A Lyon, un art inuit

La dernière exposition du Muséum d’histoire naturelle

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 10 janvier 2003 - 759 mots

Près de cent cinquante sculptures et divers objets conservés au Musée d’art Inuit Brousseau, à Québec, ont été réunis au Muséum d’histoire naturelle de Lyon pour une grande exposition sur la culture inuit. Servies par une scénographie créative et vivante, les pièces immergent le visiteur dans une contrée qui s’étend du Groenland à l’Alaska.

LYON - Dans l’immensité du Canada arctique, vivent quelque 40 000 Inuit, dont l’identité propre, la langue et les coutumes ont été reconnues par l’État québécois à partir des années 1960. À travers des objets provenant du Musée d’art Inuit Brousseau, à Québec, le Muséum d’histoire naturelle de Lyon explore la vie sociale et économique de ce peuple du Grand Nord, son rapport à l’environnement, à la faune, son approche de la spiritualité. “Nous voulions avant tout montrer la vivacité de la culture inuit. Les cultures ne doivent pas être perçues de manière folklorique ou exotique, mais présentées dans le dynamisme des sociétés. C’est pour nous l’occasion de décrire la complexité d’un monde”, explique Michel Côté, directeur du Muséum. À l’instar de ses précédentes expositions –“Chefs-d’œuvre et quoi encore…” à Lyon, ou “Mali Kow” à La Villette –, le Muséum bat en brèche les idées reçues, grâce à une scénographie particulièrement inventive. Bercé par le bruit du vent, le visiteur est accueilli par les visages grimaçants et moqueurs de personnages sculptés dans des os de baleine. Installés sur des cimaises bleues et blanches, faisant allusion au froid polaire, des cartes, sculptures et objets du quotidien accompagnés de textes explicatifs et de vidéos donnent au spectateur des repères géographiques et historiques. Formant une transition avec les espaces suivants, l’intérieur d’un habitat contemporain inuit a été reconstitué. Loin du traditionnel igloo dans lequel vivraient plusieurs familles d’”esquimaux”, il s’agit d’une maison équipée “tout ce qu’il y a de plus moderne”. Il est possible de s’y asseoir pour suivre à la télévision les témoignages d’Inuit, qui expriment leur difficulté à vivre dans les espaces cloisonnés des grandes villes canadiennes, là où “les arbres cachent la vue” et où se trouvent “trop d’immeubles et de ciment”.

La famille au sens large
À l’image de Couple au travail (1987), de Jacob Ishulutaq, ou Mère et enfant (2001), de Kellypalik Qimirpik, nombre de sculptures attestent de l’importance de la famille. Un Inuk (Inuit au singulier) est considéré comme ila, c’est-à-dire comme faisant partie d’un tout, un terme qui s’applique aux parents unis par les liens de consanguinité, mais aussi aux hommes chassant ensemble, à des partenaires de chants ou de compétitions. Installée parmi les sculptures, une petite vidéo diffuse des images tournées récemment : hilare, une femme, de retour de Paris, caricature les tics de langage des Français, surnommés les “ui-ui” parce qu’ils disent tout le temps “oui”, ou les “bécoteurs”, parce qu’ils donnent “l’impression qu’ils vont vous embrasser dès qu’ils parlent”. Là encore, la situation semble s’inverser, et le visiteur est incité à réfléchir sur l’idée qu’il se fait de l’”autre”. Sont ensuite évoqués des problèmes comme l’alcoolisme ou encore le suicide, auquel fait directement allusion la sculpture Autodestruction (1995) de Manasie Akpaliapik, une tête en souffrance dont l’âme s’échappe par l’œil. Le voyage se poursuit au premier étage, où sont présentées différentes statues figurant des caribous, des ours blancs, des bœufs musqués ou des animaux du monde marin, puis les figures des chamans, d’êtres surnaturels  ou d’esprits des éléments, autour desquels s’organisent la vie spirituelle. La fin de l’exposition donne à voir les créations de Manasie Akpaliapik, Judas Ullulaq, Barnabus Arnasungaaq, Lucy Tasseor Tutsweetok et Mattiusi Iyaituk, exposées en tant qu’œuvres d’art et non plus pour servir un discours ethnologique. “Il est important de montrer que l’art inuit n’est pas seulement un art de représentation sociale, mais aussi un art à part entière”, précise Michel Côté. Le dernier espace, la “zone découverte”, est réservé aux enfants, qui peuvent, grâce à des installations ludiques, se familiariser avec la langue inuit ou découvrir des jeux gutturaux pratiqués lors de fêtes. Tout au long de l’exposition a d’ailleurs été imaginé un parcours pour le jeune public, avec des objets spécifiques disposés selon un jeu de piste. “Inuit” est la dernière grande exposition du Muséum de Lyon, qui fermera ses portes à l’automne 2003 pour rouvrir l’année suivante, après de grands travaux, sous le nom de Musée des cultures du monde (lire le JdA n° 160, 6 décembre 2002).

INUIT, QUAND LA PAROLE PREND FORME, jusqu’au 18 mai, Muséum d’histoire naturelle de Lyon, 28 boulevard des Belges, 69006 Lyon, tél. 04 72 69 05 00, tlj sauf lundi, 10h-18h. Catalogue, 144 p., 33 euros.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°162 du 10 janvier 2003, avec le titre suivant : A Lyon, un art inuit

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