pour l’heure du litige commercial, risque de prendre une nouvelle tournure. Le Baer Faxt a ainsi révélé que Perelman avait intenté une action dite « RICO » arguant d’une série d’activités de racket en utilisant l’administration postale des États-Unis et ses services de télécommunications pour, entre autres choses, vendre et/ou proposer en vue de vente des marchandises contrefaites. La porte-parole de Perelman, Chris Taylor, a refusé de confirmer cette information, précisant toutefois que le Tribunal de New York allait enregistrer une nouvelle requête en janvier.

Une fausse table ?
Cette affaire très complexe débute à la fin de l’année 2004. Jacques De Vos envoie alors en présentation au décorateur de Perelman, Jack Anderson, neuf meubles pour une valeur d’environ un million de dollars. L’affaire semble conclue, mais en janvier 2005, le collectionneur accuse De Vos de lui avoir vendu en 1997 pour 350 000 francs une table de salle à manger attribuée à Ruhlmann et Dunand, laquelle se serait révélée fausse. Sur quoi l’antiquaire s’est-il fondé pour cette attribution ? « Le livre sur Ruhlmann de Florence Camard et quelques documents d’archives m’ont convaincu à l’époque », observe le marchand. Néanmoins, lorsqu’au cours du litige, De Vos demande son avis à Florence Camard, celle-ci déclare que le meuble ne peut être attribué à Ruhlmann. Perelman exigeant un remboursement, le marchand lui propose dès janvier 2005 deux à trois fois le prix d’achat. Fort de l’avis d’un spécialiste extérieur, le milliardaire affirme toutefois que cette table vaudrait un million de dollars si elle avait été bonne. Estimation que l’antiquaire juge irréaliste en se fondant, lui, sur l’opinion des experts Félix Marcilhac et Jean-Marc Maury, lesquels évaluent la table à environ 250 000 euros, dans le cas où elle aurait été attribuée à Ruhlmann et Dunand.
En janvier 2006, Perelman et deux de ses sociétés américaines introduisent une action civile à New York à l’encontre de la galerie Jacques De Vos, réclamant un million de dollars de dommages et intérêt et 20 millions de dollars de dommages dits « punitifs ». Le 4 août 2006, l’homme d’affaires ouvre une procédure en France et obtient en septembre la saisie conservatoire de biens meubles et du compte bancaire ainsi que le nantissement du fonds de commerce de la galerie, le juge évaluant alors la créance à 1,4 million d’euros. De Vos contre-attaque et obtient l’annulation de cette ordonnance. Perelman interjette appel, mais la cour d’appel statue le 31 mai 2007 en faveur de l’antiquaire.

L’affaire se corse
Si la procédure est close en France, elle bat encore son plein aux Etats-Unis. En juillet dernier, Jacques De Vos propose finalement – et en vain – de racheter la table pour 450 000 dollars, ce que le collectionneur refuse. Mais entre-temps, l’affaire s’est corsée. Perelman accuse le marchand de lui avoir proposé trois pièces litigieuses dans la liste qu’il lui avait soumise en 2004. Un spécialiste, Stewart Johnson, émet des doutes sur une table basse de Paul Dupré-Lafon, une commode en chêne et parchemin de Jean-Michel Frank & Chanaux et une table de salle à manger de Sornay. De Vos se défend, en précisant qu’il dispose de certificats pour les deux premiers meubles, la table de Sornay ayant été achetée pour sa part chez Tajan. Face au refus de Perelman de rendre ces neuf pièces, la galerie De Vos l’a assigné en novembre dernier pour obtenir une restitution de la marchandise. À suivre.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°272 du 4 janvier 2008, avec le titre suivant : Cartes sur table

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