Les desseins de l’Ange

Michel-Ange à l’honneur au Musée du Louvre

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 18 avril 2003 - 675 mots

À l’occasion de la parution du catalogue raisonné de sa collection des dessins de Michel-Ange, le Musée du Louvre, à Paris, expose une quarantaine de feuilles du maître, accompagnés d’études de ses élèves et de copies de ses œuvres. Des travaux qui permettent de pénétrer l’univers créatif d’un génie de la Renaissance.

PARIS - Le nombre total des dessins de Michel-Ange répertoriés s’élève à 600 feuilles, soit 870 pages dessinées en comptant les feuillets utilisés recto verso. Le Musée du Louvre en possède 43, provenant pour la plupart de la célèbre collection d’Everhard Jabach. Au début des années 1990, Paul Joannides, professeur à l’université de Cambridge, a été chargé du classement et de l’étude complète de ce fonds. Une initiative qui a abouti à un catalogue critique des dessins attribués au maître, élargi aux études de ses élèves et copies de ses œuvres. À l’occasion de la parution de ce catalogue raisonné, cinquième volume de l’Inventaire général des dessins italiens, entrepris dès 1972, le musée parisien expose les dessins de Michel-Ange, dix feuilles de ses élèves et onze copies d’œuvres perdues. Spécialement conçues pour l’occasion, des vitrines permettent d’apprécier au mieux les feuilles utilisées recto verso. Le visiteur retrouve des images connues, comme l’étude d’un David en bronze aujourd’hui disparu – statue qui fut réalisée vers 1503 et dont l’existence est connue grâce à cette esquisse – ou encore la copie de l’Ascension de saint Jean l’Évangéliste, un des premiers dessins de Michel-Ange reprenant deux personnages de la fresque de Giotto à Santa Croce (Rome). Certaines pièces ont suscité de profondes controverses, telle La Vierge, l’Enfant et sainte Anne, que des spécialistes ont attribuée à plusieurs artistes. D’autres demeurent peu connues. Ainsi de la copie d’Adam et Ève chassés du Paradis de Masaccio, une des premières expériences de sanguine pour Michel-Ange. Cette œuvre comprend, au verso, une étude pour la Bataille de Cascine (vers 1504) présentée avec deux croquis traitant du même thème, un soldat à l’attitude incertaine, dessiné à la pierre noire, et une figure d’une grande beauté, réemployée par la suite pour une statue destinée probablement au Tombeau de Jules II. La comparaison entre ces trois premiers dessins et les personnages finalement choisis pour la section centrale de la Bataille de Cascine montre que le projet initial de Michel-Ange, “une représentation partiellement réaliste de soldats florentins surpris lors d’une attaque”, est peu à peu devenu “une composition où la réaction de chacun [...] devient l’image même de celle des morts entendant le signal du Jugement dernier : leur corps expriment leur valeur morale et spirituelle, leur résolution et leur promptitude à répondre à l’ultime appel”, selon Paul Joannides, dans l’ouvrage consacré à l’œuvre graphique du maître, paru aux Cinq continents.

Un domaine largement inexploré
Découvertes au Louvre en 1991 par Dominique Cordellier, deux esquisses, figurant Saint Jean l’Évangéliste et un Nu masculin, vu de dos, témoignent à la fois d’une grande rapidité d’exécution et d’un trait infiniment précis, alliant finesse et puissance. Le chef-d’œuvre de la collection demeure la Crucifixion, réalisée tardivement. Son style très pictural et la technique, superposant pierre noire, lavis brun et rehauts de blanc, correspondent probablement aux années 1560-1561. À ses côtés : la fougueuse Résurrection du Christ avec neuf gardes et le délicat Christ mort, imaginé au début des années 1530 pour aider son ami Sebastiano Del Piombo à l’élaboration d’un tableau. Si l’ensemble de ces études apporte des éléments essentiels à notre connaissance de l’artiste, au regard de la quantité de dessins que Michel-Ange a détruits, “il est évident que son art graphique demeure un domaine largement inexploré, dont nous ne connaîtrons qu’une infime partie, conclut Paul Joannides. Nous devons accepter que notre savoir reste toujours partiel et gauchi”.

MICHEL-ANGE, LES DESSINS DU LOUVRE

Jusqu’au 23 juin, aile Denon, Musée du Louvre, 75001 Paris, tél. 01 40 20 51 51, tlj sauf mardi, 9h-17h30 et jusqu’à 21h30 les lundi et mercredi, www.louvre.fr. Catalogue raisonné, RMN/Louvre Michel Ange, élèves et copistes, 480 p., 100 euros. À lire aussi : Carnet de dessins, Michel-Ange, éditions Cinq Continents/Louvre, 80 p., 14 euros.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°169 du 18 avril 2003, avec le titre suivant : Les desseins de l’Ange

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