Rome en toute majesté

La ville revient sur son rôle de capitale artistique

Le Journal des Arts

Le 4 avril 2003 - 500 mots

Grand rendez-vous romain de ce printemps, l’exposition « Majesté de Rome. De Napoléon à l’unité de l’Italie » se tient dans trois espaces d’exposition de la capitale italienne : la Galleria Nazionale d’Arte Moderna, la villa Médicis et les Écuries du Quirinal (lire les encadrés). Conçue par Stefano Susinno, qui nous a quittés il y a un an, et Olivier Bonfait, chargé de mission pour l’histoire de l’art auprès de l’Académie de France à Rome, la manifestation dresse le portrait artistique d’une ville dont l’importance historique reste inégalée.

ROME - L’événement de ce printemps 2003 en Italie est sans conteste “Maestà di Roma”(Majesté de Rome), vaste manifestation issue d’une collaboration franco-italienne, qui, en trois expositions distinctes et deux catalogues imposants, évoque le rôle prépondérant de la ville de Rome dans l’histoire de l’art européen. “L’idée du beau”, qui s’est tenue à Rome en 2000, et “L’art à Rome au XVIIIe siècle”, organisée à Philadelphie en 2001, ont été les prémices de ce panorama qui met en lumière la continuité et la spécificité historico-culturelle de la ville placée sous le signe du classicisme et de la chrétienté. Cette forte vocation cosmopolite de Rome lui a valu d’être pendant des siècles la capitale de l’art occidental.

Une collaboration franco-italienne
Sandra Pinto, directrice de la Galleria Nazionale d’Arte Moderna, assistée de Liliana Barroero et de Ferdinando Mazzocca, s’est chargée de la partie italienne avec l’appui d’un comité scientifique de dix-huit experts et soixante-quatre collaborateurs au catalogue. Olivier Bonfait a pour sa part dirigé la section française, aux côtés d’un comité de huit directeurs et conservateurs d’importants musées et cinquante-cinq collaborateurs au catalogue. Les chiffres sont impressionnants : outre les 500 œuvres de 200 artistes, 160 institutions ont contribué par des prêts à cet événement, dont le coût total frôle les 5 millions d’euros, financés en partie par la fondation turinoise Compagnia di San Paolo.

Rome ville modèle
Projet ultime de Stefano Susinno, éminent spécialiste des XVIIIe et XIXe siècles italiens, “Maestà di Roma” développe le critère historiographique d’une Rome universelle, véritable modèle pour le monde des arts à travers les siècles. Sandra Pinto a souhaité respecter la pensée de l’historien : “Cette exposition est caractérisée par le retour à Rome de beaucoup d’œuvres qui y furent réalisées, acquises et commandées. La vision historiographique générale de Stefano Susinno l’a conduit à réaffirmer continuellement l’importance et l’influence de la matrice classique en Italie, et à Rome en particulier, une ressource fondamentale avec laquelle la ville a su à chaque fois réinventer son chemin vers la modernité. Pour donner un exemple, l’unique forme de romantisme admise à Rome fut modérée par l’idéal de la tradition grecque et romaine.”

- MAESTÀ DI ROMA, jusqu’au 29 juin. UNIVERSELLE ET ÉTERNELLE, Scuderie del Quirinale, via XXIV Maggio 16, Rome - CAPITALE DES ARTS, Galleria Nazionale d’Arte Moderna, viale delle Belle Arti 131, Rome - DE INGRES À DEGAS. LES ARTISTES FRANÇAIS À ROME, villa Médicis, viale Trinità dei Monti 1, Rome. Tél. 39 06 3996 7500, tlj 10h-20h, vend. et sam. 10h-22h30, www.maestadiroma.it.

