Orfèvres troubadours

Les chefs-d’œuvre des Froment-Meurice enfin réunis

Par Eva Bensard · Le Journal des Arts

Le 21 février 2003 - 747 mots

Après avoir accueilli, en l’an 2000, une exposition consacrée aux "Bijoux romantiques", le Musée de la vie romantique poursuit son exploration de l’orfèvrerie du XIXe siècle avec une remarquable exposition sur les Froment-Meurice. Première rétrospective jamais dédiée à cette dynastie d’orfèvres-joailliers parisiens, celle-ci rassemble une centaine de pièces en provenance de musées français et étrangers, palais, lieux de culte et collections privées.

PARIS - Des coffrets conçus comme des châsses médiévales, des services de table de style Renaissance, des procédés de décor anciens comme l’émail et le nielle.... Les créations des Froment-Meurice illustrent, dans les domaines de l’orfèvrerie et de la joaillerie, l’engouement pour les styles du passé mis à l’honneur sous la monarchie de Juillet (1830-1848) puis sous le Second Empire (1852-1870). Des années 1840 au début du XXe siècle, cette famille d’orfèvres-joalliers parisiens donna libre cours à sa créativité et à son souci d’innovation technique, séduisant à la fois la Ville de Paris, dont ils devinrent les orfèvres attitrés, et une clientèle internationale prestigieuse (la famille d’Orléans, la duchesse de Parme, le prince Anatole Demidof, le duc de Medina Celi à Madrid, le pape Léon XIII...). Une centaine de leurs réalisations sont pour la première fois présentées au Musée de la vie romantique, à Paris. “Dans le domaine exigeant des transmutations artistiques de l’or et de l’argent, les Froment-Meurice, joailliers, bijoutiers et orfèvres de père en fils depuis la fin du XVIIIe siècle – en particulier François Désiré (1801-1855), le vrai fondateur de la dynastie, Émile (1837-1913), le stratège industriel, avant Jacques, qui se consacrera plutôt à la sculpture (1864-1947) –, incarnent au mieux l’invention et le rayonnement du grand art décoratif français au XIXe siècle”, souligne dans le catalogue Daniel Marchesseau, directeur du musée et commissaire de l’exposition. En présentant tour à tour pièces civiles, bijoux et œuvres religieuses, le parcours rend justice à la variété et au raffinement des modèles des orfèvres. Point fort de la première salle, les coupes en pierres dures montées en orfèvrerie par François Désiré figurent parmi les plus belles que nous ait laissées le XIXe siècle. Indissociables du goût Renaissance qui vit le jour sous le règne de Louis-Philippe, elles ne sombrent cependant jamais dans le pastiche en raison de leur monture originale, au style naturaliste souvent débridé. En témoigne la coupe de style troubadour dont le pied en forme de chêne abrite une petite cavalière délicatement ciselée et gravée (vers 1840-1845, collection particulière), ou encore la Coupe des vendanges (vers 1844), qui repose sur un cep agrémenté de feuilles de vigne émaillées et de figures allégoriques en ronde bosse. Un œil plus attentif distinguera également, sur l’anse, un nid d’oisillons menacé par l’arrivée impromptue d’une salamandre. À la fois pittoresque et réaliste, ce motif est révélateur de l’”esprit Froment-Meurice”, mais aussi de leur goût du détail. Un goût que l’on retrouve dans les bijoux, dont les proportions réduites n’empêchent en rien la précision du sertissage, la qualité de la ciselure et la splendeur de la finition (bracelet aux nymphes accoudées, cravache de la reine Isabelle II d’Espagne). Moins importante, leur production liturgique fait l’objet d’une seconde section. De part et d’autre d’une vitrine alignant des ostensoirs prennent place reliquaires, calices et ciboires exécutés pour l’église de la Madeleine, l’abbaye de Solesmes, la basilique du Sacré-Cœur d’Issoudun... Comme l’ensemble de leur œuvre, ces objets font montre d’une vision renouvelée des ornements gothiques et Renaissance (reliquaire pour le talisman de Charlemagne, triptyque-reliquaire d’Élisabeth d’Autriche). Rien de comparable toutefois avec la dernière salle, qui abrite la réalisation la plus ambitieuse de François Désiré Froment-Meurice : la toilette de la duchesse de Parme (Musée d’Orsay). “Figurez-vous un bijou fin, délicat, gracieux comme votre bracelet, comme votre broche, comme votre bague, mais grand comme votre carrosse”, écrivait avec humour un journaliste de l’époque. Six ans auront été nécessaires pour mener à bien ce vaste projet, entrepris à l’occasion du mariage en 1845 de Louise Thérèse de Bourbon, petite-fille de Charles X, avec le futur duc Charles III de Parme. Composé d’une table de toilette, d’une aiguière et de son bassin ainsi que d’imposants coffrets ornés de plaques d’émail, ce somptueux mais encombrant cadeau de mariage mêle des sources islamiques, Renaissance et XVIIe siècle. D’un éclectisme annonciateur du Second Empire, il clôt avec faste l’exposition.

TRÉSORS D’ARGENT. LES FROMENT-MEURICE, ORFÈVRES ROMANTIQUES PARISIENS


Jusqu’au 15 juin 2003, Musée de la vie romantique, 16 rue Chaptal, 75009 Paris, tél. 01 55 31 95 67, tlj sauf lundi, 10h-18h. Catalogue éd. Paris-Musées, 223 p., 35 euros.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°165 du 21 février 2003, avec le titre suivant : Orfèvres troubadours

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