La Syrie antique, terre d’échange et de passage

Le Musée national d’antiquités de Leyde livre une approche esthétique à l’art du Proche-Orient ancien

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 22 novembre 2002 - 714 mots

Pour évoquer l’histoire de la Syrie ancienne, le Musée des antiquités de Leyde n’a pas hésité à réunir quantité de pièces – bijoux, statues, bas-reliefs funéraires, tablettes d’argile –, allant de plusieurs milliers d’années avant J.-C. jusqu’au XVIe siècle. De ces objets d’une grande richesse, l’exposition ne retient malheureusement que l’aspect esthétique, espérant attirer un maximum de visiteurs.

LEYDE - De la Méditerranée aux rives de l’Euphrate, entre montagnes et déserts, la Syrie antique forme depuis le troisième millénaire avant notre ère un vaste territoire d’échange et de passage où les cultures des Juifs, Phéniciens, Araméens, Grecs, Romains et Arabes se sont mélangées. Pour évoquer cette période, le Musée des antiquités de Leyde (Rijksmuseum van Oudheden) accueille plus de six cents objets prêtés par une dizaine de musées syriens. Organisée par le Musée de la civilisation de Québec, au Canada, l’exposition a déjà été présentée en Suisse (Musée des antiquités de Bâle), au Canada et aux États-Unis (Wilmington Delaware, Museum Fernbank d’histoire naturelle à Atlanta). Pour sa part, le Musée hollandais n’a pas opté pour une scénographie du meilleur goût : installés sur des tissus satinés de couleurs vives (rose fushia, jaune fluo ou bleu turquoise), les objets se déploient selon un parcours rappelant l’intérieur d’une discothèque. Si, pour certains, cette installation nuit à la lisibilité des œuvres, Marlies Kleiterp, responsable du projet, se félicite de ce parti pris : “Je trouve le résultat très réussi. Il était intéressant de faire quelque chose de surprenant et de spectaculaire pour une exposition qui espère attirer plus de 100 000 visiteurs.” Plus grave, la carte géographique installée en début de parcours, présentant la Syrie comme le centre stratégique du Proche-Orient ancien, et les différents cartels jalonnant le parcours prêtent à confusion. En omettant de mentionner le rôle de la Mésopotamie (actuelle Irak) ou de l’Égypte, ils laissent croire au visiteur que la Syrie est le berceau de l’humanité, et présentent les Syriens comme les “Fondateurs de notre civilisation”, les “Maîtres de nos sciences”, les “Pionniers de notre économie” et les “Précurseurs de nos religions”, selon les thèmes ponctuant l’exposition.

Illustrer des objets
À ce sujet, les propos de Peter Akkermans, conservateur de la collection du Proche-Orient au musée, sont édifiants : “Nous voulons donner une image positive de la Syrie, trop souvent associée au désert, à la guerre, au terrorisme. Si les gens pouvaient, ne serait-ce que situer ce pays et lui associer de beaux objets, ce serait déjà très bien. Nous nous sommes volontairement concentrés exclusivement sur la culture syrienne.”

Plutôt que de réunir des œuvres à partir de données scientifiques, l’exposition se contente donc d’”illustrer des objets de Syrie”, comme le précise Peter Akkermans qui, depuis 1986, dirige chaque année des campagnes de fouilles archéologiques à Tell Sabi Abyad, au nord de la Syrie. Néanmoins, ces approximations n’enlèvent pas leur beauté aux objets présentés, tel un bijou en or, cuivre et lapis-lazuli à l’image de la divinité Anzu (aigle à tête de lion), datant de 2500 avant J.-C., les célèbres statues sculptées à l’effigie de riches donateurs (2500 av. J.-C.), une fresque provenant de la salle du trône d’un palais du roi Salmanasar, figurant deux dignitaires assyriens (750 av. J.-C.), ou encore un magnifique casque avec masque, en argent et en cuivre, porté par les cavaliers romains pendant les tournois et peut-être les combats (50 av. J.-C.). Diverses tablettes – dont certaines proviennent des fouilles menées par les Pays-Bas en Syrie – évoquent les richesses de l’écriture cunéiforme, utilisée pour établir une liste de portions alimentaires (2400 av. J.-C.), des exercices scolaires ou un rapport annuel sur un métal précieux (2300 av. J.-C.). Présenté avec son “enveloppe” d’argile, la tablette comprenant un texte juridique (1300 av. J.-C.) témoigne des pratiques anciennes pour garantir la validité des contrats : les documents importants étaient placés dans ce type d’”enveloppe” sur lequel était copié le même texte ; en cas de litige, le contenant était brisé pour accéder au contrat d’origine. Malgré ces pièces exceptionnelles, à trop vouloir plaire, le Musée des antiquités de Leyde semble être passé à côté de l’essentiel.

SOURCES D’INSPIRATION DE LA SYRIE ANCIENNE, jusqu’au 9 mars, Rijksmuseum van Oudheden / Musée national des antiquités, Rapenburg 28, Leyde, Pays-Bas, tél. 31 71 516 31 63, tlj 10h-18h, sauf 25 décembre et 1er janvier.

À lire : Maurice Sartre, La Syrie antique, éditions Découvertes/Gallimard, 2002, 159 p. ISBN : 2-07-076497-4.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°159 du 22 novembre 2002, avec le titre suivant : La Syrie antique, terre d’échange et de passage

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