“D’Ingres à Degas. Les peintres français à Rome�? L’Académie de France à Rome abrite comme il se doit la section française de la manifestation, mais elle célèbre également le bicentenaire du transfert, à la demande de Napoléon, de l’institution du Palazzo Mancini vers la villa Médicis. Organisée par Olivier Bonfait, l’exposition présente un panorama des artistes français venus à Rome au cours du XIXe siècle, qu’ils aient remporté le prestigieux Prix de Rome ou qu’ils soient venus en simples voyageurs. La ville fut pour eux à la fois une source d’inspiration, un lieu de formation et une étape fondamentale de leur carrière artistique. L’exposition débute avec des œuvres néoclassiques de Jacques Louis David et d’Ingres – dont certains exemples célèbres comme Jupiter et Thétis, signé de ce dernier – et se poursuit avec l’évocation de l’ambiance culturelle de la villa Médicis, à travers une série de portraits et de vues de la Villa et de ses ateliers. Les principales thématiques romaines sont évidemment revisitées : le nu mythologique, ainsi dans la Bacchante de James Pradier, le paysage classique ou d’après nature comme chez François Granet ou Jean-Baptiste Corot, la fierté du peuple romain avec les trois versions de la Course des chevaux libres de Théodore Géricault, et, pour finir, le genre pittoresque avec ses brigands ou paysans. Le purisme historique absolu incarné par Ingres, qui dirigea l’Académie entre 1835 et 1841, et dont témoigne Les Gracques d’Eugène Guillaume, précède les innovations stylistiques des années 1870, à l’époque des premières expositions indépendantes des artistes impressionnistes à Paris. Le classicisme romain, à présent déclinant, réussit encore à évoluer vers un imaginaire antique grâce aux œuvres de Gustave Moreau et d’Edgar Degas, qui signent le dernier chapitre de la section française. “Universelle et éternelle�? Les Écuries du Quirinal célèbrent la dimension supranationale et atemporelle de Rome, la “mère commune de tous les beaux-arts�?. La thématique aborde l’image classique et chrétienne de la ville, la suprématie de la sculpture et l’époque de la Restauration catholique. Le visiteur est également invité à découvrir des aspects plus spécifiques de l’histoire de la ville, comme l’exposition internationale d’art au Capitole en 1809 ou le chantier napoléonien du Quirinal. Les chefs-d’œuvre jalonnent le parcours, depuis le Songe d’Ossian d’Ingres – peint pour la chambre à coucher de Napoléon au Quirinal – jusqu’au rapprochement inédit des deux Vénus italiques d’Antonio Canova et de Bertel Thorvaldsen. Sur les 160 musées et institutions qui ont contribué à la manifestation, la Tate Gallery de Londres a prêté l’emblématique Rome vue du Vatican de J. M. William Turner, et la Staatsgalerie de Stuttgart, l’élégiaque Iphigénie d’Anselm Feuerbach. L’exposition propose une comparaison et un croisement entre les mythes classique et chrétien, tels qu’ils s’inscrivent dans l’histoire de la ville, à travers la modernité de l’ère napoléonienne, le retour de la domination pontificale, les racines paléochrétiennes et médiévales de l’Église, et les événements liés à l’instauration de la République romaine de 1849 à l’unification de l’Italie. “Capitale des arts�? En vertu de l’espace fragmenté dont elle dispose, la Galleria Nazionale d’Arte Moderna développe une myriade de thèmes liés à Rome, capitale des arts : de la diversité de la formation académique au monde cosmopolite des artistes et des collectionneurs, de la peinture d’histoire au paysage classique en passant par le dessin académique, de la diffusion de la peinture de genre – la plus commerciale et la plus exportée – à l’art de la fresque, redevenue à la mode. Dans la période qui précède l’unification italienne, Rome est la ville de tous, l’urbs magistra artium où l’on vient du monde entier pour étudier et comparer les œuvres d’art. L’exposition retrace, grâce à de nombreux portraits, la vie des artistes, leur atelier, les institutions auxquelles ils se référaient, les expositions, le marché de l’art, les relations internationales, ainsi que les rapports entre art, musique et littérature. Parmi les chefs-d’œuvre figurent Le Dernier Jour de Pompéi de Karl Brjullov, prêté par le Musée de Saint-Pétersbourg, Paolo et Francesca d’Ingres, du Musée d’Angers, et la Nydia de Randolph Rogers, du Metropolitan Museum of Art de New York.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°168 du 4 avril 2003, avec le titre suivant : Rome en toute majesté

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