Une vente test pour le mobilier classique

La SVV Jorom-Derem dispersera le 28 février à l’hôtel Drouot un ensemble exceptionnel

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 21 février 2003 - 826 mots

Le marché du mobilier classique ne semble pas au mieux. Cette tendance est difficile à vérifier alors que les ventes parisiennes restent disparates et hétérogènes en qualité. La dispersion de meubles d’exception le 28 février à Drouot par la SVV Jorom-Derem devrait faire office de baromètre.

PARIS - Le secteur du mobilier XVIIIe siècle souffre-t-il plus qu’un autre de la récession et de la morosité ambiante qui règne depuis déjà longtemps sur les marchés financiers ? Ou bien, lorsque quelques fleurons du genre sont livrés à l’encan, le marché se délecte-t-il de ces trouvailles parfois auréolées d’un nouveau record ? La vente du 28 février organisée à Drouot par la SVV Jorom-Derem devrait apporter des éclaircissements à ces interrogations : les lots sélectionnés y sont particulièrement alléchants et prudemment estimés. Aussi, cette vacation semble idéale pour donner des indications sur la santé de ce marché.
Plusieurs lots devraient attirer les amateurs, à commencer par une rare et large console en arbalète, d’époque Régence, vers 1720, estimée 90 000-120 000 euros. Elle est en bois sculpté laqué vert sur des contre-fonds jaunes et, outre son décor de rinceaux feuillagés et de coquilles, la ceinture présente trois masques sculptés dont deux de Bacchus et un de Renommée. “Cette pièce est extraordinaire par sa taille hors norme [largeur : 207 cm, hauteur : 81 cm et profondeur : 79 cm], commente l’expert Guillaume Dillée. La ceinture, chantournée de sculptures, est fabuleuse et le plateau de marbre Sarrancolin est d’origine, tout comme la structure, qui n’a subi aucune restauration. Les meubles peints étant extrêmement recherchés aujourd’hui, on peut s’attendre à un très gros prix.”

De rares commodes
Aux numéros 146 et 147 du catalogue sont enregistrées deux importantes commodes “à pont” en placage d’écaille brune et cuivre à décor de rinceaux fleuris et feuillagés, à riche ornementation de bronzes ciselés et redorés, d’époque Régence (vers 1720-1730), attribuées à Noël Gérard et estimées 180 000 à 230 000 euros chacune. “Alors que l’on voit rarement ce modèle de commode, il en tombe deux d’un coup ! s’exclame l’expert. Elles sont d’un style galbé Louis XV mais habillées de marqueterie Boulle (d’époque Louis XIV), un style qui a demeuré au goût du jour durant tout le XVIIIe siècle.” Une autre commode pourrait créer la surprise : un modèle galbé d’époque Louis XV, en placage de bois indigène à décor de larges bouquets de fleurs et feuillages sur des fonds d’amarante et contre-fond de bois de rose. “Elle est estampillée Félix, mais le modèle, avec ce type de bronzes si particuliers, de qualité exceptionnelle (dont des poignées à tête de dragon enlacées dans des ombilics) et d’origine, est vraisemblablement une conception de Delorme. Elle devrait atteindre son estimation haute de 230 000 euros”, poursuit l’expert. La vente présente également une table du milieu atypique, d’époque Louis XIV, à piètement en bois sculpté et doré avec un plateau florentin en marqueterie de marbres de couleurs, estimé 20 000 euros. “Ce type de meuble étant rarissime, il devrait obtenir un bon résultat”, assure Guillaume Dillée. Du côté des sièges, la vacation n’est pas en reste puisque, par exemple, est proposée une paire de bergères d’époque Louis XV estampillées Claude Séné, estimées 45 000-60 000 euros, à dossier plat “à la reine” et à châssis en bois finement sculpté et doré, ainsi qu’à décor de bouquets de fleurs et de fleurettes. “Elles sont larges d’assise et leur décor, quoique minimaliste, reste puissant, ce qui fait tout l’intérêt de ces bergères avantageusement présentées en paire.” Figure encore un ensemble de salon d’époque Louis XVI, estimé 20 000-30 000 euros, comprenant un canapé, une paire de bergères et une paire de fauteuils en bois finement mouluré, sculpté et doré à décor de godrons, festons à perles et grattoirs, et à pieds fuselés. “La garniture en tapisserie d’Aubusson d’époque est sublime : d’une qualité et d’une fraîcheur extraordinaire, elle est à décor des ‘amusements champêtres’”, selon l’expert. Une paire de chaises de forme rectangulaire en hêtre finement sculpté et doré, d’époque Louis XVI, estampillées Georges Jacob et portant la marque du château de Château-Neuf, ancienne propriété du duc de Penthièvre, est également remarquable. Elles sont très modestement estimées 6 000-8 000 euros.
L’ensemble de la vente s’annonce donc sous les meilleurs auspices. “Cela fait longtemps qu’on n’a pas vu une marchandise de cette qualité sur le marché. Il s’agit de vraies découvertes”, affirme Guillaume Dillée, qui a fixé “des estimations raisonnables, c’est-à-dire adaptées au marché. J’aurais fixé des prix différents, plus importants il y a trois ans.” Il avance encore : “Si ces estimations ne sont pas dépassées, je serai un peu déçu.” S’agissant de pièces issues de successions, donc sans prix de réserve, la vacation offre tous les ingrédients d’une recette à gros succès. Dans le cas contraire, cela serait inquiétant.

MOBILIER & OBJETS D’ART

Vente le 28 février, Drouot Richelieu, SVV Joron-Derem, tél. 01 40 20 02 82. Exposition : le 27 février, 11h-18h, le 28 février, 11h-12h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°165 du 21 février 2003, avec le titre suivant : Une vente test pour le mobilier classique

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