L’art ancien se fait rare

Les ventes de décembre à Londres sont remises en cause

Le Journal des Arts

Le 24 janvier 2003 - 991 mots

Malgré la pénurie de peintures anciennes dignes d’intérêt proposées aux enchères à Londres au mois de décembre, les auctioneers ont réalisé des résultats honorables, surtout en valeur. Ces chiffres sont plutôt rassurants, d’autant qu’à la suite de leur procès pour entente sur leurs tarifs, Christie’s et Sotheby’s se voient dans l’obligation de réduire leurs coûts d’exploitation en revoyant à la baisse les budgets prévus pour la publicité et pour l’obtention d’œuvres destinées à la vente.

LONDRES - Les œuvres de qualité n’étaient pas réellement au rendez-vous des ventes de peintures anciennes qui se sont tenues en décembre à Londres. Alors que les lots de grande valeur se sont bien vendus, l’offre des tableaux moins importants n’a motivé que peu d’enchérisseurs, ce qui laisse penser que de nombreux marchands traversent actuellement une période difficile et ne renouvellent pas leur stock. Bien qu’ils aient fait le déplacement, les professionnels italiens ont peu acheté.
Deux œuvres seulement ont dépassé la barre du million de livres sterling. Chez Christie’s, Rustres dans une taverne, scène de genre d’Adriaen van Ostade, est parti à 1,051 million de livres sterling (1,620 million d’euros) contre une estimation de 300 000 à 500 000 livres (460 000 à 770 000 euros). Cette œuvre, datant de 1661, est non seulement l’une des plus belles de l’artiste, mais elle est par ailleurs dotée d’une provenance irréprochable. Après avoir appartenu au XVIIIe siècle au célèbre collectionneur d’Amsterdam Gerrit Brammcamp, la peinture s’est retrouvée entre les mains d’Alexander Baring, premier lord d’Ashburton, pour finir adjugée à un enchérisseur anonyme par téléphone.
Chez Sotheby’s, Paysage avec scène de chasse, de Philips Wouwerman, a trouvé acquéreur à 1,1 million de livres sterling (1,7 million d’euros, estimation de 923 000 euros à 1,23 million d’euros), établissant un nouveau record pour l’artiste. Ce tableau, peint sur cuivre – ce qui est très rare chez Wouwerman – est un véritable petit bijou en parfait état de conservation. Il appartient à un lot de quatre tableaux récemment acquis auprès du marchand Robert Noortman et mis en vente par un collectionneur unique. Il a finalement été adjugé à un enchérisseur par téléphone. Deux des autres tableaux Noortman, une marine de Van de Velde avec une estimation impressionnante de 615 000 à 923 000 euros, et une vue de rivière de Van Goyen estimée 460 000 à 615 000 euros, sont restés invendus. Le quatrième tableau était un Jan Davidsz de Heem, qui a péniblement dépassé son prix de réserve, adjugé 314 659 livres sterling (483 991 euros).
Toujours chez Sotheby’s, l’exquise nature morte aux fleurs de Rachel Ruysch, l’une des rares artistes femmes du début du XVIIIe siècle, a attisé les convoitises. L’œuvre, en parfait état de conservation, provient d’une famille de la noblesse belge et a trouvé acquéreur à 666 650 livres sterling (1 025 405 euros). Le tableau, qui correspond parfaitement au goût actuel du marché, a été adjugé au marchand Richard Green.
N’ayant pas réussi à acquérir le Wouwerman, Johnny van Haeften a emporté un Salomon van Ruysdael récemment arrivé sur le marché, Paysage de rivière, conservé dans la même famille depuis 1927. L’œuvre a dépassé son estimation haute pour partir à 292 650 livres sterling (450 138 euros). Johnny van Haeften a également acheté un joyau de Paul Bril, Cadmus et le Dragon, petit panneau de cuivre de 13,5 x 10 cm. Propriété depuis le XVIIIe siècle de la famille du comte de Bradford, qui le conservait à Weston Park, il a fait l’objet de repeints grossiers malgré un apparent bon état de conservation.
Le petit format d’Ambrosius Bosschaert présenté chez Christie’s, une composition florale sur cuivre, est resté invendu, mais un Hondecoeter jamais restauré ni nettoyé et en bon état de conservation, provenant d’une vieille collection anglaise, s’est vendu 111 150 livres sterling (170 965 euros), bien au-delà de son estimation de 30 000 à 50 000 livres sterling (46 à 77 000 euros).
Peu d’œuvres italiennes ont retenu l’attention. Une peinture académique intéressante de Giorgio Vasari, Une allégorie de la foi, exécutée pour le plafond du Palazzo Corner-Spinelli, est restée invendue, notamment en raison de son format et du sujet traité. Les vedute, en revanche, se sont bien vendues. Chez Christie’s, un Guardi aux effets atmosphériques de l’entrée du Grand Canal, qui partait d’une estimation très basse en raison de son état moyen de conservation, a été adjugé 798 650 livres sterling (1 215 000 euros) à un collectionneur privé présent dans la salle. La Vue du Tivoli de Vanvitelli est une énigme puisque le tiers supérieur de la toile, soit les deux tiers du ciel, est un rajout ultérieur. Cette jolie vue panoramique, réalisée par le père de la peinture de ”vue italienne”, a tout juste dépassé son estimation basse et a été adjugée 325 650 livres sterling (500 897 euros).
Chez Sotheby’s, la vue panoramique de la baie de Naples, de Joli, montrant la procession royale vers Piedigrotta, est partie à 468 650 livres sterling (720 852 euros).
La peinture de Zurbarán figurant deux anges, présentée chez Christie’s et provenant d’une collection privée espagnole, a été ignorée, car, selon une rumeur dans la salle, l’œuvre aurait été l’objet d’un travail d’atelier. Amour inégal, de l’artiste autrichien Johann Georg Platzer, composé de deux petits panneaux de cuivre très décoratifs, œuvre parfaitement conservée, a été adjugée 199 150 livres sterling (306 322 euros) à un acheteur anonyme, bien au-delà de son estimation.
Le plus gros problème auquel doit faire face le marché de la peinture ancienne, qui compte un trop grand nombre d’acteurs, reste donc le manque d’œuvres de qualité tandis que les collectionneurs deviennent toujours plus exigeants. Les ventes de New York étant programmées en janvier, soit immédiatement après celles de Londres, il semblerait que les vendeurs aient décidé de bouder l’Angleterre en faveur des États-Unis. Il est donc probable que nous nous dirigions vers un calendrier annuel de deux et non plus quatre ventes : New York en janvier et Londres en juillet.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°163 du 24 janvier 2003, avec le titre suivant : L’art ancien se fait rare

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