Au détour du texte

Beaubourg célèbre Roland Barthes

Par Olivier Michelon · Le Journal des Arts

Le 10 janvier 2003 - 534 mots

Mort accidentellement en 1980, Roland Barthes reste un référent majeur du paysage littéraire et artistique. En proposant une exposition autour d’un auteur dont l’œuvre a su embrasser un champ large, du théâtre à la photographie en passant par les “mythologies”? quotidiennes, le Centre Georges-Pompidou s’attache autant à Roland Barthes qu’à son époque. Les inconditionnels y trouveront nombre de fétiches, les novices seront poussés à la lecture.

PARIS - Si l’exposition sur un écrivain est devenu un classique du genre avec documents, manuscrits, éditions rares et autres incunables dans une scénographie apte à restituer un peu d’ambiance et de texte dans l’espace, la manifestation que consacre actuellement le Centre Georges-Pompidou à Roland Barthes est tout autre. “Homme de lettres”, Roland Barthes, disparu en 1980, est passé à la postérité comme une figure de l’ouverture et de l’interdisciplinarité. “Les vrais littéraires sont ceux-là mêmes que la littérature, à un moment, dégoûte, dépasse ou ennuie. Il leur faut, eux aussi, aller au fond de l’inconnu pour trouver du nouveau, et s’arracher transitoirement à leur passion pour la retrouver sous des formes apparemment antagonistes”, écrit Thomas Clerc dans le catalogue qui accompagne l’exposition. La remarque de l’universitaire concerne le rapport entretenu par le chercheur avec la science lors de ses années structuralistes, mais elle est également valable pour la musique, la photographie, le théâtre, la mode et autres domaines abordés par Barthes depuis ses premiers textes à la fin des années 1940 jusqu’à la Chambre claire, publiée en 1980.
De ces affinités, l’exposition peut aisément tirer un portrait du monde “de” et “selon” Barthes. L’évidence pour une personnalité qui a à la fois témoigné et fait son époque. Illustrés par des documents et objets (clou du spectacle, une vraie DS 19 !), les Mythologies, publiées à partir de 1952, disent ici davantage sur la France des années 1950, son idéologie de la croissance et du progrès (“La nouvelle Citroën”), sa bonne conscience (“Iconographie de l’abbé Pierre”), ses divertissements (“Le monde où l’on catche”) et son racisme ordinaire (le petit Bichon qui fait la sieste dans le casque colonial de son père) que sur le texte et la méthode même de Barthes. Quant à l’”Aventure structuraliste”, un des grands chapitres qui rythme le parcours, elle donne avec entrain grâce à un cédérom une définition des couples “signifiant”/“signifié”, “dénotation”/“connotation”, “paradigme”/“syntagme”, mais est surtout l’occasion d’un bref panorama de la production théorique des années 1960. Paradoxalement, la donne est tout autre pour l’art. La question de l’écriture domine et c’est elle qui relie les œuvres de Cy Twombly, Erté, Réquichot ou Masson, exposées ici après avoir attiré l’attention de Barthes. Quand il s’adonne à la peinture dans les années 1970, impossible de ne pas y voir un plaisir de l’écriture renouvelé autrement. Tout ne serait-il alors que détours ? Peut-être, et c’est sûrement la plus grande réussite de l’exposition : les inconditionnels y trouveront les fétiches (photographies inédites, bibliothèques) et une hagiographie qui tourne au mythe (le témoignage des anciens du séminaire), les novices ressortiront, eux, avec l’envie du texte.

ROLAND BARTHES, jusqu’au 10 mars, Centre Georges-Pompidou, gal. 2, niv. 6, Paris, tél. 01 44 78 14 63, tlj sauf mardi, 11h-21h, 11h-23h le jeudi, cat. 256 p., 32 euros, www.centrepompidou.fr/expositions/barthes

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°162 du 10 janvier 2003, avec le titre suivant : Au détour du texte

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