Paroles d’artiste

Bruno Serralongue

Par Anaïd Demir · Le Journal des Arts

Le 4 avril 2003 - 657 mots

À l’occasion de l’exposition des lauréats du prix Altadis 2003 – Pilar Albarracin, Ryuta Amae, Jon Mikel Euba, Adrià Julià, Olivier Leroi et Bruno Serralongue –, Bruno Serralongue a répondu à nos questions.

Vous êtes parmi les six artistes qui ont remporté le prix Altadis 2003. Quel est ce prix ?
Altadis est né de la réunion de la Seita et de son équivalent espagnol. Chaque année, Altadis décerne un prix à trois artistes français et à trois artistes espagnols dont l’œuvre sélectionnée pour chacun ira rejoindre la collection de l’entreprise. La société édite aussi un catalogue et organise deux expositions en galerie, l’une à Paris, l’autre à Madrid.

Laquelle de vos œuvres a-t-elle été acquise par Altadis ?
C’est la photographie Buddhist Gathering for Unification. Elle représente un rassemblement bouddhiste dans un énorme stade de football de Hong-Kong, le premier jour de la rétrocession de ce territoire à la Chine en 1997. Cette photographie fait partie d’une série intitulée “Handover” et réalisée à Hong-Kong, où je me rendais spécialement pour l’événement. Ma première série de cet ordre-là, c’est “Encuentro Chiapas” en 1996 : un grand rassemblement à l’invitation du sous-commandant Marcos au Mexique. Puis, il y a eu Cuba pour l’enterrement du Che en 1997. Le concert à Washington en faveur du Tibet en 1998...

Vous sentez-vous proche du reportage ?
Je fonctionne un peu de la même manière. Quand j’apprends qu’un événement va se dérouler quelque part dans le monde, j’essaye d’aller faire des photos sur place... alors que, a priori, je n’ai pas le matériel adéquat ni de carte de presse. J’y vais sans savoir si je vais vraiment pouvoir photographier tout ce qui va m’intéresser. Cela passe beaucoup par la discussion et la négociation avec les organisateurs, la police, etc. Quand tu n’es pas professionnel, tu accèdes moins facilement à ce qui fait le cœur de l’événement, mais tu as une plus grande liberté de mouvement en périphérie. À Hong-Kong, quand Élisabeth II et le prince Charles sont symboliquement repartis par la mer, il était impossible d’accéder à cette zone. En revanche, il y avait énormément de manifestations populaires qui célébraient également cette rétrocession et où aucun journaliste ne se trouvait. Je n’essaie pas à tout prix de faire ce type de photographies, mais c’est vrai que l’événement principal est généralement bien ficelé pour les journalistes et seulement pour eux.

Où situez-vous la différence entre le photoreportage et l’art ?
Il n’y a pas beaucoup de différence entre les photographies que je fais et celles que pourraient éventuellement faire des journalistes. C’est plutôt la manière de penser la photo et de la faire qui diffère. Pour un grand événement, une agence comme l’AFP va envoyer dix photographes afin de tout couvrir, faire des milliers d’images dont deux seront finalement diffusées dans la presse. Alors que moi, je suis tout seul, je finance tout et je fais au mieux dix photos en une semaine. Le rythme et l’économie sont totalement différents du photoreportage. Mais c’est aussi le matériel. Comme j’utilise une chambre, je procède vraiment vue par vue. Ce n’est pas aussi instantané qu’un appareil 24 x 36. Là, on est obligé de concevoir la photo avant de tout installer. Cela limite le nombre d’images possibles. Il y a aussi une plus grande distance par rapport au sujet. Tu ne peux pas faire de gros plan ou d’images à sensations mais plutôt des plans d’ensemble. Et rarement des portraits, ou des images avec beaucoup de mouvements.

Une fois sur place, vous n’êtes pas un simple observateur.
Non, et déjà par le choix de me rendre à tel ou tel endroit. Mes photographies ont toutes un fond politique, elles sont toujours liées à l’information. Et elles ne sont pas faites d’un point de vue privilégié, mais du point de vue de la foule.

PRIX ALTADIS ARTS PLASTIQUES 2003

Galerie Anne de Villepoix, 43, rue de Montmorency, 75003 Paris, tél. 01 42 78 32 24, jusqu’au 19 avril.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°168 du 4 avril 2003, avec le titre suivant : Bruno Serralongue

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