Un Cartier-Bresson modèle

La galerie Françoise Paviot consacre une exposition à l’artiste photographié

Le Journal des Arts

Le 18 avril 2003 - 514 mots

Dans l’attente de la rétropective “Henri Cartier-Bresson”? à la Bibliothèque nationale de France (à partir du 29 avril), les galeristes Françoise et Alain Paviot accueillent dans leurs murs une exposition étonnante puisqu’elle consacre Henri Cartier-Bresson comme modèle et non comme photographe. La cinquantaine d’images réunies explore l’étrange rapport entretenu avec sa propre représentation.

PARIS - “J’ai choisi ce sujet par goût personnel, explique le galeriste Alain Paviot. J’aime cet artiste et le mystère qui l’entoure. De plus, compte tenu de l’aspect mythique ‘anti-caméra’ de M. Cartier-Bresson, il y avait un petit côté challenge dans le fait de mener à bien cette exposition.” Difficile de sous-estimer les difficultés qu’ont pu rencontrer les marchands pour faire aboutir leur singulier projet. Henri Cartier-Bresson a toujours contrôlé la production de ses photographies, les expositions dont elles ont fait l’objet ainsi que la représentation de son image, fuyant les objectifs autant que possible. L’idée de consacrer une exposition aux portraits du photographe est donc à la fois inédite et un pari.
Il y a une vingtaine d’années, les marchands avaient acquis une petite photographie d’identité découverte dans les archives de Marc Allégret à l’intérieur d’un classeur rassemblant la correspondance de René Crevel. Cette première image a ouvert la voie à la constitution d’un ensemble qui comprend des œuvres de Manuel Álvarez Bravo, Robert Doisneau, Dorothy Norman, Arnold Newman... Ce travail, dont une partie seulement est accrochée aux cimaises de la galerie, ne sera pas dispersé : les marchands souhaitent céder le tout à un seul et même acheteur afin d’en maintenir la cohérence.
“Henri Cartier-Bresson est l’objet d’une de mes vieilles passions privées, même si je n’ai jamais été son marchand, comme l’est ma consœur Agathe Gaillard”, confie Alain Paviot. Selon lui, au-delà du travail du photographe, l’homme même est un mythe et c’est là sans doute le mobile de cette exposition. “Cet ensemble montre la transformation du visage d’un homme très beau, à la présence particulièrement forte.” Il n’était pas question pour les galeristes d’outrepasser leurs premières motivations en montrant des clichés relatifs à la vie privée du photographe. La plupart des images sont antérieures à 1964 et ont été réalisées aux États-Unis et au Mexique, souvent sous la forme d’instantanés. Elles témoignent de la saisissante photogénie de l’homme. Plusieurs font l’effet de curieux documents et présentent Henri Cartier-Bresson posant comme modèle dans un cours de dessin, déguisé en curé pour le film de Jean Renoir Une partie de campagne ou cherchant, à force de contorsions, le meilleur angle pour une prise de vue. D’autres sont des photographies plus importantes, comme les portraits d’Álvarez Bravo et de Newman.
L’image choisie par les marchands pour illustrer le carton d’invitation a été réalisée par un photographe anonyme à la fin des années 1950. Elle montre Henri Cartier-Bresson se détournant d’un objectif qu’il chasse de la main. Elle est à bien des égards représentative de l’étrange aversion nourrie par le photographe en tant que modèle.

HENRI CARTIER-BRESSON VU PAR...

Jusqu’au 13 juin, galerie Françoise Paviot, 57 rue Sainte-Anne, 75002 Paris, tél. 01 42 60 10 01, du mardi au samedi 14h30-19h, www.paviotfoto.com.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°169 du 18 avril 2003, avec le titre suivant : Un Cartier-Bresson modèle

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