Marie-Thérèse Pulvénis de Séligny : A Nice, la restauration s’expose

Le Musée Matisse dévoile ses actions préventives

Le Journal des Arts

Le 2 mai 2003 - 764 mots

Depuis 1997, le Musée Matisse à Nice a initié un important travail de conservation et de restauration de ses collections, en collaboration avec le Centre interrégional de conservation et de restauration du patrimoine de Marseille (CICRP). Souvent invisible mais non moins fondamentale, cette action de préservation fait l’objet d’une exposition-dossier illustrant la nécessité d’une conservation préventive des œuvres ainsi que les problèmes spécifiques posés par la gestion d’une collection. Conservateur du Musée Matisse de Nice, Marie-Thérèse Pulvénis de Séligny présente cette politique.

Comment est né le projet d’une exposition autour de la “conservation-restauration” des collections du Musée Matisse de Nice ?
Il semblait important que le public découvre autrement les œuvres de Matisse, c’est-à-dire qu’il soit informé du travail invisible fait par l’ensemble du personnel d’un musée en matière de conservation et de restauration. Il est fondamental de présenter aux visiteurs les notions qui président à la protection d’un patrimoine, afin qu’ils comprennent pourquoi certains tableaux sont parfois décrochés des cimaises et qu’ils se sentent concernés par leur conservation. Cette exposition marque en outre l’inauguration d’un cabinet des dessins. Les œuvres graphiques n’étaient jusqu’ici pas conservées dans des conditions appropriées – elles “dormaient”, montées dans des encadrements susceptibles d’accélérer leur détérioration, à l’intérieur des réserves du musée.

Ce cabinet des dessins semble au cœur de votre politique de conservation préventive...
En effet, depuis 1997, nous avons développé, en collaboration avec le Centre interrégional de conservation et de restauration du patrimoine de Marseille (CICRP), un programme de préservation à long terme des œuvres du musée. L’une de nos priorités était la réalisation d’un cabinet des dessins permettant de gérer au mieux cet impératif inévitablement contradictoire de la préservation de l’œuvre et de sa présentation au public, visiteurs ou chercheurs. Nos collections comprennent quelque 300 dessins de Matisse, qu’il était important de préserver mais aussi de faire connaître. Ils témoignent en effet de la genèse de certaines créations – à l’image des 27 études préparatoires à la Danse de la Fondation Barnes ou des 60 esquisses pour la chapelle de Vence – et couvrent l’ensemble des thèmes (portraits, nus, natures mortes, paysages) et des techniques (fusain, plume, papiers gouachés...) abordés par Matisse. Aménagé pour recevoir des œuvres graphiques particulièrement sensibles, ce cabinet, isolé de la lumière et de l’humidité, rassemble des meubles conçus pour la conservation des œuvres dans des boîtes de classification conformes aux normes (pH neutre). Les formats des supports sur lesquels sont montés les dessins sont standardisés afin d’en faciliter la manipulation. Cette méthode de rangement simplifie la gestion du fonds graphique et permet une programmation sur plusieurs années : sélection d’un ensemble de dessins pour la consultation et d’un autre pour la présentation en salle, par roulement.

Quels sont les autres aspects de ce programme de préservation des œuvres ?
La conservation préventive est en fait une méthode de travail. Elle consiste à prévoir ce qui peut arriver aux œuvres dans le musée comme à l’extérieur – donc à systématiser le suivi de celles qui sont amenées à voyager –, à bien organiser l’espace dans lequel les objets vont se mouvoir, à veiller à l’amélioration des installations de régulation hygrométrique, ou à sensibiliser les visiteurs par des expositions comme celle que nous organisons actuellement.

Dans vos collections, quelles œuvres sont les plus concernées par ces précautions ?
Les dessins mais aussi les photographies (pour les protéger, faciliter leur manipulation et assurer leur pérennité, les tirages ont été montés dans des passe-partout en carton neutre et rangés dans des boîtes de conservation) et la bibliothèque personnelle de Matisse. En 2001, l’état des ouvrages qui lui appartenaient a été vérifié. Les livres ont ensuite été consolidés puis isolés dans des pochettes de protection. Mais des peintures peuvent également faire l’objet d’interventions particulières, à l’instar du Portrait de Matisse par Derain. Très fragile, cette œuvre ne pouvait être déplacée. Afin qu’elle puisse figurer à l’exposition sur les fauves qui s’est tenue à Paris en 1999-2000, un châssis spécial a été créé et un encadrement hermétique a été conçu pour assurer au tableau une hygrométrie constante.

À quel moment la conservation préventive doit-elle céder le pas à la restauration ?
Lorsque la lisibilité de l’œuvre est en danger ou lorsqu’une détérioration atteint son intégrité. C’était notamment le cas de plusieurs objets personnels d’Henri Matisse, comme son guéridon maure, dont les différents éléments de la structure se désolidarisaient, ou de sa statuette chinoise Mingqi, altérée par des restaurations antérieures.

CONSERVATION-RESTAURATION, POUR L’AVENIR D’UNE COLLECTION

Jusqu’au 15 juin, Musée Matisse, 164 av. des Arènes, Nice, tél. 04 93 53 40 53, tlj sauf mardi 10h-18h, www.musee-matisse-nice.org, catalogue éd. RMN, 12 euros.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°170 du 2 mai 2003, avec le titre suivant : Marie-Thérèse Pulvénis de Séligny : A Nice, la restauration s’expose

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