Matisse illumine Nantes

La période niçoise de l’artiste mise en exergue

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 4 avril 2003 - 585 mots

À partir d’une vingtaine de toiles provenant essentiellement du Musée national de l’Orangerie, à Paris, le Musée des beaux-arts de Nantes évoque la célèbre “période niçoise”? (1917-1929) de Matisse. L’occasion de revenir sur un pan longtemps sous-estimé de l’œuvre du peintre.

NANTES - “Quand en ouvrant ma fenêtre je pensais que j’allais tous les jours avoir cette lumière devant les yeux, je ne pouvais croire en mon bonheur.” Par ces quelques mots, Matisse évoque son attachement à Nice, ville où il séjourna régulièrement de 1917 à 1929, avant de partir pour Tahiti. Cette “période niçoise” ne fut pas du goût de tous. En 1919, après avoir visité l’exposition Matisse chez Bernheim-Jeune, à Paris, Jean Cocteau s’exclamait : “Voici le fauve ensoleillé devenu un petit chat de Bonnard… Matisse doute, tâtonne, hésite au lieu d’approfondir sa découverte (1)”, tandis qu’André Breton, en 1926, traitait Derain et Matisse de “vieux lions décourageants et découragés”. Aujourd’hui encore, historiens et critiques reprochent à Matisse ces années durant lesquelles il se serait “plié” aux règles traditionnelles de la peinture française.
Bénéficiant du prêt de dix tableaux appartenant au musée national de l’Orangerie, à Paris, auxquels ont été ajoutées huit autres toiles, le Musée des beaux-arts de Nantes relance le débat. “Il s’agit en réalité d’une période mal comprise, considérée à tort comme une parenthèse, un retour en arrière, un ‘accident’. Je crois qu’il faudra, un jour, la relire avec plus de sagacité, explique le commissaire de l’exposition, Vincent Rousseau, également conservateur au musée. Sans avoir la prétention d’apporter de réponse définitive, cette exposition est l’occasion de s’interroger à nouveau sur l’œuvre réalisé dans la cité méditerranéenne. Nombre de toiles exposées constituent ainsi les prémices de ce que l’artiste développera par la suite avec ses collages ou ses grands dessins au crayon noir”. En témoigne La Jeune Fille et le vase de fleurs (1920), où le corps du modèle est réduit à ses lignes essentielles, tout en rondeurs et en courbes.

Laisser le champ libre à la rêverie du spectateur
Réunies dans le grand espace lumineux du patio, les œuvres sont accrochées sur des cimaises d’un jaune flamboyant, formant de petites alcôves, qui évoquent à la fois les harems où logeaient les odalisques et les dimensions de l’appartement-atelier de Matisse. La lumière diffusée par la verrière s’accorde au mieux avec la palette particulièrement chaleureuse de Pianiste et nature morte (1924) ou encore de la Petite Pianiste, robe bleue, fond rouge (1924). Installée dans une même alcôve, l’Odalisque à la culotte grise (1927) et l’Odalisque à la culotte rouge (1924-1925) illustrent les préoccupations esthétiques de l’artiste – le rôle à attribuer au décor ou à la figure –, ainsi que son goût prononcé pour la grande diversité de motifs, coloris et matières des étoffes. Dans des tableaux comme Femme au canapé (1921), dit encore Le Divan, il laisse visibles ses repentirs. “Le tableau garde ainsi en mémoire l’histoire de sa propre réalisation” ; il fait, en quelque sorte, “participer le spectateur à ses recherches et ses essais”, tout en affirmant “la transparence du processus de fabrication”, note Vincent Rousseau. En 1929, Matisse abandonne les odalisques et ses intérieurs méditerranéens pour Tahiti, où il dessine beaucoup, mais ne peint qu’une petite toile, emmagasinant des sensations dont il tirera parti plus tard.

(1) Le Retour à l’ordre, Paris, Stock.

MATISSE, LA PÉRIODE NICOISE, 1917-1929

Jusqu’au 2 juin, Musée des beaux-arts de Nantes, 10 rue Georges-Clemenceau, Nantes, tél. 02 51 17 45 00, tlj sauf sauf mardi 10h-18h et 20h le vendredi. Catalogue 87 p., 18 euros.

L’art contemporain à l’honneur

Parallèlement à “Matisse, la période niçoise (1917-1929)”?, le Musée des beaux-arts de Nantes organise une exposition sur “Les collections privées nantaises, de 1950 à 2000”?. La Salle blanche ainsi que l’espace de la chapelle de l’Oratoire (qui jouxte le musée) abritent jusqu’au 16 mai les œuvres de Valérie Belin, Sol LeWitt, Morellet, Viallat, Rancillac, Villeglé, Chaissac ou encore Fabrice Hybert, toutes issues de fonds privés. Le musée se prépare également à accueillir cet été une grande manifestation d’art contemporain dans le cadre des vingt ans des FRAC (Fonds régionaux d’art contemporain).

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°168 du 4 avril 2003, avec le titre suivant : Matisse illumine Nantes

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