Paroles d’artiste

Francis Baudevin

Par Anaïd Demir · Le Journal des Arts

Le 7 février 2003 - 559 mots

L’œuvre picturale aux accents graphiques et géométriques de l’artiste Suisse Francis Baudevin s’inspire des emballages de produits industriels. À l’occasion de son exposition personnelle à la galerie Art:Concept, à Paris, il répond à nos questions.

Que présentez-vous à la galerie Art:Concept ?
Outre de nouvelles peintures, je présente une œuvre murale issue du tableau graphique des services et tarifs d’une entreprise de téléphonie mobile. Il y a une projection – tout d’abord un motif implosé, et ensuite le sigle peu connu de la firme Tupperware –, avec un mouvement de va-et-vient entre la salle d’exposition et l’espace d’accueil de la galerie. Et enfin, une petite pièce comprenant deux boîtiers de cassette vidéo (concerts du groupe New Order), dont le dos s’est mis à craqueler à la façon d’une peinture (un Mondrian).

Que signifie le titre de l’exposition : “Guess who I saw in Paris ?” [Devine qui j’ai vu à Paris ?]
C’est le titre d’une chanson de Buffy Sainte-Marie, une chanteuse folk. C’est peut-être une idée provinciale : celle de croiser une célébrité du monde du spectacle, de la politique. Un jour, j’ai aperçu Vanessa Paradis sur un tournage dans le Marais, à Paris, et elle m’a souri ! Les vedettes se rendent-elles aux vernissages ?...

Comment en êtes-vous venu à détourner les emballages, notamment pharmaceutiques, pour en faire des tableaux abstraits ?
Je ne les détourne aucunement. Je prélève tout du moins le texte du motif, puisqu’il se retrouve partiellement dans le titre. J’essaie d’être le plus fidèle possible à l’emballage (couleurs, proportions). Et ce sont souvent les contraintes commerciales – typographie, marques, mises en garde – qui organisent les compositions différemment des règles mises en pratique lors de l’élaboration d’un tableau géométrique.

En quoi tous ces packages vous inspirent-ils ?
C’est cette singularité, leurs qualités approximatives qui me conseillent le choix de tel ou tel emballage. Une sorte d’abstraction Canada Dry, ce soda dont la publicité à la fin des années 1970 annonçait : “C’est doré comme l’alcool, ça a le goût de l’alcool, mais ce n’est pas de l’alcool.”

L’abstraction fait un retour depuis l’entrée en jeu du graphisme informatique et des cultures électroniques. Quant à la Suisse, elle a toujours montré un grand engouement pour l’abstraction géométrique. Comment l’expliquez-vous ?
Le graphisme new wave des années 1980 était déjà très emprunt de géométrie, avec notamment les productions du label de musique Factory Records, et avec une constance inébranlable dans le graphisme suisse ! L’art concret et, somme toute, son équivalent la musique concrète, sont des pratiques qui se révèlent de bonnes instances pédagogiques et créatrices. Cependant, mon propos diffère de ce projet, en ceci qu’il ne préconise pas la mise en place d’une esthétique d’abstraction, mais considère plutôt celle de l’influence de ces modèles géométriques dans notre quotidien.

Vous sentez-vous plastiquement proche de ce que l’on nomme les cultures électroniques (musique, graphisme...) ?
Le graphisme associé à la musique, principalement les pochettes de disques, me passionnent. J’ai d’ailleurs une petite chronique dans le magazine musical Vibrations, intitulée “Un disque par sa pochette” et écrite avec Emmanuel Grandjean. Je voudrais surtout citer la pochette du premier album de Alternative TV : “The image has cracked ?” [“L’image s’est fendue ?”] Là-dessus, il y a résumé les trente dernières années de l’art contemporain !

Galerie Art:Concept, 16 rue Duchefdelaville, 75013 Paris, tél. 01 53 60 90 30, jusqu’au 22 février.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°164 du 7 février 2003, avec le titre suivant : Francis Baudevin

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