Foire & Salon

Les marchands dévoilent leurs trésors au Salon du dessin

Paris peut s’enorgueillir d’un rendez-vous incomparable dans cette spécialité

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 21 mars 2003 - 1554 mots

Le Salon du dessin se tiendra à Paris dans les salons Hoche, du 26 au 31 mars. Cet événement, si important pour les collectionneurs et institutions internationaux, reste réputé tant pour la qualité des exposants et des pièces présentées que pour le professionnalisme de son organisation et son accueil chaleureux. Et depuis quelques années, le Salon poursuit timidement mais sûrement son entrée dans l’art du XXe siècle.

Le Salon du dessin, qui ouvre sa douzième édition à Paris du 26 au 31 mars dans les salons Hoche, est devenu une institution unique au monde. Le virus de l’amour du dessin s’est même propagé jusqu’en salles des ventes. Des vacations spécialisées collent désormais plus que jamais à l’événement (lire p. 19-20). Faisant aussi écho à la manifestation, les expositions personnelles se multiplient dans les galeries de la capitale. Les amateurs, dont le chiffre est en croissance régulière depuis quelques années, chinent à tout vent les feuilles précieuses. Collectionner les dessins serait-il devenu un sport national ? Du moins, on en rêve.
Le Salon du dessin, qui n’accueille volontairement tous les ans qu’une vingtaine de professionnels de renom, a acquis en douze ans une réputation inégalée dans l’univers des musées mais aussi auprès des plus grands collectionneurs privés. L’ambiance, unique en son genre, y concourt. Dans ce lieu petit et intime, aux espaces feutrés, agencé “à l’image d’un cabinet d’amateur”, selon l’expression d’Hervé Aaron, président de la Société du dessin, l’amateur “coconné” se sent bien. On en oublierait presque les tensions du monde extérieur. La sempiternelle bonne entente des marchands entre eux et la remarquable discrétion des 10 000 visiteurs qui se croisent en six jours, y sont également pour quelque chose. C’est dans cet écrin velouté des salons Hoche au décor uniforme que resplendissent les plus belles feuilles. Elles se révèlent par leur sensualité signifiée par la courbe d’un trait plus ou moins appuyé, caractérisée par le papier dont on apprécie le “grain de peau”, jouant sur l’éventail des techniques qui déclinent autant d’effets de matières. On comprend qu’il y ait tant d’adeptes du dessin. Et pour l’œil de l’habitué, la décision d’achat se prend vite. De nombreuses pièces partent ainsi en quelques heures le jour du vernissage.

Les feuilles d’exception
Au Salon du dessin, vingt-cinq galeries françaises et étrangères livrent un recueil des plus beaux dessins, de quelques milliers à 600 000 euros, “une somme qui n’est pas si rare aujourd’hui pour un dessin”, témoigne Hervé Aaron. Les collectionneurs américains se portent généralement acquéreurs des lots les plus chers, mais une très large majorité de transactions sont réalisées par les amateurs européens.
Le marchand londonien Jean-Luc Baroni, qui adore surprendre par des découvertes exceptionnelles et quelques achats records en ventes publiques, plaisante volontiers : “Je n’ai pas de Michel-Ange cette année !” Sa sélection, qui reste toutefois délectable, comprend une tête de jeune homme de Tiepolo particulièrement expressive (à la bouche ouverte), de 25 x 18 cm, que les amateurs ont pu admirer à Drouot l’hiver dernier. Cette sanguine rehaussée de craie blanche sur papier bleu s’est vendue 174 000 euros chez Piasa le 4 décembre 2002. L’antiquaire annonce aussi : un grand nu masculin de Prudh’on à la pierre noire rehaussée de craie blanche sur papier bleuté “dans un état de conservation exceptionnel” ; un paysage rural animé à l’encre brune signé Canaletto ; une aquarelle de Delacroix montrant l’étude de trois soldats albanais et d’une femme en costume balkan ; une étude de Maure à l’encre brune par le Guerchin, le dessin d’une femme nue enlaçant et embrassant le Sphinx par Rodin et une Danseuse ajustant ses collants au fusain et pastel de Degas. S’y adjoignent deux découvertes : une étude de tête d’homme à la sanguine par Pontormo pour son tableau Joseph et Jacob en Égypte – conservé à la National Gallery de Londres –  et une figure allégorique assise par Vasari. La galerie de la Scala (Paris) présente Agar, Ismaël et l’Ange, une plume et lavis de bistre avec mise au carreau réalisée par Andrea Boscoli (1560-1607) et l’incontournable New-Yorkais Brady & Co, une étude au fusain avec rehauts de blanc sur papier gris de Degas montrant une actrice dans son dressing. À la galerie de Bayser (Paris), l’on pourra admirer une Boudeuse de Greuze à la sanguine et également une Étude pour le portrait équestre de Francesco Maria II Della Rovere, duc d’Urbino par Barocci (1535-1612), exécutée à la plume et lavis rehaussé de gouache blanche sur l’armure et sur le poil du cheval pour des effets de clair-obscur caractéristiques de l’artiste. “Au verso de la feuille, une étude très libre au pastel reprend l’avant-bras droit du duc. Technique de prédilection de Barocci, le pastel démontre un talent de coloriste exceptionnel”, précise Louis de Bayser. Chez Hervé Aaron (Paris), la Jeune femme lisant dans un paysage, un dessin de Boilly à la pierre noire, craie blanche et rehauts de sanguine, parfaitement fini et d’une extrême finesse d’exécution, ferait presque ombrage à la femme au chapeau de la Jardinière, aux trois crayons, de Boucher. Au détour des stands, notons encore un fascinant Autoportrait au crayon et à l’encre brune de Carracci chez Trinity Fine Art de Londres, une Madonne et l’Enfant avec saint Gaétan de Thiène par Gandolfi (1728-1781) à la galerie Katrin Bellinger de Munich, une scène à la plume et encre brune décrivant un couple se promenant aux abords d’un village par Tiepolo chez Artemis Fine Art de Paris ou encore un Vanneur au repos, un fusain sur toile de Jean-François Millet à la galerie Talabardon & Gautier (Paris).

