Patrimoine

SOS Irak

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 30 novembre 2007 - 776 mots

Avec la reconstruction de la Mosquée d’Or de Samarra, l’Unesco veut relancer la mobilisation internationale en faveur du patrimoine irakien.

PARIS - L’urgence en Irak concerne aussi les biens culturels. Les principaux acteurs culturels irakiens se sont réunis à Paris, du 12 au 21 novembre, à l’invitation de l’Unesco, afin d’alerter l’opinion sur la situation du patrimoine de leur pays. À cette occasion, le Comité international de coordination pour la sauvegarde du patrimoine culturel en Irak (ICC), créé en 2004 suite au pillage du Musée archéologique de Bagdad (10 avril 2003), a tenu sa troisième session plénière en présence d’une vingtaine d’experts. « Les conditions commencent enfin à être réunies pour lancer une action internationale », a souligné Françoise Rivière, directrice générale adjointe pour la Culture à l’Unesco. L’Irak compte trois sites inscrits sur la liste du patrimoine mondial (Assur, Hatra et Samarra) et quatre sur la liste indicative (Ur, Nimrud, Ninive et Babylone).

Le principal fléau qui touche le pays demeure le pillage culturel des sites, bibliothèques et musées régionaux. L’Unesco voudrait ainsi parvenir à une application concrète de la résolution 1 483 du Conseil de sécurité de l’ONU, adoptée le 22 mai 2003, qui prie ses États membres de « prendre les mesures voulues pour faciliter la restitution, en bon état, aux institutions irakiennes des biens culturels irakiens […], notamment en frappant d’interdiction le commerce ou le transfert de ces objets et des objets dont il y a de bonnes raisons de croire qu’ils ont été enlevés illégalement ». Or, seuls les États-Unis ont prononcé un moratoire. « Il est temps de remettre en selle cette résolution afin de tarir la demande à la source, a rappelé Françoise Rivière. Les marchands d’art des pays qui génèrent ce trafic, principalement les États-Unis, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, la France et l’Italie, doivent craindre des sanctions ». L’importance de ce marché illégal fait, par ailleurs, craindre des pertes irrémédiables : « le cours des tablettes cunéiformes s’est effondré à cause de l’abondance de l’offre. Que vont devenir ces objets s’ils ne peuvent être écoulés ? Ne risquent-ils pas d’être détruits ? » Si la législation irakienne est très protectrice en cas de vol avéré, le principal obstacle reste souvent d’établir l’origine des pièces alors que peu de musées irakiens disposent d’un inventaire. Les objets les plus célèbres, dont une partie figure sur la liste rouge de l’ICOM (Conseil international des musées), sont plus faciles à retrouver. « Nous avons à lutter avec des moyens très modestes contre un plan très agressif de la part des marchands d’art », a souligné le directeur des fouilles irakien, Qais Hussein Rashid. Au total, seuls 1 400 gardiens sont déployés sur les 12 000 chantiers de fouilles archéologiques que compte le pays. La mise en place de système de surveillance par GPS a été envisagée. Les autorités irakiennes souhaiteraient également animer les sites éloignés des grandes villes par l’intermédiaire de missions de recherche, qui pourraient jouer un rôle dissuasif en occupant le terrain. À condition d’en assurer la sécurité, difficulté majeure à laquelle se heurtent tous les projets. Ameera Idan Hlaihel, directrice des Antiquités du ministère de la Culture de l’Irak, a néanmoins rappelé l’efficacité de la collaboration avec quelques pays voisins, dont la Jordanie, la Syrie et les Émirats arabes unis.

Projet de coopération
L’Unesco a également confirmé le lancement d’un premier projet de coopération : la reconstruction de la Mosquée d’Or de Samarra, au nord de Bagdad, l’un des lieux les plus sacrés du chiisme. Cet édifice a été frappé par deux attentats en février 2006, puis en juin 2007, provoquant la destruction du dôme et de deux minarets. Ces événements avaient été à l’origine d’un déchaînement de violence interconfessionnelle entre chiites et sunnites. « Il ne s’agit pas d’un projet technique, a expliqué Mohamed Djelid, directeur du bureau Irak de l’Unesco, basé actuellement à Amman (Jordanie). Nous voulons d’abord utiliser ce patrimoine comme un élément de réconciliation nationale ». La reconstruction devrait être lancée dans un mois, une entreprise turque ayant enfin accepté de prendre en charge ce chantier à haut risque. La première phase (études et mise en protection du site) sera financée à hauteur de 8 millions de dollars par la communauté européenne et 4,6 millions par l’Irak. Ameera Idan Hlaihel a toutefois vivement démenti la construction d’une caserne de police – cible potentielle d’attentats – à quelques mètres d’un autre monument de Samarra, la Grande Mosquée du Calife Al-Mutawakkil, célèbre pour son minaret en spirale, comme le montrent certaines photographies américaines (voir illustration). Présent à Paris, Abbas Al Jaberi, ministre irakien de la Culture, s’est pour sa part satisfait de « pouvoir attirer l’attention de la communauté internationale sur l’importance du patrimoine irakien » et a tenu à porter une note d’espoir, en soulignant la vitalité créative retrouvée de son pays « après de longues années d’oppression ».

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°270 du 30 novembre 2007, avec le titre suivant : SOS Irak

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