Mario Botta, le neuf et l’ancien

Un entretien avec l’architecte suisse du musée de Rovereto

Par Alessandro Martini · Le Journal des Arts

Le 10 janvier 2003 - 613 mots

Architecte suisse, né à Mendrisio en 1943, diplômé de l’Institut universitaire d’architecture de Venise, Mario Botta, qui dirige aujourd’hui une agence à Lugano, a signé d’importantes réalisations internationales – la Banque du Gottard à Lugano (1988), le Museum of Modern Art de San Francisco (1995), et le Musée Jean-Tinguely à Bâle (1996).

À Rovereto, la rue Bettini s’étend entre les façades XVIIIe siècle du Palazzo Alberti et du Palazzo dell’Annona jusqu’à une place circulaire de quarante mètres de diamètre recouverte par une coupole vitrée. C’est ce “vide”? qui constitue le barycentre et l’image même du Musée d’art moderne et contemporain de Rovereto et Trente. Sa dernière création marie avec grâce le design contemporain et l’architecture ancienne. Mario Botta a répondu à nos questions.

Quelles sont les contraintes environnementales, culturelles ou politiques auxquelles vous avez dû répondre en Italie, et notamment à Rovereto ?
Le musée de Rovereto présente une double caractéristique : celle d’être à la fois une architecture nouvelle tout en cherchant à conserver le dialogue qui existait précédemment. Ceci implique une synergie qui met en valeur la “stratification historique” de manière diamétralement opposée à la pratique, aujourd’hui répandue et souvent défendue par la presse internationale, de la substitution de bâtiment, très en vogue aux États-Unis. Ce projet n’a dû se soumettre à aucune contrainte politique, mise à part l’approbation des différentes directions : mais le cheminement, notamment celui de la bureaucratie, a été très long. Ainsi, après le mandat reçu en 1989, et les trois versements pour atteindre le budget global de 87 millions d’euros, le chantier n’a pu débuter qu’en 1995.

Pouvez-vous nous parler des caractéristiques du plan et de la composition du nouveau complexe ?
Le Mart ne s’aligne pas sur la rue Bettini, très XVIIIe siècle. Mais, dans une volonté de “modestie”, il s’intègre à son environnement telle une cour intérieure cachée derrière le rideau formé par les bâtiments historiques. Le “ventre” du nouveau musée, qui n’a plus de façade ostentatoire, mais plutôt une âme, se manifeste en une place circulaire recouverte d’une grande coupole vitrée de quarante mètres de diamètre – comme le Panthéon à Rome. Un espace vide qui entend remplacer l’idée de plein. Derrière, le nouvel édifice est en revanche authentiquement moderne, conçu dans un langage qui ne concède aucun clin d’œil au passé. Puisque le musée est entièrement consacré à l’art contemporain, avec quelques espaces dédiés à l’art moderne, le problème fondamental vient de la lumière, qui n’est pas zénithale par hasard dans les salles du deuxième étage. Mais, de manière plus générale, il était essentiel de ne pas oublier que le musée est le lieu de la nouvelle spiritualité, où les gens viennent interroger les artistes. Après seulement, il devient un lieu de distraction et de “commerce”, sans jamais oublier ses valeurs fondatrices.

Que vous inspire le fait d’être l’un des rares architectes à avoir réalisé en Italie un musée “ex novo” ?
La conservation et la récupération du patrimoine et des bâtiments historiques, surtout dans le but de les exposer, a bien sûr une connotation positive : c’est ce qui a caractérisé la “manière italienne” dans les musées au XXe siècle. Mais l’art contemporain est rarement compatible avec les dimensions du passé. Nous avons justement dû faire face à cette nécessité ; et ce en dépit du fait, tout aussi indéniable, que le neuf met souvent l’ancien en valeur. Les musées sont chargés de symboles et de métaphores : des caractéristiques que ne peuvent fournir la simple restauration et le réaménagement d’édifices historiques ; souvent, ils ne réussissent pas à créer de “plus-value” qui aille au-delà de leur signification intrinsèque, au-delà des bâtiments eux-mêmes et de l’usage auquel ils étaient précédemment destinés.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°162 du 10 janvier 2003, avec le titre suivant : Mario Botta, le neuf et l’ancien

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