L'actualité vue par

Hervé Loevenbruck

Galeriste

Par Philippe Régnier · Le Journal des Arts

Le 21 mars 2003 - 1126 mots

Associé à Anne Roussel, Hervé Loevenbruck a créé la galerie Loevenbruck en janvier 2001. Virginie Barré, Bruno Peinado, Alain Declercq ou Philippe Mayaux figurent parmi les artistes qu’il représente. Vice-président de l’association Parcours Rive Gauche Saint-Germain contemporain, il commente l’actualité.

Des galeristes parisiens du quartier Saint-Germain-des-Près, dont vous êtes, ont lancé le 13 mars un nouveau parcours, plus centré sur l’art contemporain. Quel est le but de cette initiative ?
Le renouveau de l’association Parcours rive gauche, rebaptisée “Parcours Rive Gauche Saint-Germain contemporain”, est fondé sur le fait qu’à Saint-Germain-des-Près, plusieurs associations mettent en avant la multiplicité des formes d’expressions. Il existe dans le quartier près de deux cents galeries, et la quinzaine regroupée dans le parcours forment un ensemble qui présente l’art contemporain selon une approche historique. Pour les citer : Kamel Mennour, Ludovic de Wavrin ou Alain Le Gaillard, situés rue Mazarine. D’autres sont un peu plus établis, comme Jean-Gabriel Mitterrand, Lara Vinci, Di Meo et Serge Aboukrat. Nous comptons aussi parmi nous Aline Vidal, Georges-Philippe et Nathalie Vallois, Incognito, Studio Simonis ou le site Odéon n° 5, plus institutionnel dans sa programmation, et l’École nationale supérieure des beaux-arts. Sans oublier de/di/bY, qui se consacre au mobilier contemporain. Nous avons tout intérêt à nous réunir pour promouvoir cette famille. Notre premier but est d’établir un parcours, de donner des clefs aux visiteurs, de les conseiller et de leur montrer ce que nous partageons sous des regards différents. Nous allons aussi organiser des vernissages communs. Le pari est de montrer que Saint-Germain est un lieu pour la création contemporaine. Il y a aujourd’hui le Marais et la rue Louise-Weiss, mais Saint-Germain compte tout autant. La fréquentation (et la qualité des visiteurs) dira si nous avons raison.

Étant donné la conjoncture actuelle et ses effets sur le marché de l’art, est-ce vraiment le moment idéal pour lancer une telle initiative ?
À partir de l’instant où nous sommes tous passionnés, c’est toujours le bon moment de dire qui nous sommes et ce que nous revendiquons. Nous avons prévu d’organiser des événements en marge des vernissages communs ; sans doute la conjoncture pèsera sur les budgets qui leur seront alloués. Mais je ne pense pas que cette conjoncture influera sur les véritables collectionneurs. Ces derniers, quant ils sont fascinés par une œuvre, sont toujours prêts à se sacrifier pour l’acquérir. Maintenant, le nombre de “consommateurs” d’art contemporain va peut-être aller en diminuant dans les prochaines années. Mais ce n’est pas notre cible.

En tant que visiteur, vous revenez de l’Armory Show. Quel est votre sentiment sur la foire new-yorkaise ?
Mitigé. Avec mon associée, Anne Roussel, c’est la première fois que nous visitions cette foire et nous nous attendions à quelque chose de beaucoup plus ambitieux. Nous avions l’image d’une foire d’avant-garde dans la ville de New York. Or la cité, pour des raisons conjoncturelles, mais aussi climatiques, est très endormie : la foire était à cette image, qui ne correspond pas à celle véhiculée à l’étranger. Il y avait certes de bonnes propositions, mais déjà vues ailleurs, et le niveau des œuvres reflétait un peu le sentiment d’inquiétude du marché : des pièces de qualité moyenne, et qui pour un habitué provoquaient peu d’émotions. Cela dit, les quelques galeries qui avaient pris des risques semblaient mieux s’en sortir financièrement. Parallèlement à la foire, nous avons été surpris par un événement qui avait lieu pour la deuxième fois, le “Scope”, organisé au Dylan Hotel, qui regroupe de jeunes galeries. Il y avait quelques bonnes propositions.

Une vingtaine d’artistes travaillant en France devraient participer cette année à la Biennale de Venise. À New York, comment avez-vous perçu la présence des artistes français à l’étranger ?
L’exposition “Extra” au Swiss Institut comprenait cinq artistes français parmi un choix de onze. Son directeur, Marc-Olivier Wahler [lire p. 3], fait partie des conservateurs et commissaires d’exposition qui perçoivent la scène française comme extrêmement riche. Les artistes français sont de plus en plus considérés à l’étranger (Pierre Huyghe expose au Guggenheim Museum de New York suite à l’obtention du prix Hugo-Boss). Après les écoles allemande, anglaise et suisse, peut-être que la prochaine école mise en avant sera française. Nous sommes nombreux à penser qu’il y a matière.

Vous parliez de commissaires d’exposition. La chose est-elle aussi visible du côté des collectionneurs ?
De plus en plus. Le problème aux États-Unis, c’est que les collectionneurs achètent dans les galeries américaines. Ils l’ont fait avec les artistes allemands, ils le feront certainement avec les français. Il ne faut pas s’entêter mais trouver des relais, établir des relations avec des galeries étrangères pour promouvoir nos artistes. Les Français sont d’ailleurs de plus en plus présents dans les galeries new-yorkaises. Ce qui manque aujourd’hui pour l’essor de la scène française, c’est un collectionneur identifié, qui soutienne les artistes ayant émergé ces cinq dernières années. Un de nos soucis est de participer à la création d’une vitrine française privée. Il ne s’agit pas de suivre le modèle de Saatchi, mais d’être en face d’un collectionneur et non d’un consommateur. La reconnaissance de la scène française passera par là.

La Fiac connaît quelques bouleversements avec le départ de sa directrice artistique, Véronique Jaeger. L’année dernière, vous avez participé pour la première fois à la foire. Y retournez-vous cette année ?
Oui. Une galerie doit être présente sur son marché national, et à la première foire de son pays, en l’occurrence la Fiac. Nous avons également la chance de retourner à Bâle cette année, en exposant à la Liste pour la deuxième fois. Pour la Fiac, nous espérons pouvoir revenir dans le secteur “Perspectives”, avec cette fois-ci Alain Declercq. Notre participation l’an passé, avec Bruno Peinado, est un excellent souvenir. Concernant la Liste, nous présenterons une exposition collective avec des œuvres fortes et caractéristiques de quatre ou cinq de nos artistes.

Quelles expositions ont attiré votre attention récemment ?
Anne Roussel et moi avons eu un coup de cœur dans une galerie de Chelsea, la galerie Murray Guy, pour Dave Muller, un artiste de la scène californienne. L’avantage de pouvoir travailler à deux, c’est que nous pouvons confronter nos opinions : nous sommes toujours en discussion au sujet de la prestation de Steve McQueen au Musée d’art moderne de la Ville de Paris. Toujours en France, une des expositions qui nous a le plus intéressé est celle d’un artiste de la galerie : Alain Declercq au centre d’art Passerelle à Brest. Au-delà du travail d’Alain, il s’agit d’un lieu qui fait un excellent travail. Il existe un renouveau des espaces d’exposition en France. De plus en plus de centres d’art, jusque-là considérés comme des endroits de test ou d’essai, sont en train de s’affirmer. Avec du recul, ils ont confirmé une véritable vision, à l’exemple du centre d’art de Brétigny-sur-Orge ou de Transpalette à Bourges.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°167 du 21 mars 2003, avec le titre suivant : Hervé Loevenbruck

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