L’art des Iapyges

Leur céramique exposée à Paris

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 21 février 2003 - 771 mots

Installés en Italie méridionale entre le VIIe et le IIIe siècle avant J.-C., les Iapyges ont laissé derrière eux des céramiques aux couleurs vives et aux motifs géométriques. Quatre-vingt-sept d’entre elles sont aujourd’hui réunies à la Fondation Mona Bismarck, à Paris.

PARIS - Du VIIe au IIIe siècle avant J.-C., trois peuples se partageaient la Puglia (les Pouilles, région de l’Italie du Sud comprise entre l’Apennin et l’Adriatique) : les Dauniens au nord, les Peucètes au centre, et les Messapiens au sud. Le géographe grec Strabon (Ier siècle) leur attribua le nom de “Iapugès”, les Iapyges. Leur histoire a longtemps été réduite à celles des Grecs de Tarente, qui les ont côtoyés et combattus, et de vastes zones d’ombre subsistent encore sur leurs coutumes, leur organisation sociale, économique ou politique. C’est par leur céramique peinte, provenant essentiellement de sépultures, que les Iapyges nous sont aujourd’hui connus. La Fondation Mona Bismarck, à Paris, offre quelques beaux exemples de ces vases en terre cuite aux motifs géométriques et dont la polychromie très vive se détache des fonds de couleur terre. La scénographie n’est, hélas, pas à la hauteur de ces rares vestiges de l’Italie antique : posées à plat dans de quelconques vitrines, les œuvres se succèdent sans que le visiteur puisse les observer parfaitement. Pour un sujet tel que la céramique antique, une disposition plus audacieuse des œuvres – à la verticale, sur des étages orientés ou au-dessus de miroirs afin de voir l’envers des décors –, comme a procédé le Musée des beaux-arts de Lyon pour son exposition “La faïence à reflet métallique en Espagne musulmane et chrétienne du XIIe au XVIIIe siècle”, en mars 2002, auraient permis une meilleure lisibilité des pièces.
Par ailleurs, placés trop loin des objets, les cartels – des écrans lumineux projetés sur les murs – sont difficilement accessibles. Malgré ce manque de soin, l’exposition, organisée avec le Musée d’art et d’histoire de Genève, est d’un indéniable intérêt et permet aux visiteurs de découvrir un peuple longtemps resté dans l’oubli. Si la céramique de Daunie est abondante, le parcours comprend aussi, disséminées ça et là, quelques pièces de types peucète ou messapien. Le vase à anses surélevées, ou olletta, sur lequel se déploient des zigzags, méandres et triangles opposés, est une des formes typiques de Messapie. Au fil du temps, l’olletta s’est peu à peu transformé en trozella avec l’ajout de rouelles sur les anses, comme le montre la Trozella à l’oiseau. La céramique de Peucétie est, quant à elle, marquée par l’art grec au moment où elle développe son propre style. La forme la plus remarquable en est une sorte de cratère globulaire dont l’Amphore à svastikas est particulièrement représentative. Richement décoré de registres horizontaux, son motif principal est un grand svastika encadré de deux peignes (motifs de filets verticaux et serrés).

Céramiques difficiles à situer dans l’espace et le temps
À l’image de l’Askos (1) aux oiseaux modelés, du Vase-filtre tripode à figures de guerriers, ou encore du Vase-filtre avec femme richement parée, la céramique daunienne se caractérise par la présence d’éléments zoomorphes et anthropomorphes. La forme du Kyathos cornu aux trois têtes sur l’anse évoque un bucrane (crâne de bœuf décharné) ainsi qu’un personnage aux bras levés, une figure que l’on retrouve dans quantité de pièces exposées. Autre motif récurrent : le renard, dont la symbolique pourrait se rapprocher de certaines traditions celtiques – où l’animal est considéré comme un conducteur des âmes –, ou encore du Togo, pays dans lequel il incarne un être primordial. Tandis qu’au IVe siècle avant J.-C. l’influence grecque est très nette, au IIIe siècle avant J.-C., l’art iapyge connaît un ultime épanouissement avec la céramique “de Canosa”, dont la riche polychromie (jaune et rose sur fond blanc) est appliquée après cuisson. Des éléments figuratifs en ronde bosse, moulés à part et rapportés par collage, surchargent les récipients, en particulier les askoï grecs (destinés à transporter les liquides). C’est le cas de l’Askos monumental avec Pan et Pégase (IVe-IIIe siècle av. J.-C.). L’air halluciné, affublée de cornes et coiffée de feuillages, la figure sculptée du démon de la nature semble sortir de nulle part. D’autres pièces atypiques, comme cet original Chaudron à pieds humains, restent très difficiles à situer dans l’espace et le temps. Les Iapyges sont décidément loin d’avoir livré tous leurs mystères.

(1) Ayant les mêmes caractéristiques que certains vases grecs, les récipients iapyges se sont parfois vus attribuer des noms helléniques.

ART PREMIER DES IAPYGES

Jusqu’au 29 mars, Mona Bismarck Foundation, 34 avenue de New York, 75116 Paris, tél. 01 47 23 38 88, tlj sauf dimanche et lundi. Catalogue, éditions electa napoli, 159 p., 40 euros.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°165 du 21 février 2003, avec le titre suivant : L’art des Iapyges

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