Enchères

Prix de réserve, mensonge et vidéo

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 3 janvier 2008 - 715 mots

Christie’s annonce des ventes avec des lots « sans prix de réserve », qui en réalité en possèdent un caché. N’en déplaise aux enchérisseurs.

PARIS - Christie’s disperse régulièrement des lots annoncés « sans prix de réserve » dans ses catalogues de vente. La maison de ventes espère allécher les amateurs souhaitant acquérir le bien pour une somme modique, et que cette perspective, déclenchant le feu des enchères, pousse le prix des objets à un niveau le plus élevé possible. Elle fait même une large publicité de ces ventes « sans réserve », y compris sur son site Internet. Car le système vidéo de retransmission des ventes, Christie’s Live, permet d’attirer des acheteurs du monde entier qui peuvent enchérir en direct depuis leur ordinateur. Au catalogue de la vente Steinitz du 19 octobre à New York, il était précisé d’entrée, en rouge et en lettres capitales, que tous les lots dont l’estimation basse est égale ou inférieure à 15 000 dollars (environ 10 000 euros), seraient vendus sans réserve, soit un quart des lots de la vente. Sous chaque lot concerné, une phrase en rouge reprenait l’information. Malheureusement, cela n’a pas eu l’effet escompté car pour 24 des 30 lots proposés sans prix de réserve, le marteau est tombé à moins de la moitié des estimations basses, mécontentant sérieusement le vendeur. Pour la seconde partie de la trilogie Steinitz, présentée dans un somptueux décor de Juan Pablo Molyneux à Paris le 14 novembre, le catalogue de vente annonçait de la même façon que « tous les lots estimés jusqu’à 10 000 euros seront proposés sans prix de réserve » et la mention « sans prix de réserve » était répétée devant le numéro de chaque lot concerné, soit plus de la moitié des 143 lots de la vacation. Malgré cette annonce alléchante livrée au monde entier via Internet, 17 lots sans prix de réserve ont tout bonnement été ravalés, bien que quelques amateurs aient enchéri dessus. Cela a provoqué l’incompréhension et la colère d’enchérisseurs qui s’estiment trompés. En feuilletant les dernières pages du catalogue portant sur les conditions de vente, on peut cependant lire au chapitre « Prix de réserve » : « Les lots portant la mention « sans réserve » seront adjugés à la discrétion du commissaire-priseur ».

Publicité mensongère ?
Il existe donc bien des « réserves » concernant les lots « sans prix de réserve ». Cela ne constitue-t-il pas une forme de publicité mensongère ? Interrogé sur cette question, François Curiel, président de Christie’s France, nous a répondu : « Il est évident que la mention “sans prix de réserve” peut porter à confusion, puisque malgré cela l’objet peut demeurer invendu. Ceci est dû à une jurisprudence nationale abondante, qui fait référence au fait que le commissaire-priseur est tenu de ne pas vendre à “vil prix”. Cette notion de “vil prix” n’étant pas définissable, nous avons, au vu de cette jurisprudence, pris la décision de ne pas vendre un objet à moins de 50 % de son estimation basse, tout en laissant au commissaire-priseur une certaine latitude pour adjuger en dessous de ce seuil. » La notion de « vil prix » existe bien sur un plan légal en France. Mais comment Christie’s peut quantifier ce « vil prix » en fixant un seuil à 50 % de l’estimation basse de l’objet. Ce seuil devient une réserve, même s’il n’en a pas le nom. Et puisque la maison de ventes annonce par écrit expressément « sans réserve », ne doit-elle pas honorer sa promesse aux adjudicataires ? Enfin, si le vendeur constate que ses biens n’ont pas été vendus à une valeur raisonnable, n’est-ce pas à la maison de ventes de verser à ce dernier la différence entre l’estimation basse et le prix d’adjudication ? Le Conseil des ventes a été saisi de cette question.
En accord avec son vendeur, Christie’s n’a plus mis de lot « sans prix de réserve » dans le troisième volet de la vente Steinitz que l’on pouvait suivre en vidéo sur Christie’s Live, à Londres le 6 décembre. Le résultat a été lamentable : 40 % de lots vendus.

Le Goût Steinitz

- Spécialiste : Adrien Meyer - Résultat : 8,84 millions d’euros - Nombre de lots vendus/invendus : 233/179 - Lots vendus : 56,5 %

Le Goût Steinitz I, II et III (New York le 19 octobre, Paris le 14 novembre, Londres le 6 décembre).

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°272 du 4 janvier 2008, avec le titre suivant : Prix de réserve, mensonge et vidéo

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