L’odyssée du XXe siècle
Spécialisés dans les grands maîtres de la fin du XIXe siècle, les galeries parisiennes Berès et Antoine Laurentin ont préparé une intéressante sélection : pour l’un, un important monotype de Gauguin retravaillé au crayon au dos représentant trois femmes et un cheval monté par un homme, et le projet d’affiche en couleur de 1892 pour La Dépêche de Toulouse par Maurice Denis, pour l’autre, un délicat Nu allongé signé Suzanne Valadon, au fusain et à la sanguine, vers 1895, et Le Balcon, un projet de programme pour le Théâtre libre par Édouard Vuillard. La galerie Brame & Lorenceau (Paris) mêlera des œuvres du XIXe siècle tels Les Foins au clair de lune, une belle aquarelle de Sérusier, à un choix de feuilles du XXe siècle dont : une aquarelle de Morandi ; une étude préparatoire d’Hélion pour la peinture Île-de-France exposée à la Tate Gallery, à Londres ; deux dessins aux crayons de Balthus ; un grand dessin au lavis, encre et crayon de Moore bien daté de 1936, et une grande feuille surréaliste à l’encre de Seligman. Mais le XXe siècle sera principalement représenté par le grand marchand londonien Dickinson, nouveau venu cette année. Au programme de son accrochage figurent : une Femme et oiseau devant le soleil, une formidable aquarelle signée Miró et datée 1942 ; Toréador, un collage sur papier de Dubuffet de 1954 issu de la série “Les assemblages d’empreintes” ; un rare dessin mescalinien d’Henri Michaux de 1958 ; un collage sur papier de 1922 intitulé Merzbild par Kurt Schwitters ; Deux geishas de Picasso réalisées en 1951 ;  une aquarelle de Paul Delvaux intitulée La Rue de 1976 ; Autour d’un point, une gouache de Kupka de 1922, et Dentelles, un collage surréaliste de Bellmer de 1940. Le marchand Eric Coatalem (Paris) se réjouit de l’arrivée de ce poids lourd du XXe siècle dans un salon qui privilégie les œuvres anciennes. L’an dernier déjà, il avait salué la présence du marchand belge Patrick Derom, qui n’est pas de la partie en 2003. “Il était temps qu’on s’ouvre aux dessins du siècle passé. On est tout de même au XXIe siècle !” s’exclame l’antiquaire français spécialiste des maîtres français et italiens des XVIIe et XVIIIe siècles, dont l’exposition déborde un peu sur le temps. À côté d’une aquarelle d’Hubert Robert, d’un Mercure à la pierre noire de François Lemoyne, d’une Étude de femme de Charles de La Fosse et d’une sanguine de Watteau représentant Quatre études de comédiens et une main droite levée, l’intéressé présente en effet deux dessins signés Degas, des Cavaliers au crayon et une Étude de femme dans une grande robe au crayon noir, ainsi qu’un dessin de Klimt au crayon noir montrant une femme assise, les mains sur le visage. Il n’est pas le seul à céder à la tentation des grandes signatures du XXe siècle. Chez le Zurichois Arturo Cuéllar se côtoient : une étude du XVIe siècle pour la coupole de la cathédrale florentine Santa Maria del Fiore par Federico Zuccaro ; L’Artiste dessinant sous les ruines d’un moulin, une grande gouache du XVIIIe siècle signée Caspar Wolf, et Nu couché, un petit fusain par Nicolas de Staël, vers 1954-1955, “dont les formes sont presque floues et, comme la plupart des ébauches de cette période, le visage, mystérieusement masqué”. Parce que l’amour de l’art et du médium l’emporte sur toute autre considération, le dessin du XXe siècle a de plus en plus de chances de s’affirmer au Salon. Cela n’est pas pour déplaire à certains collectionneurs.

Salon du dessin

Du 26 au 31 mars, salons Hoche, 9 avenue Hoche, 75008 Paris, tél. 01 45 22 08 77, 12h-20h30, nocturnes jusqu’à 22 heures les 27 et 31 mars, www.salondudessin.com, entrée : 10 euros cat. inclus.

Thématiques

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°167 du 21 mars 2003, avec le titre suivant : Les marchands dévoilent leurs trésors au Salon du dessin

Tous les articles dans Marché

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque