Changement de décor

Esquisses et dessins préparatoires exposés à Versailles

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 24 janvier 2003 - 794 mots

Présentée dans l’appartement de Mme de Maintenon au château de Versailles, une sélection d’une trentaine de dessins
et d’esquisses évoque la conception et la réalisation des grands décors peints – plafonds, marbres, boiseries, glaces – commandés par Louis XIV pour Versailles.

VERSAILLES - Le château de Versailles conserve un riche ensemble de décors peints pour les Grands Appartements, la galerie des Glaces, les salons de la Guerre et de la Paix (réalisés dans les années 1670-1680), et pour la chapelle (début du XVIIIe siècle). Les esquisses et dessins préparatoires de ces grands décors furent exécutés, pour la majorité, sous la responsabilité de Charles Le Brun, premier peintre du roi, chargé de glorifier la royauté sur les plafonds et les voûtes. Une trentaine de ces œuvres préparatoires sont exposées dans l’appartement de Mme de Maintenon, à Versailles. “Nous avons de profondes lacunes en France. Contrairement aux grands décors italiens [cf. ceux du palais Pitti à Florence ou du palais Barberini à Rome], les grands décors français du XVIIe siècle ont été très peu étudiés. Pour la galerie des Glaces, par exemple, il n’existe aucune monographie. Cette manifestation suscitera peut-être des études et publications plus ambitieuses à l’avenir”, note Nicolas Milovanovic, commissaire de l’exposition et conservateur au Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon. Le travail de Le Brun était d’abord soumis à la surintendance des Bâtiments – dont Colbert a eu la charge à partir de 1664 avant de céder la place en 1683 au marquis de Louvois –, puis au roi. Ils n’hésitaient pas à refuser les dessins et esquisses, en particulier le marquis de Louvois, auquel se heurtait régulièrement Le Brun. Les premières salles sont ainsi consacrées aux compositions rejetées, comme le Projet sur le thème d’Hercule pour la voûte de la galerie des Glaces, remarquablement bien conservé. Louis XIV lui préféra le projet des conquêtes royales, où il apparaissait en personne et non sous la forme d’un héros mythique. Longtemps attribué à Le Brun, le dessin est, en réalité, de la main de Claude III Nivelon, un des collaborateurs et biographes du maître. “La sécheresse et la précision du trait, s’opposant au style fougueux de Le Brun, les draperies sinueuses ou cassées, la forme particulière des visages avec des points plus épais pour les yeux et la bouche, les extrémités des membres dessinés sous la forme de petits cercles, permettent d’affirmer qu’il s’agit bien de Nivelon”, précise Nicolas Milovanovic. Les Comptes des Bâtiments attestent d’ailleurs que plusieurs artistes, tels François Francart ou Guillaume Angier, ont “mis au net” les dessins de Le Brun pour les grands décors.

De grandes restaurations à venir
“L’exposition devrait permettre d’approfondir notre connaissance d’artistes moins reconnus comme Nivelon, mais aussi François Verdier, qui ont étroitement travaillé avec Le Brun”, se félicite le commissaire. Mais, malgré une meilleure connaissance des différents dessinateurs de l’atelier de Le Brun, de nombreux problèmes d’attribution demeurent. Ainsi de la feuille La France donne la paix à l’Europe, réservée au panneau central du plafond du salon de la Paix, dont l’auteur reste inconnu. Quant à l’Allégorie du passage du Rhin par l’Armée royale le 12 juin 1672 de Michel II Corneille, probablement destinée à une lunette ou une voussure dans un plafond, on ignore aujourd’hui encore si le décor a vu le jour. Les œuvres présentées évoquent différentes facettes du travail de Charles Le Brun, dont l’inspiration rubénienne est visible dans la composition de La Chute des anges rebelles, projet pour un décor jamais entrepris.
D’autres esquisses, telles Bellone en fureur, L’Allemagne défaite et La Hollande défaite, montrent que l’artiste était autant à l’aise dans de petits formats que dans les toiles monumentales. Exposés côte à côte, son dessin préparatoire et son esquisse de La Seconde Conquête de la Franche-Comté illustrent au mieux la genèse de la conception des grands décors. Plus dynamique que l’esquisse et le décor final, le dessin représente Louis XIV debout sur un rocher venant au secours de la figure allégorique de la Franche-Comté. Dans l’esquisse, en revanche, la figure royale est totalement immobile et se détache très nettement du reste de la composition.
Cette exposition inaugure une série de grandes restaurations du château : celle de l’antichambre de la Reine, qui a commencé en novembre 2002, sera suivie par la rénovation de la galerie des Glaces. En début de parcours est diffusé un film sur le chantier actuellement en cours dans le salon des Nobles de l’appartement de la Reine. Les images soulignent la fragilité des grands décors et leur délicate conservation.

LES GRANDS DÉCORS PEINTS DE LOUIS XIV

Jusqu’au 9 mars, château de Versailles, 78 000 Versailles, tél. 01 30 83 78 01, tlj sauf lundi et jours fériés, 9h-17h30 (l’exposition est incluse dans la visite des Grands Appartements). Catalogue, éd. Actes Sud, 72 p., 15 euros.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°163 du 24 janvier 2003, avec le titre suivant : Changement de décor

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