La doyenne des revues d’art s’éteint

Propriété des Wildenstein, la \"Gazette des Beaux-Arts\" cesse de paraître

Le Journal des Arts

Le 24 janvier 2003 - 685 mots

Doyenne des revues d’art, la Gazette des Beaux-Arts cesse de paraître. Dirigée par la famille Wildenstein depuis 1929, cette revue bilingue était une référence dans le monde entier. Elle n’a pas survécu longtemps à la mort de Daniel Wildenstein, le 23 octobre 2001, qui fut son directeur et mécène pendant près de quarante ans. Ses fils, Alec et Guy, n’ont pas souhaité continuer à financer la revue.

PARIS - “Grâce à l’appui accordé par ses fils [Guy et Alec Wildenstein] qui ont repris le flambeau, c’est à moi qu’il revient de présenter ce numéro que nous avons préparé, mes collaboratrices et moi-même, avec un soin vigilant où se mêlent le regret et la tristesse, mais la Gazette continue, comme l’a voulu son précédent directeur [Daniel Wildenstein], qui suivait son existence et sa destinée avec sollicitude”, écrivait le rédacteur en chef François Souchal dans le numéro d’octobre 2002 de la Gazette des Beaux-Arts. Deux mois plus tard, Guy Wildenstein annonçait à ses lecteurs la fin de la publication : “Avec lui [D. W.] se tourne une page de la revue, dont la dernière sera celle de décembre 2002. Force est de constater que la Gazette n’était plus adaptée aux exigences économiques de notre temps.”
Créée en 1859 par le critique d’art Charles Blanc, la Gazette était la doyenne des revues d’art françaises. D’illustres directeurs d’édition (Édouard André et sa femme Nélie Jacquemart, Charles Éphrussi, Théodore Reinach, etc.) et des écrivains célèbres (à l’image de Proust) contribuèrent à la renommée de ce mensuel réputé pour la diversité et le sérieux de ses analyses. “Dans tous les champs de l’histoire de l’art, de celui de l’attribution à celui de l’iconographie, dans tous les domaines, de l’Asie à l’impressionnisme, la Gazette des Beaux-Art a brillé. Elle fut de tout temps internationale, pluridisciplinaire et souvent novatrice. La Chronique des Arts qui l’accompagnait informait intelligemment le lecteur”, note Pierre Rosenberg, dans notre partenaire éditorial Il Giornale dell’Arte du mois de janvier 2003. Rachetée par le marchand d’art et grand collectionneur Georges Wildenstein en 1929, la revue fut dirigée, à sa mort en 1963, par son fils Daniel, qui la pilota à son tour pendant près de quarante ans. Licencié ès lettres et diplômé de l’Institut d’art et d’archéologie, ce spécialiste de Fragonard, Manet ou Monet fut, de 1956 à 1962, simultanément directeur des expositions du Musée Jacquemart-André à Paris, de l’Institut de France et du Musée de Chaalis, dans l’Oise. En 1970, il fonda avec sa sœur Miriam Pereire la Fondation Wildenstein (devenue en 1984 The Wildenstein Institute), véritable référence en matière d’ouvrages scientifiques et en particulier de catalogues raisonnés d’artistes (Gauguin, Van Dongen, Vlaminck, Pissarro, Utrillo…). À l’origine de nombreuses actions de mécénat (prix Georges-Wildenstein pour les jeunes artistes de la Casa Velázquez, prix Florence-Gould destiné à l’Académie des beaux-arts), il contribua également, par des dons anonymes, à l’enrichissement des collections publiques françaises. Son décès, le 23 octobre 2001, plus que le déficit chronique de la Gazette, semble être à l’origine de l’arrêt de la publication. “Les deux fils de Daniel Wildenstein, Alec et Guy, ont estimé qu’ils ne pouvaient plus tenir à bout de bras la revue, qui leur coûtait cher. Ce sont les aléas du mécénat privé”, confie François Souchal. Il semble cependant que cette décision n’aurait jamais été prise par Daniel Wildenstein qui, comme le rappelle la Gazette d’octobre 2002, était très attaché à la revue. À l’inverse de la plupart des magazines d’art, la Gazette ne comprenait aucune publicité – un choix éditorial remontant à l’époque de Georges Wildenstein. Exclusivement financée par la famille, elle tirait à environ 1 500 exemplaires (à raison de 10 numéros par an) et avait pour principaux abonnés antiquaires, collectionneurs, musées et bibliothèques. Sa disparition brutale a entraîné le licenciement de François Souchal, qui fut son rédacteur en chef pendant quinze ans, et de ses six collaboratrices. Des employés auraient également été remerciés à l’Institut Wildenstein. D’après nos informations, Guy Wildenstein, directeur de la publication de novembre 2001 à décembre 2002, n’aurait pas l’intention de revendre le titre. Par ailleurs, la Gazette pourrait renaître aux États-Unis, sous la forme d’un trimestriel.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°163 du 24 janvier 2003, avec le titre suivant : La doyenne des revues d’art s’éteint

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