Le retour des Turner

La Tate Britain de Londres retrouve ses deux tableaux volés

Par Martin Bailey · Le Journal des Arts

Le 7 mars 2003 - 586 mots

En 1994, lors d’une exposition à la Schirn Kunsthalle de Francfort, plusieurs œuvres avaient été volées. Deux des plus importants tableaux de J. M. William Turner ont été retrouvés et, après neuf ans d’absence, ont rejoint les cimaises de la Tate Britain, à Londres. L’enquête en cours n’a pourtant pas encore permis de mettre la main sur une œuvre de Caspar David Friedrich qui faisait également partie du butin.

LONDRES - Le 28 juillet 1994, trois tableaux disparaissent de la Schirn Kunsthalle à Francfort. Prêtés à l’occasion de l’exposition “Goethe et les arts visuels”, deux des plus importantes peintures de J.M. William Turner appartenant à la collection de la Tate Gallery de Londres et un tableau de Caspar David Friedrich issu de la collection de la Kunsthalle de Hambourg sont volés. Si Lumière et couleur (la théorie de Goethe) : le matin après le déluge a été retrouvé le 16 décembre 2002, Ombre et ténèbres : le soir du déluge l’avait été précédemment, le 19 juillet 2000. Une opération secrète, connue seulement de deux administrateurs du musée londonien, a permis aux chefs-d’œuvre de réintégrer les salles d’exposition de la Tate Britain. L’enquête sur la disparition de Brouillard avançant, de Caspar David Friedrich, étant toujours en cours, aucune information n’a été révélée au sujet de l’opération Turner, sinon qu’elle s’est déroulée en “Europe continentale” et que les peintures ont été retrouvées en Allemagne.
Sandy Nairne, ancien responsable à la Tate et aujourd’hui directeur de la National Portrait Gallery, a conduit durant huit ans cette opération complexe. Si les trois voleurs et un chauffeur complice ont été arrêtés en Allemagne en 1995, puis reconnus coupables quatre ans plus tard, ils n’étaient alors plus en possession des peintures. Selon les enquêteurs, dont deux anciens membres de Scotland Yard, Jurek Rocoszynski et Michael Lawrence, les toiles étaient entre les mains d’agents proches de la pègre serbe. Le directeur de la Tate, Sir Nicholas Serota, souligne qu’aucune somme d’argent n’a été versée aux malfaiteurs ; la Tate a néanmoins déboursé environ 3,5 millions de livres sterling (5,12 millions d’euros) pour les frais judiciaires et autres coûts, dont une prime de 250 000 dollars (232 000 euros) pour des renseignements cruciaux sur la localisation des œuvres.
Contre toute attente, la Tate a tiré des bénéfices financiers de ce vol. En 1995, le musée a reçu une prime d’assurance de 24 millions de livres (35 millions d’euros), les tableaux étant assurés pour 12 millions de livres chacun (17,5 millions d’euros). Trois ans plus tard, la Tate a négocié un accord lui permettant de racheter le titre de propriété aux assureurs pour 8 millions de livres (11,7 millions d’euros). Grâce aux 16 millions restants (23,4 millions d’euros), le musée a pu acquérir pour 7 millions de livres (10 millions d’euros) le bâtiment abritant ses réserves de tableaux à Southwark. Entre-temps, 10 millions de livres (15 millions d’euros) d’intérêts se sont ajoutés aux 24 millions de livres (35 millions d’euros) du dédommagement initial. En retirant les 3,5 millions de livres qu’a coûté le retour des Turner, il reste à présent au musée un peu plus de 15 millions de livres (22 millions d’euros) provenant des indemnités versées par les assurances. Cette somme sera utilisée au “profit des collections de la Tate”.
Cette affaire de vol n’est pas la première à laquelle la Tate doit faire face. Le musée n’a toujours pas récupéré le Portrait de Francis Bacon de Lucian Freud dérobé en 1988 lors d’une exposition du British Council à la Neue Nationalgalerie de Berlin.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°166 du 7 mars 2003, avec le titre suivant : Le retour des Turner

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