Staël loin du mythe

Le Centre Pompidou lui consacre une grande rétrospective

Par Philippe Régnier · Le Journal des Arts

Le 4 avril 2003 - 546 mots

À travers deux cent vingt œuvres dont cent trente-cinq peintures, la rétrospective “Nicolas de Staël”? au Centre Pompidou se veut dans le prolongement des expositions du peintre au Grand Palais en 1981, et à la Fondation Maeght de Saint-Paul-de-Vence en 1991. La carrière de l’artiste y est retracée chronologiquement, de ses Portraits de Jeanine au Concert, morceau de bravoure inachevé.

PARIS - L’histoire de l’art se nourrit de mythes qui se fondent tout autant sur la biographie de ses protagonistes que sur leur œuvre. Nicolas de Staël est à n’en pas douter l’un de ceux-là, tant sa vie semble épouser la vision romantique de l’artiste torturé qui finit par se donner la mort. Un parallèle entre le peintre né à Saint-Pétersbourg et Van Gogh n’est d’ailleurs pas totalement fortuit, et dépasse la simple biographie pour se poursuivre dans leur changement commun de palette due à la lumière du Sud. Tous deux, dans leur quête perpétuelle de la perfection, ont, de plus, produit quantité de très mauvaises peintures, que Staël a parfois eu la bonne idée de ne pas signer. Enfin, l’œuvre du peintre qui a actuellement l’honneur des cimaises du Centre Pompidou s’est inscrit dans une lutte particulièrement violente et dogmatique, opposant les tenants de l’abstraction à ceux de la figuration dans l’art de l’après-guerre en France. Aussi est-il nécessaire aujourd’hui de dépassionner le débat, de s’abstraire des querelles d’une autre époque et d’oublier un instant la vie de l’artiste pour mieux se confronter à sa peinture.
L’exercice est d’autant plus aisé que les œuvres sont servies par une scénographie particulièrement inventive. L’accrochage l’est un peu moins, avec un parti pris chronologique qui permet néanmoins de structurer les grandes périodes de sa carrière. Les œuvres des années 1945-1947, lorsque l’artiste marie palette sombre, effets de matières et abstraction, sont loin d’être convaincantes. Il faut attendre le début de la décennie suivante – et surtout l’année 1951 – et ses compositions aux motifs géométriques pour que ses toiles prennent une nouvelle dimension. Certaines œuvres graphiques de cette période sont remarquables, comme la série de gravures sur bois réalisée la même année pour le livre Poèmes de René Char. Cette apothéose clôt en même temps un cycle puisque, en 1952, Staël décide de revenir à la figuration. C’est à la faveur d’un match de football France-Suède au parc des Princes – pour la petite histoire perdu un à zéro par les tricolores ! – que le peintre se décide à se lancer dans une nouvelle approche picturale, révélation qui rappelle celle de Robert Delaunay avec le rugby. Dans une atmosphère plus sombre, le Centre Pompidou expose ses peintures dans lesquelles dominent parfois le bleu et le rouge. Dorénavant attaché à la réalité, Staël décline alors des paysages, souvent inspirés par ses voyages notamment en Sicile ou dans le sud de la France. Il s’installe ensuite à Antibes, où il se lance dans une série de natures mortes qui culmineront avec le Concert (1955), gigantesque toile de 3,5 mètres par 6, son chef-d’œuvre, laissé inachevé. Cette toile seule vaut la visite d’une exposition à l’image d’un artiste qui doutait beaucoup.

NICOLAS DE STAËL

Jusqu’au 30 juin, Centre Pompidou, place Georges-Pompidou, 75004 Paris, tél. 01 44 78 12 33, tlj sauf mardi 11h-21h, jeudi 11h-23h ; catalogue, 252 p., 39,90 euros.

Nicolas de Staël en cinq dates

1914 Né à Saint-Pétersbourg 1936 Voyage au Maroc 1944 Première exposition personnelle à Paris 1952 Le Parc des Princes 1955 Se donne la mort

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°168 du 4 avril 2003, avec le titre suivant : Staël loin du mythe

Tous les articles dans Expositions

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque