Un hommage éditorial à Marly, le "second Versailles"

Vincent Maroteaux signe un ouvrage sur le château conçu par Jules Hardouin-Mansart et aujourd’hui disparu

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 24 janvier 2003 - 810 mots

Construit à la gloire du Roi-Soleil et rasé au début du XIXe siècle, le château de Marly continue de faire rêver historiens de l’art, architectes et chercheurs. Les éditions Vögele consacrent un nouvel ouvrage à ce lieu mythique, surnommé le “second Versailles�? par Mme de Maintenon.

“Vous ne sauriez croire combien cette maison de Marly est agréable : la Cour y est, ce me semble, tout autre qu’à Versailles ; il y a peu de gens et le Roi nomme tous ceux qui l’y doivent suivre […]. Le Roi même y est fort libre et caressant. On dirait qu’à Versailles il est tout entier aux affaires et qu’à Marly il est tout à lui et à son plaisir”, écrivait Racine, invité à Marly pour la première fois en 1687. Installé à la lisière du domaine de Versailles, le château de Marly fut construit pour la fête et le divertissement de Louis XIV. À travers un ouvrage abondamment illustré, Vincent Maroteaux, archiviste-paléographe et conservateur en chef du patrimoine, s’est penché sur cet étonnant exemple de l’architecture française. Vers 1678, à l’époque où Versailles connaît son extension définitive, le roi décide d’établir un nouveau château dans un vallon entre Louveciennes et Marly. Il choisit le jeune architecte Jules Hardouin-Mansart (qui avait déjà travaillé pour Versailles) comme maître d’œuvre. Pour augmenter l’étendue des bâtiments sans donner trop d’importance au château, ce dernier opte pour une solution originale : vingt-quatre petits pavillons disséminés autour du château – douze encadrant la place, les autres disposés sur deux lignes de part et d’autre des terrasses – au lieu du plan en “U” habituel. Autres éléments éloignant un peu plus l’édifice de la tradition architecturale française : le plan du pavillon royal centré autour d’un grand salon à l’italienne, ainsi que le décor des façades, réalisé à la fresque dans des couleurs très vives. “Il y a quelque chose à Marly d’assez incongru sous nos climats, quelque chose d’un décor de théâtre, une essence éphémère qui a sans doute contribué à son abandon final et à sa destruction”, explique Vincent Maroteaux. Pour l’auteur, il ne fait aucun doute que “lorsqu’on découvre le caractère si particulier de Marly, c’est à l’Italie, évidemment, que l’on pense”.

“Le château mérite mieux que l’oubli”
Après avoir rappelé les grandes étapes de sa construction, Vincent Maroteaux détaille les différentes composantes du château, promène le lecteur depuis les Appartements du roi, situés dans le Pavillon du soleil, jusqu’aux cascades des jardins, en passant par les nombreux petits Pavillons du zodiaque, chacun dédié à une divinité du Panthéon romain ou à une allégorie. Les descriptions de l’auteur sont accompagnées de diverses œuvres, comme les dessins imaginés par Le Brun pour le décor du pavillon Minerve, un plan du château à la fin du règne de Louis XIV, ou L’Été, tableau peint par Louis de Boullogne le Jeune. Une attention particulière est accordée aux jardins de Marly attribués tantôt à Hardouin-Mansart, tantôt à Le Nôtre. Pour l’auteur, il s’agirait plutôt de Mansart, “tant l’espace est tout entier pensé autour du bâti”. Les jardins ne sont exécutés que tardivement et, de 1690 à 1694, seuls quelques petits aménagements sont réalisés. En 1697, une cascade est construite dans l’allée centrale tracée à travers le bois, tandis que, situé entre cet immense escalier d’eau et le château, le bassin en demi-lune est décoré de sculptures figurant des chevaux, des marins, des griffons ou des chimères. Ces derniers annoncent la statuaire monumentale qui voit le jour en 1699, avec des pièces comme Mercure et La Renommée chevauchant Pégase, d’Antoine Coysevox.
Les deux derniers chapitres sont dévolus au déclin de Marly au XVIIIe siècle et à sa disparition au XIXe. Dès la mort de Louis XIV, le duc d’Orléans, devenu Régent de France, ramène la cour à Paris : Marly se vide, perd ses crédits d’entretien et se dégrade rapidement. Après l’abolition de la monarchie, le 10 août 1792, le mobilier est vendu, les sculptures dispersées, les parties d’or ou d’argent fondues en pièces de monnaie, et les bâtiments sont abandonnés. Alexandre Sagniel se porte finalement acquéreur de l’édifice qu’il transforme en filature et fabrique de draps avant de le dépecer pièce par pièce, pressé par des besoins d’argent. Tout est démonté : bâtiments, terrasses, perrons, pavés, conduites. En 1924, à la demande de la Société des amis du Vieux-Marly, le paysagiste Duchêne remet le domaine en état et réinstalle une partie de l’ancien décor sculpté. Huit ans plus tard, il est classé au titre des sites et affecté à l’administration des Beaux-Arts. Mais le résultat reste “bien en deçà des ambitions initiales”, selon Vincent Maroteaux, pour qui “ce qui fut l’autre palais du Soleil mérite mieux que l’oubli, ou qu’une attention distraite…” À quand un musée dédié à Marly, le “second Versailles” ?

Vincent Maroteaux, Marly, l’autre Palais du Soleil, Vögele édition, Genève, 2002, 255 p., 48 euros. ISBN 3-9522154-4-9.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°163 du 24 janvier 2003, avec le titre suivant : Un hommage éditorial à Marly, le "second Versailles"

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