Crue : un exode préventif

Par Olivier Michelon · Le Journal des Arts

Le 21 février 2003 - 555 mots

Menacées par une crue de la Seine, les réserves des musées parisiens situés au bord du fleuve sont actuellement transférées dans un site du nord de Paris. Rendu obligatoire du fait de précautions insuffisantes, cet exode, d’un coût estimé à 5,4 millions d’euros, n’est pas sans entraver le fonctionnement des musées.

PARIS - “Le plus important déplacement d’œuvres d’art depuis 1940”, comme le décrit le ministre de la Culture et de la Communication Jean-Jacques Aillagon, vient de commencer. Selon le calendrier, il s’achèvera le 7 avril. D’ici là, 600 allers-retours seront nécessaires pour acheminer plus de 100 000 pièces venant des Musées du Louvre et d’Orsay, de l’École nationale supérieure des beaux-arts ou de l’Union centrale des arts décoratifs dans un site du nord de Paris, hors d’atteinte de tout débordement de la Seine. Le spectre de la crue, agité depuis l’automne dernier par les autorités publiques (lire le JdA n° 153, 30 août 2002), a déclenché cet exode massif. D’un coût de 5,4 millions d’euros, l’action, commanditée par la Direction des musées de France (DMF), est conduite par les personnels des musées et de sociétés privées de transport. Les nouvelles réserves, concentrées en un site unique d’un hectare, dont l’emplacement exact reste “confidentiel”, sont, elles, louées. Si cette solution “ne peut être que provisoire”, comme le note le ministre, qui estime que le déménagement ne devrait pas excéder une durée de quatre ans, il n’est toutefois pas possible de fixer une date pour le retour des collections dans Paris intra-muros. L’établissement public de maîtrise d’ouvrage des travaux culturel (ÉPMOTC) a été chargé d’une mission d’étude sur le sujet. À long terme, celle-ci devrait aboutir à la construction de nouvelles réserves (à l’image des lieux de stockages du Centre Pompidou hors Paris) ou à l’étanchéification des sites originels. Une solution qui, malgré l’absence de risque zéro, vaut aujourd’hui pour le chantier du Quai Branly.
Dans les années 1980, lors des chantiers des Musées d’Orsay et du Louvre, les côtes en usage s’appuyaient sur la présence de barrages et de réservoirs construits en amont de Paris. Le calcul a, depuis, était révisé, et le projet de Plan de prévention des risques d’inondation (PPRI) du département de Paris reprend les contours de la crue centennale de 1910. 20 % de la superficie de la capitale est considérée comme inondable. Le Louvre estime pour sa part que, en cas de crue, 8 000 m2 de réserves et 4 700 m2 de ses espaces d’exposition sont menacés. Dans une telle éventualité, les établissements concernés auraient, après l’alerte, un délai de soixante-douze heures pour déployer leur dispositif d’urgence et mettre à l’abri des œuvres installées en zones inondables. Pour l’heure, les musées parent au plus pressé. Ils s’emploient à recycler des espaces pour conserver en leur sein des œuvres trop fragiles, difficilement transportables, ou qu’ils ne souhaitent pas voir partir car promises à des prêts ou à des projets de réaménagement. En interne, le corps scientifique ne fait en effet pas mystère de ses craintes quant à la continuité de ses missions d’étude une fois les œuvres stockées hors du musée. Le Louvre utilise ainsi une partie de la galerie Campana ou la cour du Sphinx pour y ranger des pièces, tandis qu’ici comme à Orsay des réaccrochages visent à renforcer la capacité d’accueil des salles d’exposition des étages supérieurs.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°165 du 21 février 2003, avec le titre suivant : Crue : un exode préventif

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